Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 juin 2023, 22-12.816, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 juin 2023, 22-12.816, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-12.816
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300451
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 22 juin 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, du 02 septembre 2021- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 451 F-D
Pourvoi n° K 22-12.816
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
Mme [S] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-12.816 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Speos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Speos, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 2 septembre 2021), Mme [C] a conclu avec la société Speos un contrat de construction de maison individuelle.
2. Mme [C] a refusé la réception de l'ouvrage et, se plaignant de désordres a, après expertise, assigné la société Speos en réparation de ses divers préjudices.
3. La société Speos a assigné Mme [C] aux fins de voir prononcer la réception judiciaire au 27 février 2015 ou au 29 juillet 2015 et en paiement d'un solde de marché.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il vise les frais d'hébergement et d'assurance
Enoncé du moyen
4. Mme [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des frais d'hébergement et d'assurance, alors « qu'une cour d'appel ne peut se borner à écarter la réparation de préjudices invoqués par un maître d'ouvrage aux motifs qu'ils ne sont pas distincts de ceux forfaitairement indemnisés par l'application des pénalités de retard, sans préciser en quoi les chefs de préjudice écartés sont effectivement réparés par ces pénalités de retard ; qu'en se bornant cependant à écarter les demandes indemnitaires de Mme [C] formulées au titre des frais d'hébergement, des frais d'assurance et des frais bancaires intercalaires aux seuls motifs que « ces sommes font manifestement double emploi avec les pénalités de retard puisque les parties avaient prévu contractuellement les pénalités réparant les préjudices résultant du retard », sans préciser en quoi ces chefs de préjudice étaient effectivement réparés par les pénalités de retard contractuellement prévues, la cour d'appel a donc violé l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code et le principe de la réparation intégrale du dommage. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu à bon droit que le coût des loyers et d'une assurance-habitation dont Mme [C] a continué à s'acquitter durant la période de retard de livraison faisait double emploi avec les pénalités de retard.
6. Le grief n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
7. Mme [C] fait grief à l'arrêt de fixer la date de réception judiciaire au 25 novembre 2019 et de limiter, en conséquence, la condamnation de la société Speos à lui payer une certaine somme au titre des pénalités de retard, actualisée à cette date, alors « qu'en fixant la date de réception judiciaire des travaux au 25 novembre 2019 aux motifs qu'à compter de cette date, Mme [C] « disposait de l'indemnisation lui permettant de réaliser les travaux pour rendre la maison habitable », tout en constatant que l'ouvrage ne pourrait être « en état d'être reçu et habitable » qu'au prix de « travaux conséquents exécutés sous la responsabilité d'un maître d'oeuvre » et après « une demande de permis modificatif », ce dont il résultait que la réalisation des travaux susceptibles de rendre le bien habitable serait longue et en toute hypothèse incertaine, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1792-6 du code civil :
8. En application de ce texte, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l'ouvrage est en état d'être reçu, c'est-à-dire, pour un immeuble d'habitation, en état d'être habité (3e Civ., 21 mai 2003, pourvoi n° 02-10.052, Bull. 2003, III, n° 1053).
9. Pour prononcer la réception judiciaire au 25 novembre 2019, l'arrêt retient qu'à cette date, le maître de l'ouvrage disposait, après règlement par le constructeur des condamnations prononcées à son encontre par le jugement, de l'indemnisation lui permettant de réaliser les travaux pour rendre la maison habitable.
10. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'état habitable de la maison à la date retenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il vise les frais bancaires intercalaires, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, rédigés en termes similaires, réunis
Enoncé du moyen
11. Mme [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des frais bancaires intercalaires, alors « que les dommages subis par le maître d'ouvrage du fait du retard dans la livraison de l'ouvrage et réparés au titre des pénalités de retard ne se confondent pas avec le dommage correspondant aux sommes acquittées par le maître d'ouvrage au titre des intérêts bancaires intercalaires, chef de préjudice distinct se cumulant avec les pénalités de retard ; qu'en déboutant cependant Mme [C] de sa demande tendant au paiement de la somme 19 421,05 euros au titre des frais bancaires intercalaires aux motifs que ce chef de préjudice était déjà réparé par les pénalités de retard contractuellement prévues, la cour d'appel a donc violé l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code et le principe de la réparation intégrale du dommage. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation :
12. Il résulte de ces textes que les pénalités prévues à l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation en cas de retard de livraison ne sont pas exclusives de l'allocation de dommages-intérêts.
13. Pour rejeter la demande de Mme [C], l'arrêt retient que la somme réclamée au titre des frais bancaires intercalaires fait double emploi avec les pénalités de retard puisque les parties avaient prévu contractuellement les pénalités réparant les préjudices résultant du retard.
14. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le chef de préjudice qu'elle écartait était réparé par les pénalités de retard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la réception judiciaire à la date du 25 novembre 2019, en ce qu'il limite à la somme de 42 201,51 euros, à actualiser au 25 novembre 2019, les pénalités de retard et en ce qu'il rejette la demande de Mme [C] au titre des frais bancaires intercalaires, l'arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Speos aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Speos et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300451
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 451 F-D
Pourvoi n° K 22-12.816
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
Mme [S] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-12.816 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Speos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Speos, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 2 septembre 2021), Mme [C] a conclu avec la société Speos un contrat de construction de maison individuelle.
2. Mme [C] a refusé la réception de l'ouvrage et, se plaignant de désordres a, après expertise, assigné la société Speos en réparation de ses divers préjudices.
3. La société Speos a assigné Mme [C] aux fins de voir prononcer la réception judiciaire au 27 février 2015 ou au 29 juillet 2015 et en paiement d'un solde de marché.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il vise les frais d'hébergement et d'assurance
Enoncé du moyen
4. Mme [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des frais d'hébergement et d'assurance, alors « qu'une cour d'appel ne peut se borner à écarter la réparation de préjudices invoqués par un maître d'ouvrage aux motifs qu'ils ne sont pas distincts de ceux forfaitairement indemnisés par l'application des pénalités de retard, sans préciser en quoi les chefs de préjudice écartés sont effectivement réparés par ces pénalités de retard ; qu'en se bornant cependant à écarter les demandes indemnitaires de Mme [C] formulées au titre des frais d'hébergement, des frais d'assurance et des frais bancaires intercalaires aux seuls motifs que « ces sommes font manifestement double emploi avec les pénalités de retard puisque les parties avaient prévu contractuellement les pénalités réparant les préjudices résultant du retard », sans préciser en quoi ces chefs de préjudice étaient effectivement réparés par les pénalités de retard contractuellement prévues, la cour d'appel a donc violé l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code et le principe de la réparation intégrale du dommage. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu à bon droit que le coût des loyers et d'une assurance-habitation dont Mme [C] a continué à s'acquitter durant la période de retard de livraison faisait double emploi avec les pénalités de retard.
6. Le grief n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
7. Mme [C] fait grief à l'arrêt de fixer la date de réception judiciaire au 25 novembre 2019 et de limiter, en conséquence, la condamnation de la société Speos à lui payer une certaine somme au titre des pénalités de retard, actualisée à cette date, alors « qu'en fixant la date de réception judiciaire des travaux au 25 novembre 2019 aux motifs qu'à compter de cette date, Mme [C] « disposait de l'indemnisation lui permettant de réaliser les travaux pour rendre la maison habitable », tout en constatant que l'ouvrage ne pourrait être « en état d'être reçu et habitable » qu'au prix de « travaux conséquents exécutés sous la responsabilité d'un maître d'oeuvre » et après « une demande de permis modificatif », ce dont il résultait que la réalisation des travaux susceptibles de rendre le bien habitable serait longue et en toute hypothèse incertaine, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1792-6 du code civil :
8. En application de ce texte, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l'ouvrage est en état d'être reçu, c'est-à-dire, pour un immeuble d'habitation, en état d'être habité (3e Civ., 21 mai 2003, pourvoi n° 02-10.052, Bull. 2003, III, n° 1053).
9. Pour prononcer la réception judiciaire au 25 novembre 2019, l'arrêt retient qu'à cette date, le maître de l'ouvrage disposait, après règlement par le constructeur des condamnations prononcées à son encontre par le jugement, de l'indemnisation lui permettant de réaliser les travaux pour rendre la maison habitable.
10. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'état habitable de la maison à la date retenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il vise les frais bancaires intercalaires, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, rédigés en termes similaires, réunis
Enoncé du moyen
11. Mme [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des frais bancaires intercalaires, alors « que les dommages subis par le maître d'ouvrage du fait du retard dans la livraison de l'ouvrage et réparés au titre des pénalités de retard ne se confondent pas avec le dommage correspondant aux sommes acquittées par le maître d'ouvrage au titre des intérêts bancaires intercalaires, chef de préjudice distinct se cumulant avec les pénalités de retard ; qu'en déboutant cependant Mme [C] de sa demande tendant au paiement de la somme 19 421,05 euros au titre des frais bancaires intercalaires aux motifs que ce chef de préjudice était déjà réparé par les pénalités de retard contractuellement prévues, la cour d'appel a donc violé l'article R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code et le principe de la réparation intégrale du dommage. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation :
12. Il résulte de ces textes que les pénalités prévues à l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation en cas de retard de livraison ne sont pas exclusives de l'allocation de dommages-intérêts.
13. Pour rejeter la demande de Mme [C], l'arrêt retient que la somme réclamée au titre des frais bancaires intercalaires fait double emploi avec les pénalités de retard puisque les parties avaient prévu contractuellement les pénalités réparant les préjudices résultant du retard.
14. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le chef de préjudice qu'elle écartait était réparé par les pénalités de retard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la réception judiciaire à la date du 25 novembre 2019, en ce qu'il limite à la somme de 42 201,51 euros, à actualiser au 25 novembre 2019, les pénalités de retard et en ce qu'il rejette la demande de Mme [C] au titre des frais bancaires intercalaires, l'arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Speos aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Speos et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.