Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juin 2023, 21-23.743, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juin 2023




Rejet


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 654 FS-B

Pourvoi n° S 21-23.743



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023

La Mutualité française Grand Sud, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-23.743 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [O] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Mutualité française Grand Sud, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen et rapporteur, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 septembre 2021) et les productions, M. [Y] a été engagé le 1er juillet 2013 en qualité d'aide-soignant par la Mutualité française Grand Sud qui relève de la convention collective nationale de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs.

2. Prétendant se trouver, au titre de la qualité d'ayant droit de son épouse salariée, dans un cas de dispense d'adhésion au régime obligatoire de complémentaire santé mis en place par l'employeur et réclamant la restitution des cotisations prélevées sur ses bulletins de salaire de ce chef pour l'année 2017, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié remplit les conditions de dispense, d'ordonner la prise en compte de la dispense à compter du 1er janvier 2017 et de le condamner à verser à ce dernier une somme au titre des sommes prélevées à tort sur ses bulletins de salaire, alors :

« 1°/ qu'un salarié peut être dispensé d'adhérer à la couverture collective et obligatoire de son entreprise s'il justifie bénéficier, à titre obligatoire, en qualité d'ayant droit de la couverture de son conjoint, salarié dans une autre entreprise ; qu'en l'espèce, il résultait de la décision unilatérale de la clinique [4] du 1er décembre 2015 employeur de l'épouse de M. [Y], que l'adhésion des ayants droits des salariés aux garanties était facultative ; qu'en affirmant que l'adhésion de M. [Y] à ce régime lui permettait d'être dispensé d'adhérer à la couverture collective et obligatoire mise en place dans son entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 911-7, D. 911-2 et R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2.2 de l'avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient pour affirmer que le régime frais de santé de la clinique [4] dont bénéficiait l'épouse de M. [Y] ne prévoyait pas l'adhésion obligatoire des ayants droit des salariés ; qu'en affirmant que le salarié bénéficiait à titre obligatoire, en qualité d'ayant droit, du contrat collectif et obligatoire de son épouse, tel que cela résultait du certificat d'adhésion de la clinique [4], la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, était versée aux débats la décision unilatérale de la clinique [4] instituant une couverture collective et obligatoire dans l'entreprise, précisant que "l'adhésion au régime est obligatoire pour tous les salariés à compter du 1er janvier 2016" et que "l'adhésion des ayants droit du salarié sera facultative. La part de cotisation relative à la couverture de ces derniers sera à la charge exclusive du salarié" et établissant ainsi que l'adhésion à la complémentaire santé au sein de l'entreprise de l'épouse du salarié en qualité d'ayant droit était facultative ; qu'en se bornant à affirmer que le certificat d'adhésion établi par le directeur des ressources humaines de la clinique [4] indiquait l'inscription à compter du 1er janvier 2016 de Mme [Y] à un régime complémentaire de santé dans le cadre d'un contrat collectif et obligatoire ainsi que ses ayants droit, pour en déduire que le salarié bénéficiait d'une dispense d'adhésion à la couverture obligatoire mise en place dans son entreprise, sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, la décision unilatérale susvisée, dument versée aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'un salarié peut être dispensé d'adhérer à la couverture collective et obligatoire de son entreprise lorsqu'il bénéficie d'une couverture individuelle au moment de la mise en place des garanties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le salarié avait été dispensé d'adhérer à la complémentaire santé obligatoire mise en place dans son entreprise au titre de l'année 2016 puisqu'il bénéficiait déjà, au moment de sa mise en place, d'une mutuelle ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur avait accepté la demande du salarié de dispense d'adhésion à la complémentaire collective mise en place dans l'entreprise au titre de l'année 2016, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dispense d'adhésion du salarié à la couverture collective et obligatoire de son entreprise n' était pas justifiée par le bénéfice d'une couverture individuelle au moment de la mise en place des garanties dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 911-7, D. 911-2 et R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2.2 de l'avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article D. 911-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1883 du 30 décembre 2015, l'acte mentionné à l'article L. 911-1 instituant une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursement complémentaire de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident peut prévoir la faculté pour les salariés relevant de certaines catégories d'être dispensés de l'adhésion au dispositif, sous réserve que ces catégories correspondent à tout ou partie de celles définies à l'article R. 242-1-6, sous les conditions définies à ce même article.

5. Selon l'article R. 242-1-6, 2°, f), du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-786 du 8 juillet 2014, une faculté de dispense d'adhésion est prévue au bénéfice des salariés, lorsque les garanties ont été mises en place dans les conditions fixées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et que l'acte qui met en place ces garanties prévoit, quelle que soit leur date d'embauche, les cas de dispense des salariés qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu'ayants droit, d'une couverture collective relevant d'un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à un de ceux fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à condition de le justifier chaque année.

6. Aux termes de l'article 2.2 de l'avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, par dérogation au caractère obligatoire, conformément aux dispositions de l'article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, peuvent à leur initiative se dispenser d'affiliation au présent régime frais de santé complémentaire en fournissant régulièrement à leur employeur les justificatifs correspondants, les salariés qui bénéficient par ailleurs pour les mêmes risques, y compris en tant qu'ayants droit, d'une couverture collective relevant d'un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire, sous réserve de le justifier chaque année.

7. Il en résulte que la dispense d'adhésion au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l'entreprise du salarié n'est pas subordonnée à la justification qu'il bénéficie en qualité d'ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective relevant d'un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire de son conjoint.

8. L'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que le salarié justifiait bénéficier, en qualité d'ayant droit de son épouse, d'une couverture collective relevant d'un dispositif de prévoyance complémentaire obligatoire conforme au dispositif obligatoire mis en place par son employeur.

9. La cour d'appel en a exactement déduit que le salarié remplissait les conditions de dispense prévue par les textes précités.

10. Le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches et est inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Mutualité française Grand Sud aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutualité française Grand Sud et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:SO00654
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