Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 novembre 2023, 23-81.636, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 novembre 2023, 23-81.636, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 23-81.636
- ECLI:FR:CCASS:2023:CR01295
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 08 novembre 2023
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, du 15 mars 2023- Président
- M. Bonnal
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 23-81.636 F-B
N° 01295
GM
8 NOVEMBRE 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 NOVEMBRE 2023
M. [P] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 15 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, association de malfaiteurs et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P] [I], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Les fonctionnaires de la police judiciaire de [Localité 2], informés de ce que des transactions de produits stupéfiants avaient lieu dans le parking d'un immeuble géré par un bailleur social, ont requis ce dernier, le 9 mars 2020, sur autorisation du procureur de la République, afin d'accéder aux parties communes.
3. Le même jour, le bailleur les a autorisés, pour une durée d'un an, à accéder aux images enregistrées dans son installation de vidéosurveillance.
4. Ce droit d'accès a été renouvelé, dans les mêmes formes et pour la même durée, le 4 janvier 2021.
5. L'exploitation de ces images a confirmé la mise en cause de quatre personnes, dont M. [P] [I], qui, après ouverture d'une information judiciaire le 21 octobre 2021, ont été mises en examen des chefs susvisés.
6. Par requête déposée le 12 avril 2022, M. [I] a sollicité l'annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et constaté la régularité de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que « la communication des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations dans les parties communes de l'immeuble concerné n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale », quand le pouvoir de réquisition des officiers de police judiciaire les autorise à obtenir communication des enregistrements des caméras de surveillance, sans pour autant leur permettre d'exploiter des images postérieures aux réquisitions ainsi formulées, ni de traiter en direct le flux vidéo des caméras ainsi exploitées sur une large période de temps, laquelle mesure s'assimile davantage à une captation d'images pour l'avenir qui suppose alors l'autorisation et le contrôle d'un juge, gardien des libertés fondamentales, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était nécessaire et proportionnée, sans rechercher avant tout si cette atteinte était légale, ce qu'elle n'était pas, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était abstraitement nécessaire « eu égard à la nature et à la gravité des faits poursuivis et eu égard au profil des protagonistes du dossier », quand il résulte de ses propres constatations que les surveillances opérées par les enquêteurs et l'exploitation ponctuelle d'images préenregistrées suffisaient à rechercher la preuve des faits reprochés aux mis en cause, de sorte que la nécessité de requérir, ab initio et pour l'avenir, un accès sans limite à toutes les images futures qui seraient captées par les caméras litigieuses pendant 16 mois, n'était pas établie, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était proportionnée en ce que « pour la période de 9 mois de l'année 2020, seulement 7 jours ont donc été exploités » et que « pour les 7 mois de l'année 2021 concernés par la réquisition, 27 jours ont été exploités, lors desquels [P] [I] apparaît 17 jours » quand il importe que les autres images n'aient pas été effectivement exploitées - ou, plus exactement, qu'elles n'aient pas fait l'objet d'un procès-verbal d'exploitation ... -, l'accès à ces plus de 10.000 heures d'images constituant à lui seul une atteinte à la vie privée de l'exposant dès lors que celui-ci est apparu, même ponctuellement, sur celles-ci, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs impropres à justifier la proportionnalité de la mesure critiquée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la communication aux enquêteurs, et l'exploitation par ces derniers, des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations, dans les parties communes de l'immeuble concerné, n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale.
10. Les juges ajoutent que le système de vidéosurveillance était en place et fonctionnait préalablement aux réquisitions délivrées par les enquêteurs au propriétaire, en vertu de l'autorisation générale qui leur avait été délivrée à cette fin par le procureur de la République.
11. Ils estiment que le fait que les enquêteurs aient inscrit dans le temps et pour les mois à venir leur demande de mise à disposition des enregistrements de vidéosurveillance n'est pas plus critiquable puisque, d'une part, cette installation technique était permanente, antérieure aux réquisitions des enquêteurs et était faite pour fonctionner au-delà de ces réquisitions et sans lien avec celles-ci, d'autre part, les enregistrements étaient de toute façon conservés par le propriétaire et à sa seule initiative.
12. Ils précisent que, eu égard à la gravité des infractions poursuivies, caractérisée par l'ampleur et la durée du trafic, la nature des produits concernés, et l'existence d'une organisation structurée avec de nombreux protagonistes dont certains déjà condamnés à de multiples reprises, l'exploitation des vidéosurveillances critiquées, qui ne portent que sur sept jours en 2020 et vingt-sept jours en 2021, dont seulement dix-sept concernent M. [I], constitue une atteinte à sa vie privée non seulement justifiée pour permettre la manifestation de la vérité, mais aussi proportionnée à un trafic de stupéfiants de cette ampleur.
13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, la technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte.
15. En deuxième lieu, l'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées.
16. En troisième lieu, il résulte des motifs de la chambre de l'instruction que l'atteinte ainsi portée à la vie privée des personnes concernées était prévue par l'article 77-1-1 précité, justifiée par la recherche des infractions pénales, et proportionnée à la gravité de celles-ci.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR01295
N° K 23-81.636 F-B
N° 01295
GM
8 NOVEMBRE 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 NOVEMBRE 2023
M. [P] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 15 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, association de malfaiteurs et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P] [I], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Les fonctionnaires de la police judiciaire de [Localité 2], informés de ce que des transactions de produits stupéfiants avaient lieu dans le parking d'un immeuble géré par un bailleur social, ont requis ce dernier, le 9 mars 2020, sur autorisation du procureur de la République, afin d'accéder aux parties communes.
3. Le même jour, le bailleur les a autorisés, pour une durée d'un an, à accéder aux images enregistrées dans son installation de vidéosurveillance.
4. Ce droit d'accès a été renouvelé, dans les mêmes formes et pour la même durée, le 4 janvier 2021.
5. L'exploitation de ces images a confirmé la mise en cause de quatre personnes, dont M. [P] [I], qui, après ouverture d'une information judiciaire le 21 octobre 2021, ont été mises en examen des chefs susvisés.
6. Par requête déposée le 12 avril 2022, M. [I] a sollicité l'annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et constaté la régularité de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que « la communication des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations dans les parties communes de l'immeuble concerné n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale », quand le pouvoir de réquisition des officiers de police judiciaire les autorise à obtenir communication des enregistrements des caméras de surveillance, sans pour autant leur permettre d'exploiter des images postérieures aux réquisitions ainsi formulées, ni de traiter en direct le flux vidéo des caméras ainsi exploitées sur une large période de temps, laquelle mesure s'assimile davantage à une captation d'images pour l'avenir qui suppose alors l'autorisation et le contrôle d'un juge, gardien des libertés fondamentales, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était nécessaire et proportionnée, sans rechercher avant tout si cette atteinte était légale, ce qu'elle n'était pas, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était abstraitement nécessaire « eu égard à la nature et à la gravité des faits poursuivis et eu égard au profil des protagonistes du dossier », quand il résulte de ses propres constatations que les surveillances opérées par les enquêteurs et l'exploitation ponctuelle d'images préenregistrées suffisaient à rechercher la preuve des faits reprochés aux mis en cause, de sorte que la nécessité de requérir, ab initio et pour l'avenir, un accès sans limite à toutes les images futures qui seraient captées par les caméras litigieuses pendant 16 mois, n'était pas établie, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était proportionnée en ce que « pour la période de 9 mois de l'année 2020, seulement 7 jours ont donc été exploités » et que « pour les 7 mois de l'année 2021 concernés par la réquisition, 27 jours ont été exploités, lors desquels [P] [I] apparaît 17 jours » quand il importe que les autres images n'aient pas été effectivement exploitées - ou, plus exactement, qu'elles n'aient pas fait l'objet d'un procès-verbal d'exploitation ... -, l'accès à ces plus de 10.000 heures d'images constituant à lui seul une atteinte à la vie privée de l'exposant dès lors que celui-ci est apparu, même ponctuellement, sur celles-ci, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs impropres à justifier la proportionnalité de la mesure critiquée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la communication aux enquêteurs, et l'exploitation par ces derniers, des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations, dans les parties communes de l'immeuble concerné, n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale.
10. Les juges ajoutent que le système de vidéosurveillance était en place et fonctionnait préalablement aux réquisitions délivrées par les enquêteurs au propriétaire, en vertu de l'autorisation générale qui leur avait été délivrée à cette fin par le procureur de la République.
11. Ils estiment que le fait que les enquêteurs aient inscrit dans le temps et pour les mois à venir leur demande de mise à disposition des enregistrements de vidéosurveillance n'est pas plus critiquable puisque, d'une part, cette installation technique était permanente, antérieure aux réquisitions des enquêteurs et était faite pour fonctionner au-delà de ces réquisitions et sans lien avec celles-ci, d'autre part, les enregistrements étaient de toute façon conservés par le propriétaire et à sa seule initiative.
12. Ils précisent que, eu égard à la gravité des infractions poursuivies, caractérisée par l'ampleur et la durée du trafic, la nature des produits concernés, et l'existence d'une organisation structurée avec de nombreux protagonistes dont certains déjà condamnés à de multiples reprises, l'exploitation des vidéosurveillances critiquées, qui ne portent que sur sept jours en 2020 et vingt-sept jours en 2021, dont seulement dix-sept concernent M. [I], constitue une atteinte à sa vie privée non seulement justifiée pour permettre la manifestation de la vérité, mais aussi proportionnée à un trafic de stupéfiants de cette ampleur.
13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, la technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte.
15. En deuxième lieu, l'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées.
16. En troisième lieu, il résulte des motifs de la chambre de l'instruction que l'atteinte ainsi portée à la vie privée des personnes concernées était prévue par l'article 77-1-1 précité, justifiée par la recherche des infractions pénales, et proportionnée à la gravité de celles-ci.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.