Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 juillet 2023, 23-10.096, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 juillet 2023




Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 467 FS-B

Pourvoi n° Z 23-10.096

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 décembre 2022.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUILLET 2023

Mme [R] [T], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-10.096 contre l'ordonnance rendue le 2 septembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur du centre hospitalier de [Localité 4], domicilié [Adresse 2],

2°/ à l'association Tutelia, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de curateur,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Beauvois, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1.Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 2 septembre 2022), le 16 août 2022, Mme [T] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier de Marne-la-Vallée, par décision du directeur d'établissement, en application de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, à la demande d'un tiers.

2. Le 22 août 2022, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.

3. Le 25 août 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de cette mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que la personne faisant l'objet des soins psychiatriques, fût-elle un majeur protégé, a qualité pour saisir seule le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure et interjeter appel de la décision ; qu'en relevant le défaut de capacité de Mme [T] en sa qualité de majeure sous curatelle à relever seule appel sans l'assistance de son curateur et sans régularisation de cet appel, la magistrate déléguée par le premier président a violé les articles 459 et 468, alinéa 3, du code civil, ensemble les articles L. 3211-12, R. 3211-8 et R. 3211-28 du code de la santé publique, 117 et 121 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique :

5. Selon le premier de ces textes, les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne, a pour finalité l'intérêt de la personne protégée et favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci.

6. Selon le deuxième, la personne protégée ne bénéficie, pour les actes relatifs à sa personne, d'une assistance que si son état ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, ou encore, après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, d'une représentation, au cas où cette assistance ne suffirait pas.

7. Selon le troisième, le juge des libertés et de la détention peut être notamment saisi par la personne faisant l'objet des soins.

8. Il s'en déduit que tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d'obtenir la mainlevée d'une mesure de soins sans consentement que l'appel de sa décision maintenant une telle mesure constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule.

9. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [T] seule, l'arrêt retient qu'en sa qualité de majeure sous curatelle celle-ci ne pouvait ester ou se défendre en justice sans l'assistance de son curateur et relève que celui-ci n'a, à aucun moment, relevé appel lui-même de cette décision, ni régularisé l'appel de l'intéressée.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C100467
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