Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 septembre 2023, 22-14.615, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 septembre 2023, 22-14.615, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 22-14.615
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00891
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 20 septembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 15 octobre 2021- Président
- Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 891 F-D
Pourvoi n° R 22-14.615
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 mars 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
Mme [C] [E], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-14.615 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Rouliès, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Total énergies marketing services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Total marketing services,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [E], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Total énergies marketing services, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 octobre 2021), Mme [E] a été engagée en qualité d'aide opératrice de station-service par la société Rouliès à compter du 14 juin 2006.
2. Le 4 décembre 2009, la société Total marketing services, devenue Total énergies marketing services, propriétaire du fonds de commerce exploité en location-gérance par la société Rouliès, a adressé à celle-ci une lettre pour lui notifier la fermeture de la station-service au 15 mars 2010, avec préavis de trois mois. L'avenant de la résiliation du contrat de location-gérance a été signé le 10 février 2010.
3. Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 janvier 2010, la salariée a adhéré le 8 février 2010 à la convention de reclassement personnalisé.
4. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées contre la société Rouliès et la société Total marketing services.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes fondées sur une rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail, alors « que la résiliation du contrat de location-gérance entraîne le retour du fonds dans le patrimoine du bailleur, sauf pour ce dernier à démontrer que le fonds n'est pas exploitable ou qu'il est en ruine ; que la seule cessation d'activité ne peut suffire à exclure l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que pour affirmer que le licenciement de Mme [E] par la société Rouliès était doté d'une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la fermeture de l'établissement au sein duquel la salariée était employée, qui procédait de la résiliation du contrat de location-gérance consenti par la société Total marketing services à la société Rouliès, imposait, pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la suppression du poste de la salariée alors que tous les postes du seul autre établissement de l'employeur étaient pourvus ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à exclure que la résiliation du contrat de location-gérance avait entraîné le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire, la société Total marketing services, de sorte que le contrat de travail avait été transféré à celle-ci, sauf pour la bailleresse à démontrer que le fonds n'était pas exploitable ou était en ruine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.»
Réponse de la Cour
Vu l'article L 1224-1 du code du travail :
6. Il résulte de ce texte que la résiliation par le propriétaire du fonds de commerce, constituant une entité économique autonome, du contrat de location-gérance entraînant le retour du fonds loué au bailleur, celui-ci est tenu de poursuivre les contrats de travail du personnel attaché à l'entité, dès lors que celle-ci demeure exploitable au jour de sa restitution par le locataire.
7. Il s'ensuit que le licenciement prononcé à l'occasion d'une telle modification est privé d'effet et que le salarié licencié peut, à son choix, demander au nouvel employeur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu ou demander à l'auteur du licenciement illégal la réparation du préjudice en résultant.
8. Pour dire que le licenciement pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes indemnitaires de ce chef, l'arrêt retient que la société Total marketing services avait notifié sa décision de résiliation anticipée pour fermeture définitive de la station et que la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, a bien visé à la fois cette fermeture d'établissement et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Il ajoute que la salariée ne conteste pas que l'entreprise ne comportait qu'un seul autre établissement à savoir une autre station-service et qu'alors que tous les postes de la station fermée étaient supprimés, la société Rouliès ne pouvait réaffecter les salariés sur l'autre station. Il conclut que s'il n'existait donc pas de motif autonome au sens de cessation d'activité, il n'en demeure pas moins que la fermeture de l'établissement, qui ne procédait pas d'une faute de la société Rouliès mais de la résiliation de son contrat de location-gérance, imposait, pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise de taille très modeste puisqu'elle était constituée de deux stations services, la suppression du poste de la salariée alors que tous les postes du seul autre établissement de l'employeur étaient pourvus.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si au jour de son retour à la société Total marketing services, le fonds de commerce était inexploitable, ce qui ne peut résulter de la seule décision de cette dernière de ne pas en poursuivre l'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non recevoir soulevée par la société Rouliès et condamne la société Rouliès à payer à Mme [E] les sommes de 4 847,40 euros au titre du rappel de salaire, 484,74 euros au titre des congés afférents et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile, l'arrêt rendu le 15 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne les sociétés Rouliès et Total énergies Marketing services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Total énergies marketing services et condamne in solidum les sociétés Rouliès et Total énergies marketing services à verser à la SCP de Nervo et Kacenelenbogen la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00891
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 891 F-D
Pourvoi n° R 22-14.615
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 mars 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
Mme [C] [E], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-14.615 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Rouliès, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Total énergies marketing services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Total marketing services,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [E], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Total énergies marketing services, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 octobre 2021), Mme [E] a été engagée en qualité d'aide opératrice de station-service par la société Rouliès à compter du 14 juin 2006.
2. Le 4 décembre 2009, la société Total marketing services, devenue Total énergies marketing services, propriétaire du fonds de commerce exploité en location-gérance par la société Rouliès, a adressé à celle-ci une lettre pour lui notifier la fermeture de la station-service au 15 mars 2010, avec préavis de trois mois. L'avenant de la résiliation du contrat de location-gérance a été signé le 10 février 2010.
3. Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 janvier 2010, la salariée a adhéré le 8 février 2010 à la convention de reclassement personnalisé.
4. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées contre la société Rouliès et la société Total marketing services.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes fondées sur une rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail, alors « que la résiliation du contrat de location-gérance entraîne le retour du fonds dans le patrimoine du bailleur, sauf pour ce dernier à démontrer que le fonds n'est pas exploitable ou qu'il est en ruine ; que la seule cessation d'activité ne peut suffire à exclure l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que pour affirmer que le licenciement de Mme [E] par la société Rouliès était doté d'une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la fermeture de l'établissement au sein duquel la salariée était employée, qui procédait de la résiliation du contrat de location-gérance consenti par la société Total marketing services à la société Rouliès, imposait, pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la suppression du poste de la salariée alors que tous les postes du seul autre établissement de l'employeur étaient pourvus ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à exclure que la résiliation du contrat de location-gérance avait entraîné le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire, la société Total marketing services, de sorte que le contrat de travail avait été transféré à celle-ci, sauf pour la bailleresse à démontrer que le fonds n'était pas exploitable ou était en ruine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.»
Réponse de la Cour
Vu l'article L 1224-1 du code du travail :
6. Il résulte de ce texte que la résiliation par le propriétaire du fonds de commerce, constituant une entité économique autonome, du contrat de location-gérance entraînant le retour du fonds loué au bailleur, celui-ci est tenu de poursuivre les contrats de travail du personnel attaché à l'entité, dès lors que celle-ci demeure exploitable au jour de sa restitution par le locataire.
7. Il s'ensuit que le licenciement prononcé à l'occasion d'une telle modification est privé d'effet et que le salarié licencié peut, à son choix, demander au nouvel employeur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu ou demander à l'auteur du licenciement illégal la réparation du préjudice en résultant.
8. Pour dire que le licenciement pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes indemnitaires de ce chef, l'arrêt retient que la société Total marketing services avait notifié sa décision de résiliation anticipée pour fermeture définitive de la station et que la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, a bien visé à la fois cette fermeture d'établissement et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Il ajoute que la salariée ne conteste pas que l'entreprise ne comportait qu'un seul autre établissement à savoir une autre station-service et qu'alors que tous les postes de la station fermée étaient supprimés, la société Rouliès ne pouvait réaffecter les salariés sur l'autre station. Il conclut que s'il n'existait donc pas de motif autonome au sens de cessation d'activité, il n'en demeure pas moins que la fermeture de l'établissement, qui ne procédait pas d'une faute de la société Rouliès mais de la résiliation de son contrat de location-gérance, imposait, pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise de taille très modeste puisqu'elle était constituée de deux stations services, la suppression du poste de la salariée alors que tous les postes du seul autre établissement de l'employeur étaient pourvus.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si au jour de son retour à la société Total marketing services, le fonds de commerce était inexploitable, ce qui ne peut résulter de la seule décision de cette dernière de ne pas en poursuivre l'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non recevoir soulevée par la société Rouliès et condamne la société Rouliès à payer à Mme [E] les sommes de 4 847,40 euros au titre du rappel de salaire, 484,74 euros au titre des congés afférents et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile, l'arrêt rendu le 15 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne les sociétés Rouliès et Total énergies Marketing services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Total énergies marketing services et condamne in solidum les sociétés Rouliès et Total énergies marketing services à verser à la SCP de Nervo et Kacenelenbogen la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.