Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juillet 2023, 21-24.122, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juillet 2023, 21-24.122, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-24.122
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00802
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 05 juillet 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 16 septembre 2021- Président
- M. Sommer
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 802 FS-B
Pourvoi n° D 21-24.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023
1°/ Le comité sociale et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France, dont le siège est [Adresse 6], venant aux droits du CHSCT de l'établissement de Paris-la -Défense de la société Technip France,
2°/ La Fédération CFDT communication, conseil, culture, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ Le comité sociale et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France, dont le siège est [Adresse 6] venant aux droits du comité d'établissement de [Localité 5] de la société Technip France,
ont formé le pourvoi n° D 21-24.122 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ au syndicat de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Technip France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], devenue la société Technip énergies France,
défendeurs à la cassation.
Le syndicat de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de casstion.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du comité social et économique Paris Onshore/Offshore de la société Technip France, de la Fédération CFDT communication conseil culture, du comité social et économique Paris Onshore/Offshore de la société Technip France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat du syndicat de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Technip France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaires, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 septembre 2021), la société Technip France, devenue la société Technip énergies France (la société), est spécialisée dans l'ingénierie et la construction de projets pour l'industrie de l'énergie, notamment le pétrole, le gaz et la chimie. Elle dispose de plusieurs établissements dont celui de [Localité 5].
2. Invoquant la survenue de plusieurs événements tragiques depuis 2015, dont de nombreux syndromes d'épuisement professionnel et plusieurs suicides, le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail et le comité d'établissement de [Localité 5] de la société Technip France, aux droits desquels vient le comité social et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France (le comité), la Fédération CFDT communication, conseil, culture (la fédération CFDT) et l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens-CGT (UGICT-CGT) Technip France, ont, le 6 juin 2018, saisi un tribunal de grande instance pour faire juger que la société n'avait pas respecté son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et lui ordonner de mettre en place des mesures d'urgence pour lutter contre les risques psychosociaux.
Examen des moyens
Sur le premier et le deuxième moyens du pourvoi principal et les premier et quatrième moyens du pourvoi provoqué
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi provoqué, réunis
Enoncé du moyen
4. Par leur quatrième moyen du pourvoi principal, le comité et la Fédération CFDT font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à faire juger que la société a manqué à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et a entravé le fonctionnement du comité d'établissement, à ordonner à la société d'organiser les entretiens professionnels prévus par l'article L. 6315-1 du code du travail à une date distincte de la tenue des entretiens annuels d'évaluation et de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts alors :
« 1°/ que le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ; que cet entretien ne devant pas porter sur l'évaluation du travail du salarié et devant ainsi être distinct de celui relatif à l'évaluation de la prestation de travail du salarié, l'employeur ne peut y convoquer celui-ci à la suite, ou le même jour, de la tenue de son entretien d'évaluation ; qu'en décidant au contraire que « ni les dispositions légales applicables ni la jurisprudence n'imposent la tenue de ces entretiens à des dates différentes, la seule obligation résidant dans le fait de rédiger deux comptes rendus distincts, ce qui est le cas au sein de la société », la cour d'appel a violé l'article L. 6315-1 du code du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3, R. 4121-1 et R. 4121-1-1 du même code ;
2°/ qu'en retenant par ailleurs, qu'« il est justifié que ces deux entretiens sont d'ores et déjà réalisés à une date distincte dans certains cas de figure, à savoir après une absence de longue durée et à la demande du collaborateur » et que, « comme l'explique l'employeur, les salariés qui ne souhaitent pas que leur entretien professionnel se tienne le même jour que leur entretien annuel d'évaluation ont la possibilité de demander une dissociation à deux dates différentes, ce qui est accepté par les managers », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants tirés du traitement spécifique de la situation de certains salariés se trouvant dans des circonstances particulières et de la possibilité pour les salariés de solliciter la tenue d'entretiens distincts, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 6315-1 du code du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3, R. 4121-1 et R. 4121-1-1 du même code. »
5. Par son troisième moyen du pourvoi provoqué, l'UGICT-CGT fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ordonner à l'employeur d'organiser les entretiens professionnels prévus à l'article L. 6315-1 du code du travail à une date distincte de la tenue des entretiens annuels d'évaluation, alors que « selon l'article L. 6315-1 du code du travail, le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, qui ne porte pas sur l'évaluation de son travail ; qu'il en résulte que le salarié doit bénéficier, d'un entretien distinct et à une date différente, consacré à l'évolution de son travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 6315-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 6315-1 I du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien, qui ne porte pas sur l'évaluation du salarié, donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.
7. Il en résulte que ce texte ne s'oppose pas à la tenue à la même date de l'entretien d'évaluation et de l'entretien professionnel pourvu que, lors de la tenue de ce dernier, les questions d'évaluation ne soient pas évoquées.
8. C'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les dispositions légales n'imposent pas la tenue de ces entretiens à des dates différentes.
9. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis
Enoncé du moyen
10. Par leur troisième moyen du pourvoi principal, le comité et la Fédération CFDT font grief à l'arrêt de les débouter des demandes tendant à ce qu'il soit dit que la société a violé son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, qu'elle a entravé le fonctionnement du comité d'établissement et du CHSCT, qu'il soit ordonné à la société de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé et de rejeter la demande en condamnation de la société à verser au comité une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant des multiples entraves portées à son fonctionnement et de rejeter la demande en condamnation de la société à verser à la Fédération CFDT une certaine somme en réparation des préjudices portés à l'intérêt collectif de la profession, alors « que les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lus à la lumière de l'article 31 § 2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 4, § 1, 11, § 3 et 16, § 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, selon l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n'impose pas aux employeurs l'obligation d'établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que ''les appelants sollicitent ici qu'il soit ordonné à la société Technip France de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajet inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé dans le mois '' et qu'ils ''soulignent la carence structurelle du système de déclaration des heures supplémentaires dans l'entreprise'', ''les salariés [étant] dans l'incapacité de déclarer leurs heures supplémentaires en raison des réglages opérés dans le logiciel de déclaration », alors même « qu'un tel mécanisme est illicite (?) [et] qu'il est avéré que de nombreux salariés réalisent des heures supplémentaires pour faire face à leur charge de travail'', la cour d'appel a estimé que, ''même si ces difficultés sont regrettables, le seul fait que le logiciel de déclaration soit défaillant, n'empêche pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen'', de sorte qu' ''aucun manquement de l'employeur n'est donc caractérisé'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il appartient à l'employeur, tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, de mettre en oeuvre un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3 du code du travail, ainsi que les articles R. 4121-1 et R. 4121-1-1 du même code, tels qu'interprétés à la lumière des textes susvisés. »
11. Par son deuxième moyen l'UGICT-CGT fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ordonner à la société de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés, et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé, alors « qu'il appartient à l'employeur, tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, de mettre en place un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ; que pour débouter l'UGICT-CGT de sa demande tendant à voir ordonner à la société Technip France de mettre en place un tel système, la cour d'appel a retenu, d'une part, que la défaillance du système de déclaration des heures supplémentaires n'empêchait pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen, d'autre part, que la question du temps de travail et des moyens de contrôle fait l'objet de négociations dans l'entreprise, de sorte qu'aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand il résulte de ses propres constatations que la société Technip France n'a mis en place aucun système satisfaisant et fiable de contrôle de la durée du travail dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3 et R. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
12. La société conteste la recevabilité du deuxième moyen du pourvoi provoqué. Elle soutient que l'UGICT-CGT ne se prévalait pas de défaillances de l'employeur dans le dispositif de mesure du temps de travail mis en place par ce dernier. Elle en déduit que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable.
13. Cependant, l'UGICT-CGT soutenait dans ses conclusions que la société n'apportait pas la preuve de la mise en place d'un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels et que si la société soutenait qu'un accord était en voie de négociation, aucune mesure concrète n'avait pour lors été mise en place.
14. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :
15. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
16. Les différentes prescriptions énoncées par la directive 2003/88/CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.
17. La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
18. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'afin d'assurer l'effet utile des droits prévus par la directive 2003/88/CE et du droit fondamental consacré à l'article 31, paragraphe 2, de la Charte, les Etats membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C- 55/18, point 60). L'instauration d'un tel système relève de l'obligation générale, pour les Etats membres et les employeurs, prévue à l'article 4, paragraphe 1, et à l'article 6, paragraphe 1, de la directive 89/391, de mettre en place une organisation et les moyens nécessaires pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs et pour permettre aux représentants des travailleurs, ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, d'exercer leur droit, prévu par l'article 11, paragraphe 3, de cette dernière directive (CJUE, 14 mai 2019, point 62).
19. Pour rejeter la demande, l'arrêt, après avoir relevé que les appelants soulignaient la carence structurelle du système de déclaration des heures supplémentaires dans l'entreprise et expliquaient que les salariés sont dans l¿incapacité de déclarer leurs heures supplémentaires en raison des réglages opérés dans le logiciel de déclaration, de sorte qu'un tel mécanisme était illicite, constate que, même si ces difficultés sont regrettables, le seul fait que le logiciel de déclaration soit défaillant n'empêche pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen. Il conclut qu'aucun manquement de l'employeur n'est donc caractérisé.
20. L'arrêt relève que si les appelants évoquent des difficultés concernant le contrôle du temps de travail et font valoir que le problème reste entier comme l'a constaté l¿inspecteur du travail lui-même par courrier du 23 novembre 2020, un mécanisme d'alerte des risques psycho-sociaux est déjà en place et des prestataires interviennent, selon des approches quantitatives pour l'un et plus qualitatives pour l'autre, sur des services pilotes afin d'évaluer les situations et proposer, sur la base des observations faites, des améliorations pour les services en question et plus généralement pour toute la société. L'arrêt ajoute qu'il est justifié que la question du temps de travail et des moyens de contrôle fait l'objet de négociations au sein de l'entreprise.
21. La cour d'appel en a déduit qu'aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur à ce sujet.
22. En se déterminant ainsi, alors que ni la faculté ouverte aux salariés de procéder par eux-mêmes aux déclarations d'heures supplémentaires ni l'ouverture de négociations collectives n'étaient de nature à caractériser que l'employeur avait satisfait à son obligation de contrôle de la durée du travail et d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs en matière de durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif visés par le troisième moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif déboutant l'UGICT-CGT de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés à l'intérêt collectif de la profession, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le comité social et économique [Localité 4] onshore/offshore de la société Technip France et la Fédération CFDT communication, conseil, culture de leurs demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société Technip France a violé son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et entravé le fonctionnement du comité d'établissement et du CHSCT, à ce qu'il soit ordonné à la société Technip France de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé et à ce que la société Technip France soit condamnée au paiement de dommages-intérêts au comité social et économique et à la Fédération CFDT communication, conseil, culture, en réparation des préjudices causés à l'intérêt collectif de la profession, en ce qu'il déboute l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens-CGT Technip France de ses demandes tendant à ordonner à la société Technip France de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé, en ce qu'il déboute l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens - CGT Technip France de sa demande en condamnation de la société Technip France au paiement de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Technip énergies France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Technip énergies France et la condamne à payer au comité social et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France et à la Fédération CFDT communication, conseil, culture la somme de globale de 3 000 euros et à l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens - CGT Technip France celle de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00802
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 802 FS-B
Pourvoi n° D 21-24.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023
1°/ Le comité sociale et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France, dont le siège est [Adresse 6], venant aux droits du CHSCT de l'établissement de Paris-la -Défense de la société Technip France,
2°/ La Fédération CFDT communication, conseil, culture, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ Le comité sociale et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France, dont le siège est [Adresse 6] venant aux droits du comité d'établissement de [Localité 5] de la société Technip France,
ont formé le pourvoi n° D 21-24.122 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ au syndicat de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Technip France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], devenue la société Technip énergies France,
défendeurs à la cassation.
Le syndicat de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de casstion.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du comité social et économique Paris Onshore/Offshore de la société Technip France, de la Fédération CFDT communication conseil culture, du comité social et économique Paris Onshore/Offshore de la société Technip France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat du syndicat de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Technip France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaires, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 septembre 2021), la société Technip France, devenue la société Technip énergies France (la société), est spécialisée dans l'ingénierie et la construction de projets pour l'industrie de l'énergie, notamment le pétrole, le gaz et la chimie. Elle dispose de plusieurs établissements dont celui de [Localité 5].
2. Invoquant la survenue de plusieurs événements tragiques depuis 2015, dont de nombreux syndromes d'épuisement professionnel et plusieurs suicides, le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail et le comité d'établissement de [Localité 5] de la société Technip France, aux droits desquels vient le comité social et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France (le comité), la Fédération CFDT communication, conseil, culture (la fédération CFDT) et l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens-CGT (UGICT-CGT) Technip France, ont, le 6 juin 2018, saisi un tribunal de grande instance pour faire juger que la société n'avait pas respecté son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et lui ordonner de mettre en place des mesures d'urgence pour lutter contre les risques psychosociaux.
Examen des moyens
Sur le premier et le deuxième moyens du pourvoi principal et les premier et quatrième moyens du pourvoi provoqué
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi provoqué, réunis
Enoncé du moyen
4. Par leur quatrième moyen du pourvoi principal, le comité et la Fédération CFDT font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à faire juger que la société a manqué à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et a entravé le fonctionnement du comité d'établissement, à ordonner à la société d'organiser les entretiens professionnels prévus par l'article L. 6315-1 du code du travail à une date distincte de la tenue des entretiens annuels d'évaluation et de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts alors :
« 1°/ que le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ; que cet entretien ne devant pas porter sur l'évaluation du travail du salarié et devant ainsi être distinct de celui relatif à l'évaluation de la prestation de travail du salarié, l'employeur ne peut y convoquer celui-ci à la suite, ou le même jour, de la tenue de son entretien d'évaluation ; qu'en décidant au contraire que « ni les dispositions légales applicables ni la jurisprudence n'imposent la tenue de ces entretiens à des dates différentes, la seule obligation résidant dans le fait de rédiger deux comptes rendus distincts, ce qui est le cas au sein de la société », la cour d'appel a violé l'article L. 6315-1 du code du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3, R. 4121-1 et R. 4121-1-1 du même code ;
2°/ qu'en retenant par ailleurs, qu'« il est justifié que ces deux entretiens sont d'ores et déjà réalisés à une date distincte dans certains cas de figure, à savoir après une absence de longue durée et à la demande du collaborateur » et que, « comme l'explique l'employeur, les salariés qui ne souhaitent pas que leur entretien professionnel se tienne le même jour que leur entretien annuel d'évaluation ont la possibilité de demander une dissociation à deux dates différentes, ce qui est accepté par les managers », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants tirés du traitement spécifique de la situation de certains salariés se trouvant dans des circonstances particulières et de la possibilité pour les salariés de solliciter la tenue d'entretiens distincts, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 6315-1 du code du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3, R. 4121-1 et R. 4121-1-1 du même code. »
5. Par son troisième moyen du pourvoi provoqué, l'UGICT-CGT fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ordonner à l'employeur d'organiser les entretiens professionnels prévus à l'article L. 6315-1 du code du travail à une date distincte de la tenue des entretiens annuels d'évaluation, alors que « selon l'article L. 6315-1 du code du travail, le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, qui ne porte pas sur l'évaluation de son travail ; qu'il en résulte que le salarié doit bénéficier, d'un entretien distinct et à une date différente, consacré à l'évolution de son travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 6315-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 6315-1 I du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien, qui ne porte pas sur l'évaluation du salarié, donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.
7. Il en résulte que ce texte ne s'oppose pas à la tenue à la même date de l'entretien d'évaluation et de l'entretien professionnel pourvu que, lors de la tenue de ce dernier, les questions d'évaluation ne soient pas évoquées.
8. C'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les dispositions légales n'imposent pas la tenue de ces entretiens à des dates différentes.
9. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis
Enoncé du moyen
10. Par leur troisième moyen du pourvoi principal, le comité et la Fédération CFDT font grief à l'arrêt de les débouter des demandes tendant à ce qu'il soit dit que la société a violé son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, qu'elle a entravé le fonctionnement du comité d'établissement et du CHSCT, qu'il soit ordonné à la société de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé et de rejeter la demande en condamnation de la société à verser au comité une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant des multiples entraves portées à son fonctionnement et de rejeter la demande en condamnation de la société à verser à la Fédération CFDT une certaine somme en réparation des préjudices portés à l'intérêt collectif de la profession, alors « que les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lus à la lumière de l'article 31 § 2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 4, § 1, 11, § 3 et 16, § 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, selon l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n'impose pas aux employeurs l'obligation d'établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que ''les appelants sollicitent ici qu'il soit ordonné à la société Technip France de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajet inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé dans le mois '' et qu'ils ''soulignent la carence structurelle du système de déclaration des heures supplémentaires dans l'entreprise'', ''les salariés [étant] dans l'incapacité de déclarer leurs heures supplémentaires en raison des réglages opérés dans le logiciel de déclaration », alors même « qu'un tel mécanisme est illicite (?) [et] qu'il est avéré que de nombreux salariés réalisent des heures supplémentaires pour faire face à leur charge de travail'', la cour d'appel a estimé que, ''même si ces difficultés sont regrettables, le seul fait que le logiciel de déclaration soit défaillant, n'empêche pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen'', de sorte qu' ''aucun manquement de l'employeur n'est donc caractérisé'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il appartient à l'employeur, tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, de mettre en oeuvre un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3 du code du travail, ainsi que les articles R. 4121-1 et R. 4121-1-1 du même code, tels qu'interprétés à la lumière des textes susvisés. »
11. Par son deuxième moyen l'UGICT-CGT fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ordonner à la société de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés, et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé, alors « qu'il appartient à l'employeur, tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, de mettre en place un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ; que pour débouter l'UGICT-CGT de sa demande tendant à voir ordonner à la société Technip France de mettre en place un tel système, la cour d'appel a retenu, d'une part, que la défaillance du système de déclaration des heures supplémentaires n'empêchait pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen, d'autre part, que la question du temps de travail et des moyens de contrôle fait l'objet de négociations dans l'entreprise, de sorte qu'aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand il résulte de ses propres constatations que la société Technip France n'a mis en place aucun système satisfaisant et fiable de contrôle de la durée du travail dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3 et R. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
12. La société conteste la recevabilité du deuxième moyen du pourvoi provoqué. Elle soutient que l'UGICT-CGT ne se prévalait pas de défaillances de l'employeur dans le dispositif de mesure du temps de travail mis en place par ce dernier. Elle en déduit que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable.
13. Cependant, l'UGICT-CGT soutenait dans ses conclusions que la société n'apportait pas la preuve de la mise en place d'un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels et que si la société soutenait qu'un accord était en voie de négociation, aucune mesure concrète n'avait pour lors été mise en place.
14. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :
15. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
16. Les différentes prescriptions énoncées par la directive 2003/88/CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.
17. La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
18. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'afin d'assurer l'effet utile des droits prévus par la directive 2003/88/CE et du droit fondamental consacré à l'article 31, paragraphe 2, de la Charte, les Etats membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C- 55/18, point 60). L'instauration d'un tel système relève de l'obligation générale, pour les Etats membres et les employeurs, prévue à l'article 4, paragraphe 1, et à l'article 6, paragraphe 1, de la directive 89/391, de mettre en place une organisation et les moyens nécessaires pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs et pour permettre aux représentants des travailleurs, ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, d'exercer leur droit, prévu par l'article 11, paragraphe 3, de cette dernière directive (CJUE, 14 mai 2019, point 62).
19. Pour rejeter la demande, l'arrêt, après avoir relevé que les appelants soulignaient la carence structurelle du système de déclaration des heures supplémentaires dans l'entreprise et expliquaient que les salariés sont dans l¿incapacité de déclarer leurs heures supplémentaires en raison des réglages opérés dans le logiciel de déclaration, de sorte qu'un tel mécanisme était illicite, constate que, même si ces difficultés sont regrettables, le seul fait que le logiciel de déclaration soit défaillant n'empêche pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen. Il conclut qu'aucun manquement de l'employeur n'est donc caractérisé.
20. L'arrêt relève que si les appelants évoquent des difficultés concernant le contrôle du temps de travail et font valoir que le problème reste entier comme l'a constaté l¿inspecteur du travail lui-même par courrier du 23 novembre 2020, un mécanisme d'alerte des risques psycho-sociaux est déjà en place et des prestataires interviennent, selon des approches quantitatives pour l'un et plus qualitatives pour l'autre, sur des services pilotes afin d'évaluer les situations et proposer, sur la base des observations faites, des améliorations pour les services en question et plus généralement pour toute la société. L'arrêt ajoute qu'il est justifié que la question du temps de travail et des moyens de contrôle fait l'objet de négociations au sein de l'entreprise.
21. La cour d'appel en a déduit qu'aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur à ce sujet.
22. En se déterminant ainsi, alors que ni la faculté ouverte aux salariés de procéder par eux-mêmes aux déclarations d'heures supplémentaires ni l'ouverture de négociations collectives n'étaient de nature à caractériser que l'employeur avait satisfait à son obligation de contrôle de la durée du travail et d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs en matière de durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif visés par le troisième moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif déboutant l'UGICT-CGT de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés à l'intérêt collectif de la profession, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le comité social et économique [Localité 4] onshore/offshore de la société Technip France et la Fédération CFDT communication, conseil, culture de leurs demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société Technip France a violé son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et entravé le fonctionnement du comité d'établissement et du CHSCT, à ce qu'il soit ordonné à la société Technip France de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé et à ce que la société Technip France soit condamnée au paiement de dommages-intérêts au comité social et économique et à la Fédération CFDT communication, conseil, culture, en réparation des préjudices causés à l'intérêt collectif de la profession, en ce qu'il déboute l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens-CGT Technip France de ses demandes tendant à ordonner à la société Technip France de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajets inhabituels des salariés et d'assurer un suivi mensuel du volume horaire comptabilisé, en ce qu'il déboute l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens - CGT Technip France de sa demande en condamnation de la société Technip France au paiement de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Technip énergies France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Technip énergies France et la condamne à payer au comité social et économique [Localité 4] Onshore/Offshore de la société Technip France et à la Fédération CFDT communication, conseil, culture la somme de globale de 3 000 euros et à l'Union générale des ingénieurs cadres et techniciens - CGT Technip France celle de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.