Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 30 août 2023, 21-15.456, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 août 2023




Cassation partielle sans renvoi


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 529 F-D

Pourvoi n° J 21-15.456




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 AOÛT 2023

La métropole [Localité 3] Normandie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-15.456 contre le jugement rendu le 15 février 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen, dans le litige l'opposant à l'association Le Foyer [4], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la métropole [Localité 3] Normandie, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Le Foyer [4], après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rouen, 15 février 2021), rendu en dernier ressort, l'association Le Foyer [4] gère un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

2. Le 31 juillet 2017, la métropole [Localité 3] Normandie a émis contre l'association Le Foyer [4] un titre exécutoire pour le paiement de la somme de 2 427,76 euros au titre de la redevance spéciale d'enlèvement des déchets non ménagers due pour le deuxième trimestre de l'année 2017.

3. L'association Le Foyer [4] a assigné la métropole [Localité 3] Normandie afin de voir annuler ce titre exécutoire, dire qu'elle n'était pas assujettie à ladite redevance et condamner la métropole [Localité 3] Normandie en restitution de la somme versée à tort et en paiement de dommages et intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La métropole [Localité 3] Normandie fait grief au jugement de la condamner à payer à l'association Le Foyer [4] la somme de 2 427,76 euros à titre de restitution de la somme versée et la somme de 2 370,48 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que méconnaît les exigences du droit à un procès équitable et statue par une apparence de motivation, la juridiction qui, sous réserve de quelques adaptations de style, reproduit les conclusions de l'une des parties ; que le tribunal judiciaire, qui a condamné la métropole [Localité 3] Normandie à restituer la somme de 2 427,76 euros et à indemniser un préjudice fixé à la somme de 2 370,48 euros en reproduisant les conclusions de l'association Le Foyer [4], à l'exception de quelques adaptations de style, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la motivation du jugement attaqué que le tribunal judiciaire ne s'est pas borné à reproduire les conclusions de l'association Le Foyer [4], mais y a ajouté des appréciations personnelles.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. La métropole [Localité 3] Normandie fait grief au jugement de la condamner à payer à l'association Le Foyer [4] la somme de 2 427,76 euros au titre de la restitution de la somme versée en paiement du titre exécutoire du 31 juillet 2017, alors :

« 1°/ que les références de l'acte réglementaire par lequel l'autorité administrative fixe le tarif du service ne figurent pas parmi les "bases" et "éléments de calcul" devant à peine d'irrégularité être portés à la connaissance du redevable d'un titre exécutoire ; qu'en jugeant que le titre exécutoire du 31 juillet 2017 était irrégulier en l'absence de mention sur ce titre de la délibération prise par la métropole Rouen Normandie pour fixer le tarif de la redevance spéciale relative à l'année 2017, le tribunal judiciaire a violé l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

2°/ que le titre exécutoire est régulier lorsque les bases de la liquidation ont été portées à la connaissance du redevable, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document qui a été joint au titre exécutoire ou qui a été précédemment adressé au redevable ; qu'en jugeant que le titre exécutoire du 31 juillet 2017 était irrégulier, sans rechercher, au regard des pièces versées au débat, si les bases de la liquidation n'avaient pas été régulièrement antérieurement portées à la connaissance de l'association Le Foyer [4], le tribunal judiciaire a méconnu son office, et a violé l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article 24, alinéa 2, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation.

9. Il en résulte que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence expresse à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

10. Le jugement constate que le titre de recettes litigieux n° 1387 du 31 juillet 2017, émis pour un montant de 2 427,76 euros, ne mentionne pas la délibération prise pour fixer le tarif de la redevance afférente à l'année 2017.

11. En l'état de ces constatations, et dès lors qu'il n'est pas contesté que le titre de recettes litigieux n'indiquait pas lui-même les bases de la liquidation et les éléments de calcul de la redevance réclamée, le tribunal, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée à la seconde branche, inopérante dès lors qu'il n'était pas démontré par la métropole Rouen Normandie qu'un document mentionnant les bases de la liquidation avait été adressé à la redevable préalablement à l'émission du titre, a jugé à bon droit que, l'association Le Foyer [4] n'ayant pas été mise en mesure de connaître les bases de la liquidation, le titre de recettes litigieux était irrégulier et qu'il y avait lieu de condamner la métropole [Localité 3] Normandie à restituer à cette association la somme de 2 427,76 euros versée à tort.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

13. La métropole [Localité 3] Normandie fait grief au jugement de dire que l'assujettissement de l'association Le Foyer [4] à la redevance spéciale n'apparaît pas établi et de la condamner à payer à cette association la somme de 2 370,48 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que les déchets résultant des pensionnaires des maisons de retraite et des EHPAD sont des "déchets assimilés" produits par ces établissements, susceptibles de donner lieu au versement de la "redevance spéciale" ; que le tribunal judiciaire a constaté que l'association Le Foyer [4] est un EHPAD au sein duquel des personnes âgées dépendantes fixent leur résidence principale, disposent d'un logement privatif, d'un accès aux parties communes ainsi qu'à certains services ; qu'en jugeant que les déchets émanant des pensionnaires de cet EHPAD étaient des "déchets ménagers" insusceptibles d'être pris en compte pour le calcul du seuil d'assujettissement à la "redevance spéciale", quand ces déchets, résultant de l'activité de l'EHPAD et ainsi produits par ce dernier, devaient être qualifiés de "déchets assimilés", le tribunal a violé les articles L. 2224-13, L. 2224-14, L. 2333-78 et R. 2224-23 du code général des collectivités territoriales, ensemble les articles L. 541-1-1 et R. 541-8 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

14. Le rejet du deuxième moyen, critiquant l'irrégularité du titre de recettes litigieux, rend inopérant le troisième moyen, qui, s'attaquant à des motifs surabondants relatifs à l'assujettissement de l'association Le Foyer [4] à la redevance spéciale pour le recouvrement de laquelle le titre de recettes litigieux a été émis, ne peut être accueilli.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

15. La métropole [Localité 3] Normandie fait grief au jugement de la condamner à payer à l'association Le Foyer [4] la somme de 2 370,48 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que le fait pour la métropole [Localité 3] Normandie d'avoir continué à émettre des titres exécutoires malgré la contestation de l'association Le Foyer [4], sans attendre la décision du tribunal, ne constitue pas une faute ; qu'en décidant le contraire, le tribunal judiciaire a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

16. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

17. Pour condamner la métropole [Localité 3] Normandie à payer des dommages et intérêts à l'association Le Foyer [4], le jugement retient que la métropole Rouen Normandie a continué à émettre des titres exécutoires malgré la contestation de l'association Le Foyer [4] et la saisine du tribunal, sans attendre la décision.

18. En statuant ainsi, alors que le seul fait pour une collectivité territoriale d'émettre, dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, des titres de recettes, nonobstant une contestation soulevée par le redevable contre un titre précédemment émis, ne constitue pas une faute, le tribunal a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande de condamnation de la métropole [Localité 3] Normandie au paiement de dommages et intérêts.

21. La métropole [Localité 3] Normandie n'ayant commis aucune faute en continuant d'émettre des titres de recettes, la demande de l'association Le Foyer [4] en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la métropole [Localité 3] Normandie à payer à l'association Le Foyer [4] la somme de 2 370,48 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement rendu le 15 février 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de l'association Le Foyer [4] tendant à la condamnation de la métropole [Localité 3] Normandie au paiement de dommages et intérêts ;

Condamne l'association Le Foyer [4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Le Foyer [4] et la condamne à payer à la métropole [Localité 3] Normandie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente août deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CO00529
Retourner en haut de la page