Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2023, 22-21.147, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2023, 22-21.147, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 22-21.147
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00970
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 04 octobre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, du 28 janvier 2022- Président
- Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 octobre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 970 F-D
Pourvoi n° R 22-21.147
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023
M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-21.147 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Milee, anciennement dénommée Adrexo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [F], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Milee, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 janvier 2022), M. [F] a été engagé en qualité d'adjoint de chef d'agence le 9 novembre 2005 par la société Pubeddiffusion aux droits de laquelle est venue la société Adrexo, devenue Milee. Au dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de responsable opérationnel de centre.
2. Le 23 janvier 2018, la société Adrexo a notifié au salarié un avertissement.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de l'avertissement et des dommages-intérêts pour sanction injustifiée, la nullité d'une convention forfait-jours qui lui était appliquée et la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire découlant de la nullité de la convention forfait-jours, de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018 outre des congés payés afférents.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en condamnation de son employeur à lui payer une somme, congés payés inclus, au titre du rappel de salaire découlant de la nullité de la convention forfait-jours, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que M. [F] versait aux débats un document contenant un planning hebdomadaire de travail type accompagné d'un décompte de temps de travail habituel sur la période en cause ; que la société Adrexo ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du temps de travail et versait aux débats des extraits du logiciel de paie pour établir les jours d'absence de M. [F] à déduire ; qu'en reprochant à M. [F] de ne pas fournir d'éléments suffisamment précis et fiables quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
9. Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt constate que le salarié produit un document dactylographié qui contient en premier lieu un planning hebdomadaire de travail type faisant ressortir une durée hebdomadaire de travail de 40 h 30 puis qui mentionne, pour chacune des années 2016 à 2018, un décompte de temps de travail toujours identique qui repose sur la simple multiplication de cette durée hebdomadaire de travail par 52 semaines dont il ressort un temps de travail total, pour chacune de ces années, de 2 106 heures et, enfin, un calcul du nombre d'heures de travail supplémentaires reposant sur la simple soustraction entre ce nombre d'heures de travail annuel et 1 820 heures obtenues par une simple multiplication de 35 heures de travail hebdomadaires par 52 semaines.
10. Il ajoute que ce document n'est étayé par aucun élément extrinsèque, qu'il repose sur le postulat, non établi, de temps de travail toujours strictement identiques, jour par jour et semaine par semaine, pour l'ensemble de la période concernée, soit durant trois années, sans décompte hebdomadaire des temps de travail et des heures supplémentaires dont le paiement est revendiqué et sans tenir compte des journées et périodes d'absence du salarié, notamment pour RTT, dont la société Adrexo justifie, de sorte que ce dernier ne produit pas d'éléments suffisamment précis et fiables sur les heures de travail non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société Adrexo à lui payer la somme de 8 045 euros bruts au titre de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018, outre les congés payés afférents, alors « qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve qui a éteint son obligation ; qu'en déboutant M. [F] de sa demande au titre de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018, aux motifs que les pièces qu'il versait aux débats n'étaient assorties d'aucun commentaire précis et intelligible et ne démontraient pas les causes de la baisse de prime dénoncée, quand il appartenait à la société Adrexo de justifier la raison pour laquelle le montant de la prime litigieuse avait été divisée par trois en un an, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
13. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
14. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de primes sur objectifs, l'arrêt rappelle qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et retient que si les trois seules pièces (n° 13, 14 et 25) produites par M. [F] au soutien de sa demande de ce chef font bien apparaître un montant de primes de 11 545 euros pour l'année 2017 et seulement de 3 500 euros pour l'année 2018, ces pièces, qui ne sont assorties d'aucun commentaire précis et intelligible, ne permettent pas de considérer que c'est en raison d'une prise en compte fallacieuse de l'intervention d'un sous-traitant que le montant de ses primes a été réduit entre 2017 et 2018 et encore moins, à supposer établie une telle prise en compte, d'en chiffrer même approximativement les conséquences.
15. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des bases de calcul de la prime sur objectifs pour l'année 2018, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [F] de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la société Adrexo, devenue Milee, à lui payer la somme de 23 337,60 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et les congés payés afférents, la somme de 8 045 euros brut au titre de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018, outre 804,50 euros brut au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 28 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Milee aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Milee et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00970
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 octobre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 970 F-D
Pourvoi n° R 22-21.147
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023
M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-21.147 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Milee, anciennement dénommée Adrexo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [F], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Milee, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 janvier 2022), M. [F] a été engagé en qualité d'adjoint de chef d'agence le 9 novembre 2005 par la société Pubeddiffusion aux droits de laquelle est venue la société Adrexo, devenue Milee. Au dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de responsable opérationnel de centre.
2. Le 23 janvier 2018, la société Adrexo a notifié au salarié un avertissement.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de l'avertissement et des dommages-intérêts pour sanction injustifiée, la nullité d'une convention forfait-jours qui lui était appliquée et la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire découlant de la nullité de la convention forfait-jours, de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018 outre des congés payés afférents.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en condamnation de son employeur à lui payer une somme, congés payés inclus, au titre du rappel de salaire découlant de la nullité de la convention forfait-jours, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que M. [F] versait aux débats un document contenant un planning hebdomadaire de travail type accompagné d'un décompte de temps de travail habituel sur la période en cause ; que la société Adrexo ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du temps de travail et versait aux débats des extraits du logiciel de paie pour établir les jours d'absence de M. [F] à déduire ; qu'en reprochant à M. [F] de ne pas fournir d'éléments suffisamment précis et fiables quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
9. Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt constate que le salarié produit un document dactylographié qui contient en premier lieu un planning hebdomadaire de travail type faisant ressortir une durée hebdomadaire de travail de 40 h 30 puis qui mentionne, pour chacune des années 2016 à 2018, un décompte de temps de travail toujours identique qui repose sur la simple multiplication de cette durée hebdomadaire de travail par 52 semaines dont il ressort un temps de travail total, pour chacune de ces années, de 2 106 heures et, enfin, un calcul du nombre d'heures de travail supplémentaires reposant sur la simple soustraction entre ce nombre d'heures de travail annuel et 1 820 heures obtenues par une simple multiplication de 35 heures de travail hebdomadaires par 52 semaines.
10. Il ajoute que ce document n'est étayé par aucun élément extrinsèque, qu'il repose sur le postulat, non établi, de temps de travail toujours strictement identiques, jour par jour et semaine par semaine, pour l'ensemble de la période concernée, soit durant trois années, sans décompte hebdomadaire des temps de travail et des heures supplémentaires dont le paiement est revendiqué et sans tenir compte des journées et périodes d'absence du salarié, notamment pour RTT, dont la société Adrexo justifie, de sorte que ce dernier ne produit pas d'éléments suffisamment précis et fiables sur les heures de travail non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société Adrexo à lui payer la somme de 8 045 euros bruts au titre de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018, outre les congés payés afférents, alors « qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve qui a éteint son obligation ; qu'en déboutant M. [F] de sa demande au titre de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018, aux motifs que les pièces qu'il versait aux débats n'étaient assorties d'aucun commentaire précis et intelligible et ne démontraient pas les causes de la baisse de prime dénoncée, quand il appartenait à la société Adrexo de justifier la raison pour laquelle le montant de la prime litigieuse avait été divisée par trois en un an, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1353 du code civil :
13. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
14. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de primes sur objectifs, l'arrêt rappelle qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et retient que si les trois seules pièces (n° 13, 14 et 25) produites par M. [F] au soutien de sa demande de ce chef font bien apparaître un montant de primes de 11 545 euros pour l'année 2017 et seulement de 3 500 euros pour l'année 2018, ces pièces, qui ne sont assorties d'aucun commentaire précis et intelligible, ne permettent pas de considérer que c'est en raison d'une prise en compte fallacieuse de l'intervention d'un sous-traitant que le montant de ses primes a été réduit entre 2017 et 2018 et encore moins, à supposer établie une telle prise en compte, d'en chiffrer même approximativement les conséquences.
15. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des bases de calcul de la prime sur objectifs pour l'année 2018, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [F] de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la société Adrexo, devenue Milee, à lui payer la somme de 23 337,60 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et les congés payés afférents, la somme de 8 045 euros brut au titre de rappel de primes sur objectifs de l'année 2018, outre 804,50 euros brut au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 28 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Milee aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Milee et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.