Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 juillet 2023, 22-11.385, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 juillet 2023, 22-11.385, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-11.385
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300537
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 06 juillet 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 15 septembre 2021- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 537 F-D
Pourvoi n° E 22-11.385
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
1°/ M. [J] [E],
2°/ Mme [W], [C], épouse [E],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
3°/ M. [N] [E], domicilié [Adresse 4],
4°/ M. [Y] [E], domicilié [Adresse 1],
5°/ la société [E] Frères, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
6°/ la société [Adresse 5], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
7°/ M. [I] [E], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° E 22-11.385 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [O] [S], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société des Grands Cortins, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [E], de MM. [J], [N], [Y] et [I] [E], de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [S] et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée des Grands Cortins, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 15 septembre 2021), le 5 février 2016, M. et Mme [E] (les bailleurs) ont délivré à M. [S] (le preneur), titulaire d'un bail rural à long terme portant sur des parcelles de terres leur appartenant, mises à dispositions de l'exploitation agricole à responsabilité limitée des Grands Cortins (l'EARL des Grands Cortins), un congé aux fins de reprise par leurs fils, MM. [N], [Y] et [I] [E] (les consorts [E]), pour le 30 septembre 2017.
2. Ce congé a été annulé par jugement du 27 octobre 2017, confirmé par arrêt du 21 novembre 2018, devenu irrévocable (3e Civ., 12 mars 2020, pourvoi n° 19-11.649).
3. Après avoir obtenu, par ordonnance du tribunal paritaire des baux ruraux, statuant en référé, du 15 juin 2018, confirmée par arrêt du 12 décembre 2018, l'expulsion des consorts [E], de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères (l'EARL [E] Frères), et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] (l'EARL [Adresse 5]) qui avaient repris l'exploitation des terres dès le 1er octobre 2017, le preneur et l'EARL des Grands Cortins ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en réparation de leurs préjudices matériels et moraux nés de la privation de jouissance des terres louées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les bailleurs, les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à l'EARL des Grands Cortins une certaine somme en réparation de son préjudice matériel et au preneur une certaine somme en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que le congé produit effet sans que le bailleur ait besoin de le faire déclarer valable ; que la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, à la suite de la délivrance d'un congé pour reprise au preneur, n'a aucun effet suspensif sur le congé, peu important qu'il ait ensuite été annulé ; qu'en retenant, pour dire que la responsabilité des bailleurs était engagée pour un manquement à leur obligation d'assurer une jouissance paisible au preneur, et celle de MM. [N], [Y] et [I] [E], de l'Earl [E] Frères et de l'Earl [Adresse 5] pour une exploitation de parcelles qu'ils savaient louées à un tiers, que le congé délivré par les bailleurs le 5 février 2016 pour le 30 septembre 2017 ayant été contesté par la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux le 27 mai 2017, son annulation à la date du 27 octobre 2017 l'ayant fait disparaître, le preneur n'était pas, dans le cadre de l'instance en cours après la date d'effet du congé, sans droit ni titre, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 1719 du code civil et des articles 1147 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 411-58 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que la faute intentionnelle de la victime constitue une cause exonératoire totale de responsabilité ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire que la responsabilité des bailleurs était engagée pour un manquement à leur obligation d'assurer une jouissance paisible au preneur, et celle de MM. [N], [Y] et [I] [E], de l'Earl [E] Frères et de l'Earl [Adresse 5] pour une exploitation de parcelles qu'ils savaient louées à un tiers, que ceux-ci persistaient, malgré les décisions judiciaires expressément contraires à leur analyse, à considérer avoir le droit d'exploiter les parcelles objet du bail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que M. [O] [S] se présente aux tiers comme le propriétaire des parcelles litigieuses constituait une faute exonérant les consorts [E], ainsi que l'Earl [E] Frères et l'Earl [Adresse 5] de toute responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1719 du code civil et des articles 1147 et 1382 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'annulation du congé l'avait fait disparaître, de sorte que le preneur était titulaire d'un bail qui n'avait pas pris fin amiablement ou judiciairement.
6. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a pu en déduire qu'en ne délivrant pas au preneur la jouissance paisible à laquelle il avait droit, les bailleurs avaient manqué à leurs obligations contractuelles et que le fait, pour les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5], d'exploiter des parcelles qu'ils savaient louées à un tiers était une faute extra-contractuelle, en sorte qu'ayant concouru au même dommage ils devaient être condamnés à indemniser M. [S] de son préjudice moral et l'EARL des Grands Cortins de son préjudice matériel.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les bailleurs, les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à verser à l'EARL des Grands Cortins une certaine somme en réparation de son préjudice matériel, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme [E] faisaient valoir que M. [S] ne fournissait à la contradiction aucune pièce permettant d'apprécier la situation de son exploitation sur les trois années précédant les faits objet du litige ; que dès lors, en affirmant que les consorts [E], l'Earl [E] Frères et l'Earl [Adresse 5] ne contestent pas les résultats de l'évaluation comptable, pour en déduire qu'ils devaient être condamnés à verser à M. [O] [S] et l'Earl des Grands Cortins la somme de 63.523 euros en réparation de leur préjudice matériel, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. et Mme [E], en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
9. Le moyen, qui critique des motifs du jugement qui n'ont pas été adoptés par la cour d'appel, est inopérant.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Les bailleurs, les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer au preneur une certaine somme en réparation de son préjudice moral, alors « que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge toute évaluation forfaitaire de celui-ci ; qu'en allouant à M. [S] une somme forfaitaire de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison, d'une part, d'un manquement de M. et Mme [E] à leur obligation d'assurer une jouissance paisible au preneur et, d'autre part, de l'exploitation par MM. [N], [Y] et [I] [E], l'Earl [E] Frères et l'Earl [Adresse 5] de parcelles qu'ils savaient louées à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1149 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
11. Ayant retenu que les fautes contractuelles et extra-contractuelles concertées des bailleurs et des occupants des parcelles avaient causé un préjudice moral au preneur qui avait dû faire face à leurs actions violentes visant à nier ses droits à l'exploitation des terres, ajoutant aux difficultés habituelles d'exploitation, des difficultés juridiques et judiciaires que ne réparaient pas les indemnités de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation forfaitaire du préjudice, l'a souverainement évalué à la somme qu'elle a fixée.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. [J], [N], [Y] et [I] [E], Mme [E], l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères et l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E], MM. [J], [N], [Y] et [I] [E], l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères et l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] et les condamne à payer à M. [S] et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée des Grands Cortins la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300537
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 537 F-D
Pourvoi n° E 22-11.385
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
1°/ M. [J] [E],
2°/ Mme [W], [C], épouse [E],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
3°/ M. [N] [E], domicilié [Adresse 4],
4°/ M. [Y] [E], domicilié [Adresse 1],
5°/ la société [E] Frères, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
6°/ la société [Adresse 5], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
7°/ M. [I] [E], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° E 22-11.385 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [O] [S], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société des Grands Cortins, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [E], de MM. [J], [N], [Y] et [I] [E], de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [S] et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée des Grands Cortins, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 15 septembre 2021), le 5 février 2016, M. et Mme [E] (les bailleurs) ont délivré à M. [S] (le preneur), titulaire d'un bail rural à long terme portant sur des parcelles de terres leur appartenant, mises à dispositions de l'exploitation agricole à responsabilité limitée des Grands Cortins (l'EARL des Grands Cortins), un congé aux fins de reprise par leurs fils, MM. [N], [Y] et [I] [E] (les consorts [E]), pour le 30 septembre 2017.
2. Ce congé a été annulé par jugement du 27 octobre 2017, confirmé par arrêt du 21 novembre 2018, devenu irrévocable (3e Civ., 12 mars 2020, pourvoi n° 19-11.649).
3. Après avoir obtenu, par ordonnance du tribunal paritaire des baux ruraux, statuant en référé, du 15 juin 2018, confirmée par arrêt du 12 décembre 2018, l'expulsion des consorts [E], de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères (l'EARL [E] Frères), et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] (l'EARL [Adresse 5]) qui avaient repris l'exploitation des terres dès le 1er octobre 2017, le preneur et l'EARL des Grands Cortins ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en réparation de leurs préjudices matériels et moraux nés de la privation de jouissance des terres louées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les bailleurs, les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à l'EARL des Grands Cortins une certaine somme en réparation de son préjudice matériel et au preneur une certaine somme en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que le congé produit effet sans que le bailleur ait besoin de le faire déclarer valable ; que la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, à la suite de la délivrance d'un congé pour reprise au preneur, n'a aucun effet suspensif sur le congé, peu important qu'il ait ensuite été annulé ; qu'en retenant, pour dire que la responsabilité des bailleurs était engagée pour un manquement à leur obligation d'assurer une jouissance paisible au preneur, et celle de MM. [N], [Y] et [I] [E], de l'Earl [E] Frères et de l'Earl [Adresse 5] pour une exploitation de parcelles qu'ils savaient louées à un tiers, que le congé délivré par les bailleurs le 5 février 2016 pour le 30 septembre 2017 ayant été contesté par la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux le 27 mai 2017, son annulation à la date du 27 octobre 2017 l'ayant fait disparaître, le preneur n'était pas, dans le cadre de l'instance en cours après la date d'effet du congé, sans droit ni titre, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 1719 du code civil et des articles 1147 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 411-58 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que la faute intentionnelle de la victime constitue une cause exonératoire totale de responsabilité ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire que la responsabilité des bailleurs était engagée pour un manquement à leur obligation d'assurer une jouissance paisible au preneur, et celle de MM. [N], [Y] et [I] [E], de l'Earl [E] Frères et de l'Earl [Adresse 5] pour une exploitation de parcelles qu'ils savaient louées à un tiers, que ceux-ci persistaient, malgré les décisions judiciaires expressément contraires à leur analyse, à considérer avoir le droit d'exploiter les parcelles objet du bail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que M. [O] [S] se présente aux tiers comme le propriétaire des parcelles litigieuses constituait une faute exonérant les consorts [E], ainsi que l'Earl [E] Frères et l'Earl [Adresse 5] de toute responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1719 du code civil et des articles 1147 et 1382 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'annulation du congé l'avait fait disparaître, de sorte que le preneur était titulaire d'un bail qui n'avait pas pris fin amiablement ou judiciairement.
6. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a pu en déduire qu'en ne délivrant pas au preneur la jouissance paisible à laquelle il avait droit, les bailleurs avaient manqué à leurs obligations contractuelles et que le fait, pour les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5], d'exploiter des parcelles qu'ils savaient louées à un tiers était une faute extra-contractuelle, en sorte qu'ayant concouru au même dommage ils devaient être condamnés à indemniser M. [S] de son préjudice moral et l'EARL des Grands Cortins de son préjudice matériel.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les bailleurs, les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à verser à l'EARL des Grands Cortins une certaine somme en réparation de son préjudice matériel, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme [E] faisaient valoir que M. [S] ne fournissait à la contradiction aucune pièce permettant d'apprécier la situation de son exploitation sur les trois années précédant les faits objet du litige ; que dès lors, en affirmant que les consorts [E], l'Earl [E] Frères et l'Earl [Adresse 5] ne contestent pas les résultats de l'évaluation comptable, pour en déduire qu'ils devaient être condamnés à verser à M. [O] [S] et l'Earl des Grands Cortins la somme de 63.523 euros en réparation de leur préjudice matériel, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. et Mme [E], en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
9. Le moyen, qui critique des motifs du jugement qui n'ont pas été adoptés par la cour d'appel, est inopérant.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Les bailleurs, les consorts [E], l'EARL [E] Frères et l'EARL [Adresse 5] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer au preneur une certaine somme en réparation de son préjudice moral, alors « que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge toute évaluation forfaitaire de celui-ci ; qu'en allouant à M. [S] une somme forfaitaire de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison, d'une part, d'un manquement de M. et Mme [E] à leur obligation d'assurer une jouissance paisible au preneur et, d'autre part, de l'exploitation par MM. [N], [Y] et [I] [E], l'Earl [E] Frères et l'Earl [Adresse 5] de parcelles qu'ils savaient louées à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1149 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
11. Ayant retenu que les fautes contractuelles et extra-contractuelles concertées des bailleurs et des occupants des parcelles avaient causé un préjudice moral au preneur qui avait dû faire face à leurs actions violentes visant à nier ses droits à l'exploitation des terres, ajoutant aux difficultés habituelles d'exploitation, des difficultés juridiques et judiciaires que ne réparaient pas les indemnités de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation forfaitaire du préjudice, l'a souverainement évalué à la somme qu'elle a fixée.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. [J], [N], [Y] et [I] [E], Mme [E], l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères et l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E], MM. [J], [N], [Y] et [I] [E], l'exploitation agricole à responsabilité limitée [E] Frères et l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] et les condamne à payer à M. [S] et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée des Grands Cortins la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.