Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 juin 2023, 21-22.816, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 425 FS-B

Pourvoi n° J 21-22.816







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

La Société hydro-électrique du [Adresse 2], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est lieudit [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-22.816 contre l'arrêt rendu le 21 juillet 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société hydro-électrique du [Adresse 2], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la commune de [Localité 1], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 21 juillet 2021), par acte du 18 mars 2013, la commune de [Localité 1] (la commune) a donné à bail emphytéotique à la société hydro-électrique du [Adresse 2] (la société) une centrale hydraulique installée sur un barrage.

2. Par arrêté du 30 janvier 2017, le préfet du Loir-et-Cher a mis en demeure la société de satisfaire aux prescriptions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement par l'installation de dispositifs maintenant dans le lit du cours d'eau un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux et empêchant la pénétration du poisson dans le canal d'entrée.

3. Par arrêté du 27 février 2019, il a refusé d'accorder à la société l'autorisation d'exploiter la centrale hydroélectrique.

4. Le 28 février 2019, la société a assigné la commune en condamnation à réaliser les travaux de mise en conformité et en indemnisation. La commune a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le contrat liant les parties est un bail emphytéotique administratif et que les juridictions de l'ordre administratif sont compétentes pour connaître du litige né de ce contrat, alors :

« 1°/ que pour qu'un bail emphytéotique soit qualifié d'administratif, l'activité du bailleur ou l'opération en vue de laquelle le bail est conclu doivent se rattacher à l'intérêt général par un lien direct et principal ; que sauf dans le cas où elle est assujettie à des obligations particulières de continuité ou de volume, la production d'électricité à des fins commerciales ne constitue pas une activité d'intérêt général ; qu'en se fondant, pour qualifier le contrat de bail emphytéotique administratif et se déclarer incompétente, sur la circonstance qu'il devait permettre la production d'électricité non carbonée, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette production était soumise à des sujétions particulières, a violé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales ;

2°/ que le bail emphytéotique qui a essentiellement une finalité commerciale et ne remplit un objectif d'intérêt général que de façon accessoire et incidente ne peut être qualifié de bail emphytéotique administratif ; qu'en se fondant, pour qualifier le contrat de bail emphytéotique administratif et se déclarer incompétente, sur la circonstance que l'exploitation du barrage devait permettre non seulement la production d'électricité non carbonée mais également la conservation d'un plan d'eau utilisé à des fins touristiques, sportives et de loisirs, et que la société hydro-électrique du [Adresse 2] avait accepté de financer pour partie les travaux de mise en transparence nécessaire au maintien du barrage, la cour d'appel a violé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 1311-2, alinéa 1, du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur au 18 mars 2013, un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif.

7. Selon l'article L. 1311-3, 4°, du même code, les litiges relatifs aux baux emphytéotiques administratifs sont de la compétence des tribunaux administratifs.

8. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l'énergie, dans leur version en vigueur au 18 mars 2013, la politique énergétique vise notamment à préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre. Pour atteindre cet objectif, l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales, veille, en particulier, à diversifier les sources d'approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale.

9. Selon l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, les communes concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

10. Il en résulte que la mise à disposition, par l'effet d'un bail emphytéotique, d'une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d'électricité à un fournisseur d'énergie, en ce qu'elle favorise la diversification des sources d'énergie et participe au développement des énergies renouvelables, constitue une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune.

11. La cour d'appel a, dès lors, retenu, à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, que la convention liant la commune et la société était un bail emphytéotique administratif.

12. Elle en a exactement déduit que le litige né de ce bail relevait des juridictions de l'ordre administratif.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société hydro-électrique du [Adresse 2] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société hydro-électrique du [Adresse 2] et la condamne à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C300425
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