Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 septembre 2023, 22-16.130, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 septembre 2023, 22-16.130, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 22-16.130
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00906
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 20 septembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 16 février 2022- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 906 F-D
Pourvoi n° N 22-16.130
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________________
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-16.130 contre l'arrêt rendu le 16 février 2022 par la cour d'appel de Paris (Pôle 6 - Chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Euro-TVS, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Euro-TVS, après débats en l'audience publique du 28 juin 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité d'opératrice confirmée vidéocodage à compter du 23 mars 2010 par la société Euro-TVS (la société).
2. Le 17 août 2017, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.
3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral et une discrimination en raison de son origine, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 27 août 2017, de demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre notamment d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de la discrimination.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; que la discrimination inclut tout agissement lié à un motif discriminatoire subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; qu'en l'espèce, après avoir retenu comme établis les propos répétés et inappropriés tenus par la supérieure hiérarchique à l'encontre de l'exposante à raison de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, la cour d'appel, qui l'a néanmoins déboutée de sa demande au titre de la discrimination à raison de ses origines aux motifs propres et adoptés qu'aucune différence de traitement ou mesure discriminatoire ne peut être retenue à l'égard de l'employeur, a violé l'article L. 1132-1 du code du travail, ensemble l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, et L. 1134-1 du code du travail et l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 :
6. Selon le premier de ces textes, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison notamment de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race.
7. Selon l'alinéa 3 de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
8. En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
9. L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, l'arrêt retient qu'il résulte des attestations produites, en particulier celles de M. [P] et de Mme [W], que la supérieure hiérarchique de la salariée désignait parfois celle-ci, soit directement devant elle, soit en son absence, comme « la libanaise », mais que la salariée ne démontre pas que ces propos, pour inappropriés qu'il soient, aient entraîné une discrimination, c'est-à-dire une différence de traitement entre elle et les autres salariées.
11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que la salariée était désignée parfois, soit directement devant elle, soit en son absence, comme « la libanaise », ce qui constituait un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'origine de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination n'est pas susceptible d'atteindre la disposition de l'arrêt déboutant celle-ci de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la salariée ne fondait pas cette demande sur la discrimination.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination et en ce qu'il la condamne à payer à la société Euro-TVS la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 16 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Euro-TVS aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Euro-TVS et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00906
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 906 F-D
Pourvoi n° N 22-16.130
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________________
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-16.130 contre l'arrêt rendu le 16 février 2022 par la cour d'appel de Paris (Pôle 6 - Chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Euro-TVS, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Euro-TVS, après débats en l'audience publique du 28 juin 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité d'opératrice confirmée vidéocodage à compter du 23 mars 2010 par la société Euro-TVS (la société).
2. Le 17 août 2017, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.
3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral et une discrimination en raison de son origine, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 27 août 2017, de demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre notamment d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de la discrimination.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; que la discrimination inclut tout agissement lié à un motif discriminatoire subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; qu'en l'espèce, après avoir retenu comme établis les propos répétés et inappropriés tenus par la supérieure hiérarchique à l'encontre de l'exposante à raison de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, la cour d'appel, qui l'a néanmoins déboutée de sa demande au titre de la discrimination à raison de ses origines aux motifs propres et adoptés qu'aucune différence de traitement ou mesure discriminatoire ne peut être retenue à l'égard de l'employeur, a violé l'article L. 1132-1 du code du travail, ensemble l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, et L. 1134-1 du code du travail et l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 :
6. Selon le premier de ces textes, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison notamment de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race.
7. Selon l'alinéa 3 de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
8. En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
9. L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, l'arrêt retient qu'il résulte des attestations produites, en particulier celles de M. [P] et de Mme [W], que la supérieure hiérarchique de la salariée désignait parfois celle-ci, soit directement devant elle, soit en son absence, comme « la libanaise », mais que la salariée ne démontre pas que ces propos, pour inappropriés qu'il soient, aient entraîné une discrimination, c'est-à-dire une différence de traitement entre elle et les autres salariées.
11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que la salariée était désignée parfois, soit directement devant elle, soit en son absence, comme « la libanaise », ce qui constituait un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'origine de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination n'est pas susceptible d'atteindre la disposition de l'arrêt déboutant celle-ci de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la salariée ne fondait pas cette demande sur la discrimination.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination et en ce qu'il la condamne à payer à la société Euro-TVS la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 16 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Euro-TVS aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Euro-TVS et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.