Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juin 2023, 21-23.232, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juin 2023, 21-23.232, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-23.232
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00663
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 07 juin 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, du 24 juin 2021- Président
- Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 juin 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 663 F-D
Pourvoi n° M 21-23.232
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023
M. [Y] [D], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° M 21-23.232 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Demos, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [D], de Me Carbonnier, avocat de la société Demos, après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mme Cavrois, M. Flores, conseillers et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 juin 2021), M. [D] a été engagé en qualité de commercial itinérant par la société Demos à compter du 2 décembre 2013. Le contrat de travail prévoyait une rémunération comprenant une partie fixe et une partie variable.
2. Le salarié a été licencié le 5 avril 2017.
3. Le 22 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées au titre des commissions lui restant dues, alors « que, lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'en l'absence de fixation par l'employeur de ces objectifs annuels, la part variable est intégralement due ; qu'après avoir constaté que le contrat de travail du salarié prévoit une part de rémunération variable assise sur les objectifs annuels fixés par sa hiérarchie", qu'il est exact que les objectifs fixés pour l'année 2013 ne l'ont été que pour cette année-là, et que, pour les années 2014, 2015 et 2017, aucun objectif n'avait été fixé par l'employeur, la cour d'appel ne pouvait débouter le salarié de sa demande tendant au paiement des commissions non réglées, sans violer les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1221-1 du code du travail :
6. Il résulte de ces textes que, lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.
7. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de rappels de commissions, après avoir constaté que son contrat de travail prévoyait qu'en complément de sa rémunération annuelle brute fixe, l'intéressé percevrait, sur la base d'objectifs fixés par sa hiérarchie, une rémunération annuelle brute d'un montant de 21 000 euros pour des objectifs atteints à 100 %, ce montant pouvant être minoré à hauteur de la réalisation effective de l'objectif ou majoré selon les dispositions de la feuille d'objectifs, l'arrêt relève qu'il est exact que les objectifs fixés dans l'annexe à son contrat de travail ne l'ont été que pour l'année 2013 et que, pour l'année 2016, les parties sont convenues de nouvelles modalités de calcul de la rémunération variable en l'asseyant sur le chiffre d'affaires réalisé.
8. Il retient que l'employeur considère à juste titre que l'objectif de 2013, qui ne concernait que quelques jours ouvrés en 2013, devait être reconduit pour l'année 2014 et qu'il en va de même pour l'année 2015, qu'en effet, il appartient au juge, lorsqu'un élément contractuel variable de rémunération doit résulter d'un accord annuel (ici la fixation d'objectifs), d'en déterminer le montant, à défaut d'accord une année donnée, en fonction des critères contractuels et des accords trouvés les années précédentes. Il décide qu'au vu des chiffres réalisés par le salarié et des sommes de 5 976 euros et de 5 325 euros qui lui ont été versées respectivement au titre des années 2014 et 2015, il n'est pas fondé en ses demandes.
9. L'arrêt retient ensuite que, concernant l'année 2017, en l'absence de fixation de nouveaux objectifs, ceux de l'année précédente doivent être réputés comme reconduits tels que rappelés ci-dessus, que le salarié ne donne aucun élément justificatif du montant dont il réclame le paiement tandis que l'employeur produit le bilan de son activité avant la rupture du contrat de travail et qu'il n'est pas justifié de la réalisation des objectifs.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que la partie variable de la rémunération contractuelle du salarié dépendait de la réalisation d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, d'autre part, que celui-ci n'avait pas fixé les objectifs à réaliser pour les années 2014, 2015 et 2017, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en délivrance d'un bulletin de paie rectifié, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
12. Elle ne s'étend, en revanche, pas au chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de commissions outre les congés payés afférents, au titre de l'année 2016, que la critique formulée par le moyen n'est pas susceptible d'atteindre.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de ses demandes en paiement de rappels de commissions au titre de la part variable de son salaire pour les années 2014, 2015 et 2017, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de sa demande en délivrance d'un bulletin de paie, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Demos aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Demos et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00663
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 juin 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 663 F-D
Pourvoi n° M 21-23.232
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023
M. [Y] [D], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° M 21-23.232 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Demos, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [D], de Me Carbonnier, avocat de la société Demos, après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mme Cavrois, M. Flores, conseillers et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 juin 2021), M. [D] a été engagé en qualité de commercial itinérant par la société Demos à compter du 2 décembre 2013. Le contrat de travail prévoyait une rémunération comprenant une partie fixe et une partie variable.
2. Le salarié a été licencié le 5 avril 2017.
3. Le 22 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées au titre des commissions lui restant dues, alors « que, lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'en l'absence de fixation par l'employeur de ces objectifs annuels, la part variable est intégralement due ; qu'après avoir constaté que le contrat de travail du salarié prévoit une part de rémunération variable assise sur les objectifs annuels fixés par sa hiérarchie", qu'il est exact que les objectifs fixés pour l'année 2013 ne l'ont été que pour cette année-là, et que, pour les années 2014, 2015 et 2017, aucun objectif n'avait été fixé par l'employeur, la cour d'appel ne pouvait débouter le salarié de sa demande tendant au paiement des commissions non réglées, sans violer les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1221-1 du code du travail :
6. Il résulte de ces textes que, lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.
7. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de rappels de commissions, après avoir constaté que son contrat de travail prévoyait qu'en complément de sa rémunération annuelle brute fixe, l'intéressé percevrait, sur la base d'objectifs fixés par sa hiérarchie, une rémunération annuelle brute d'un montant de 21 000 euros pour des objectifs atteints à 100 %, ce montant pouvant être minoré à hauteur de la réalisation effective de l'objectif ou majoré selon les dispositions de la feuille d'objectifs, l'arrêt relève qu'il est exact que les objectifs fixés dans l'annexe à son contrat de travail ne l'ont été que pour l'année 2013 et que, pour l'année 2016, les parties sont convenues de nouvelles modalités de calcul de la rémunération variable en l'asseyant sur le chiffre d'affaires réalisé.
8. Il retient que l'employeur considère à juste titre que l'objectif de 2013, qui ne concernait que quelques jours ouvrés en 2013, devait être reconduit pour l'année 2014 et qu'il en va de même pour l'année 2015, qu'en effet, il appartient au juge, lorsqu'un élément contractuel variable de rémunération doit résulter d'un accord annuel (ici la fixation d'objectifs), d'en déterminer le montant, à défaut d'accord une année donnée, en fonction des critères contractuels et des accords trouvés les années précédentes. Il décide qu'au vu des chiffres réalisés par le salarié et des sommes de 5 976 euros et de 5 325 euros qui lui ont été versées respectivement au titre des années 2014 et 2015, il n'est pas fondé en ses demandes.
9. L'arrêt retient ensuite que, concernant l'année 2017, en l'absence de fixation de nouveaux objectifs, ceux de l'année précédente doivent être réputés comme reconduits tels que rappelés ci-dessus, que le salarié ne donne aucun élément justificatif du montant dont il réclame le paiement tandis que l'employeur produit le bilan de son activité avant la rupture du contrat de travail et qu'il n'est pas justifié de la réalisation des objectifs.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que la partie variable de la rémunération contractuelle du salarié dépendait de la réalisation d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, d'autre part, que celui-ci n'avait pas fixé les objectifs à réaliser pour les années 2014, 2015 et 2017, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en délivrance d'un bulletin de paie rectifié, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
12. Elle ne s'étend, en revanche, pas au chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de commissions outre les congés payés afférents, au titre de l'année 2016, que la critique formulée par le moyen n'est pas susceptible d'atteindre.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de ses demandes en paiement de rappels de commissions au titre de la part variable de son salaire pour les années 2014, 2015 et 2017, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de sa demande en délivrance d'un bulletin de paie, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Demos aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Demos et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.