Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-15.511, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 novembre 2023




Cassation sans renvoi


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 601 FS-B

Pourvoi n° Q 22-15.511




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023

1°/ M. [L] [N], domicilié centre de rétention administrative de [Localité 5], [Adresse 4],

2°/ l'union départementale des associations familiales de [Localité 5] (UDAF), représentée par Mme [Y] [Z], en sa qualité de curatrice de M. [L] [N], dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Q 22-15.511 contre l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (rétention administrative, chambre 1-11 RA), dans le litige les opposant :

1°/ au préfet des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 1], représentant l'Etat,

2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, plusieurs moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [N] et de l'union départementale des associations familiales de [Localité 5], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 octobre 2021) et les pièces de la procédure, le 20 janvier 2020, un juge des tutelles a prononcé, pour une durée de soixante mois, une mesure de curatelle renforcée au bénéfice de M. [N], de nationalité algérienne. Le 19 octobre 2021, celui-ci a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté ministériel d'expulsion.

2. Le 21 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [N] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par le préfet d'une demande de première prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de maintenir la mesure, alors « qu'il résulte des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le curateur est avisé du placement en rétention administrative de la personne placée sous curatelle ; qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 741-8 du CESEDA que l'autorité administrative doit informer immédiatement le procureur de la République de tout placement en rétention et que ni ce texte ni aucun texte, n'imposent à l'administration ou au procureur de la République d'aviser le curateur de l'étranger de son placement en rétention, quand cette règle de droit résultait des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le délégué du premier président a violé, ensemble, les articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et les articles L. 741-9 et L. 741-10 du CESEDA :

4. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement.

5. Pour rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance retient qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait procéder à l'audition de la curatrice préalablement au placement en rétention de l'intéressé en l'absence de justification d'une disposition légale en ce sens.

6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'administration, qui avait connaissance de la mesure de protection, avait informé le curateur du placement en rétention de M. [N], le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C100601
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