Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 juin 2023, 21-19.396, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 439 F-D

Pourvoi n° S 21-19.396




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023


1°/ La société Malyflo, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la société Imbert, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° S 21-19.396 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Hôtelière avenir Vaugirard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Malyflo et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], de M. Laurent Goldman, avocat de la société Hôtelière avenir Vaugirard, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2021), la société Hôtelière avenir Vaugirard (la locataire) est locataire, depuis le 12 décembre 1973, de locaux à usage d'hôtel meublé, situés dans un immeuble ayant appartenu, en son entier, à M. [G].

2. L'immeuble a été soumis au statut de la copropriété selon état descriptif de division et règlement de copropriété du 22 octobre 2009 et M. [G] a vendu à la société civile immobilière Malyflo (la bailleresse), les locaux loués.

3. Le 11 décembre 2013, les copropriétaires réunis en assemblée générale ont décidé de la réalisation de travaux de ravalement de la façade sur rue et d'un mur pignon.

4. Après leur achèvement, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble et la bailleresse ont demandé qu'ils soient mis à la charge de la locataire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à sixième branches

Enoncé du moyen

6. La bailleresse et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de dire que les travaux de ravalement sont à la charge de la bailleresse, alors :

« 1°/ qu'un acte administratif individuel est opposable à la personne qui en a fait l'objet au moment où il lui est notifié ; qu'au cas présent, l'arrêté municipal du 17 novembre 2011 prescrivant les travaux de ravalement a été notifié à M. [G], qui n'était plus alors le propriétaire unique de l'immeuble sis au [Adresse 2], ce dont il s'évince que cet arrêté n'a jamais produit d'effet et que ces travaux ont été exécutés, non en vertu de l'arrêté qui n'est jamais entré en vigueur, mais de la décision de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 11 décembre 2013 ; que pour juger que ces travaux étaient à la charge de la SCI Malyflo, la cour d'appel a dit qu'ils avaient été exécutés sur le fondement de l'arrêté et que le bail, s'il prévoyait que les frais de ravalement seraient à la charge du preneur, ne précisait pas qu'il en serait également ainsi lorsque le ravalement serait ordonné par l'administration ; qu'en statuant ainsi, sur la base d'un acte administratif dépourvu d'effet, la cour d'appel a violé l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1134 dudit code, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'un acte administratif individuel n'est opposable à la personne qu'il concerne qu'à la condition de lui avoir été notifié; que pour juger que les travaux de ravalement étaient à la charge de la SCI Malyflo, la cour d'appel a dit que l'arrêté du 17 novembre 2011 n'avait pas été contesté par M. [G], que le premier courrier adressé à celui-ci par la mairie en vue du ravalement était daté du 8 avril 2008, donc antérieurement à la mise en copropriété de l'immeuble, que le syndicat ne se composait que de deux copropriétaires, M. [G] et la SCI Malyflo dont il est le gérant, et enfin que l'arrêté n'avait pas été retiré par l'administration ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à conférer à l'arrêté un effet obligatoire en l'absence de notification régulière, et donc impropres à établir que les travaux ont été réalisés en exécution de l'arrêté, la cour d'appel a violé l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1134 dudit code, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que l'assemblée générale des copropriétaires du 11 décembre 2013 a
décidé de réaliser les travaux de ravalement ; que pour dire que cette résolution avait été dictée par l'arrêté du 17 novembre 2011, la cour d'appel a retenu qu'une nouvelle procédure administrative avait été initiée auprès du syndic en novembre 2015, classée sans suite après la réalisation des travaux de ravalement ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés d'une circonstance postérieure à la décision de l'assemblée générale comme à l'arrêté, la cour d'appel s'est déterminée par des énonciations inopérantes, violant ainsi l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1134 dudit code, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que la contradiction au détriment d'autrui n'est sanctionnée que si elle a été de nature à induire la partie adverse en erreur sur les intentions du plaideur ; qu'au cas présent, la SCI Malyflo s'est prévalue de l'arrêté du 17 novembre 2011 lors de l'instance en référé qu'elle avait engagée aux fins de voir la locataire condamnée à supporter le prix des travaux de ravalement et a ensuite soutenu, pendant la présente instance, que cet arrêté n'avait pu générer aucune obligation faute d'avoir été régulièrement notifié ; qu'à supposer qu'une contradiction soit ainsi caractérisée, elle n'était pas de nature à induire la locataire en erreur sur les intentions de la bailleresse, dont l'objectif a toujours été de lui faire supporter le coût des travaux de ravalement ; que pour juger que les travaux de ravalement étaient à la charge de la SCI Malyflo, la cour d'appel a dit que la bailleresse ne pouvait soutenir l'inexistence de l'arrêté après avoir tenté d'en tirer avantage devant le juge des référés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1134 dudit code, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe interdisant de se contredire au détriment d'autrui ;

5°/ que la contradiction au détriment d'autrui n'est sanctionnée que si elle affecte le comportement d'une partie au cours de la même instance ; qu'au cas présent, la SCI Malyflo s'est prévalue de l'arrêté du 17 novembre 2011 lors de l'instance en référé qu'elle avait engagée aux fins de voir la locataire condamnée à supporter le prix des travaux de ravalement et a ensuite soutenu, pendant la présente instance, que cet arrêté n'avait pu générer aucune obligation faute d'avoir été régulièrement notifié ; qu'à supposer qu'une contradiction soit caractérisée, elle ne pouvait donner lieu à sanction car affectant le comportement de la SCI au sein de deux instances distinctes ; qu'en retenant malgré cela, pour juger que ces travaux étaient à la charge de la SCI Malyflo, que la bailleresse ne pouvait soutenir l'inexistence de l'arrêté après avoir tenté d'en tirer avantage devant le juge des référés, la cour d'appel a violé l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1134 dudit code, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe interdisant de se contredire au détriment d'autrui ;

6°/ que même prescrits par l'autorité administrative, les travaux de ravalement ne sont pas à la charge du bailleur s'ils n'ont été rendus nécessaires que par le défaut d'entretien imputable au preneur ; que la SCI Malyflo soutenait que les travaux de ravalement n'avaient été rendus nécessaires que par le défaut d'entretien imputable à la locataire et se prévalait d'un protocole d'accord du 21 juin 1986 par lequel la locataire s'était engagée à effectuer les travaux de ravalement à ses frais, comme prévu au bail ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel a dit que la bailleresse n'avait jamais adressé à la locataire aucune demande sur le fondement de ce protocole d'accord pendant plus de vingt années avant la mise en oeuvre de la procédure administrative d'injonction ; qu'en statuant ainsi, sans faire ressortir aucune cause d'extinction de l'engagement pris le 21 juin 1986, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »




Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, après avoir énoncé que les travaux prescrits par l'autorité administrative relèvent, en vertu de l'article 1719 du code civil, de l'obligation de délivrance du bailleur et sont à la charge de ce dernier sauf stipulation expresse contraire, a relevé que le bail faisait obligation au preneur de supporter les frais de ravalement de l'immeuble mais ne comportait aucune stipulation concernant les travaux prescrits par l'autorité administrative.

8. Elle a constaté qu'injonction avait été faite au propriétaire de l'immeuble de procéder au ravalement de la façade sur rue et d'un mur pignon par arrêté du 17 novembre 2011 notifié à M. [G], qui était à la fois copropriétaire et gérant de la société bailleresse, ce dont il résultait que cet acte était opposable à la seconde.

9. Ayant ensuite retenu que la résolution de l'assemblée générale du 11 décembre 2013 du syndicat constitué de ces deux copropriétaires n'avait pas été librement votée mais dictée par l'arrêté du 17 novembre 2011, en sorte que la bailleresse ne pouvait se prévaloir du protocole d'accord conclu le 21 juin 1986 par lequel la locataire s'était engagée à exécuter la totalité du ravalement de l'immeuble, sur le fondement duquel aucune demande n'avait été adressée avant la mise en oeuvre de la procédure d'injonction, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen, a pu en déduire que les travaux de ravalement étaient à la charge de la bailleresse.

10. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses troisième à cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et la société civile immobilière Malyflo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et la société civile immobilière Malyflo et les condamne à payer à la société Hôtelière avenir Vaugirard la somme de 3 000 euros ;




Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300439
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