Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-13.780, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 novembre 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2024 F-D

Pourvoi n° G 22-13.780




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023

1°/ La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de président du CHSCT de l'établissement de [Localité 3] Les Marches de Bretagne,

ont formé le pourvoi n° G 22-13.780 contre le jugement rendu le 11 mars 2022 par le président du tribunal judiciaire de Rennes (jugement selon la procédure accélérée au fond), dans le litige les opposant au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de [Localité 3] Les Marches de Bretagne, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste et de M. [Z], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement [Localité 3] Les Marches de Bretagne, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Rennes, 11 mars 2022), statuant selon la procédure accélérée au fond, l'établissement de La Poste [Localité 3] Les Marches de Bretagne est une plate-forme de préparation et de distribution du courrier composée de huit sites, dont celui de La Guerche de Bretagne qui a fait l'objet d'une réorganisation en juin 2021.

2. Par délibération du 20 octobre 2021, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de La Poste [Localité 3] les Marches de Bretagne (le comité) a décidé de recourir à une expertise concernant le site de [Localité 4] sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail.

3. Invoquant l'irrégularité de cette délibération, la société La Poste (La Poste) a saisi, le 29 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire d'une demande en annulation de celle-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La Poste fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la délibération du comité en date du 20 octobre 2021, alors « que le CHSCT ne peut recourir à une mission d'expertise, prise en charge par l'employeur, que dans le cadre et dans les conditions prévues par l'article L. 4614-12 du code du travail, dans sa rédaction, applicable à La Poste, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; que la délibération, qui fixe les termes du litige, doit en conséquence, préciser que l'expertise ordonnée est justifiée par l'existence d'un risque grave ou d'un projet important au sens de ces dispositions et confier à l'expert une mission s'inscrivant dans cet objet ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations du tribunal judiciaire qu'aux termes de la résolution adoptée le 20 octobre 2021 [...], le CHSCT de l'établissement de [Localité 3] Marches de Bretagne décidait de recourir aux compétences d'un cabinet d'expertise agréé en indiquant que l'expertise aurait pour objectifs sur le site : - d'analyser les situations de travail et l'impact de l'intégration de la publicité d'Adrexo afin d'établir un diagnostic sur la charge physique et mentale du personnel, - d'analyser les situations de travail du samedi afin d'établir un diagnostic de ses effets sur les conditions de travail et la santé du personnel, - d'aider le CHSCT à faire des propositions de prévention cherchant à diminuer tous risques professionnels et psycho-sociaux et visant à améliorer les conditions de travail de tout le personnel concerné par son périmètre...[que] la résolution du CHSCT précisait encore la mission de l'expert en ces termes : « pour cela, l'expert devra procéder à une analyse des textes et documents ainsi qu'à une analyse des situations réelles de travail des salariés, procéder à l'analyse de la charge de travail physique et mentale de l'organisation de travail, analyser l'impact de l'intégration de la publicité d'Adrexo et analyser également les situations réelles du samedi »"; qu'en déboutant La Poste de sa demande d'annulation de cette délibération quand il ressortait de ses propres constatations que l'expertise ordonnée concernait de manière générale les conditions de travail dans l'entreprise ou l'analyse des risques professionnels dans l'établissement sans autre précision et, partant, ne s'inscrivait dans l'invocation ni d'un risque grave ni d'un projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail des personnels, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir constaté qu'aux termes de la résolution adoptée le 20 octobre 2021 à la suite d'un accident de la circulation survenu le samedi 9 octobre 2021 au cours duquel, lors de sa tournée, un membre du personnel avait renversé un piéton, grièvement blessé, le comité avait décidé de recourir à une expertise, ayant pour objectif d'analyser les situations de travail et l'impact de l'intégration de la publicité d'Adrexo sur le site afin d'établir un diagnostic sur la charge physique et mentale du personnel, d'analyser les situations de travail du samedi, d'établir un diagnostic de leurs effets sur les conditions de travail et la santé du personnel et d'aider le comité à faire des propositions de prévention cherchant à diminuer tous risques professionnels et psycho-sociaux, le président du tribunal a retenu que le comité démontrait l'existence d'un risque identifié et actuel, caractérisé par un état de danger lié au risque routier et à l'accroissement de la charge de travail physique et mentale du personnel, notamment lors des tournées du samedi.

6. Ayant fait ressortir que les termes de la délibération litigieuse permettaient de définir que le recours à l'expertise était fondé sur un risque grave au sens des dispositions de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail, demeuré applicable à La Poste, le président du tribunal judiciaire n'encourt pas le grief du moyen.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Poste à payer à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés la somme de 3 600 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO02024
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