Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 juin 2023, 21-23.864, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 juin 2023, 21-23.864, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 21-23.864
- ECLI:FR:CCASS:2023:CO00431
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 14 juin 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 05 octobre 2021- Président
- M. Vigneau
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 431 F-B
Pourvoi n° Y 21-23.864
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
La société Evotel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-23.864 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mark Warner France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Mark Warner Limited, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 1] (Royaume-Uni),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Evotel, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Mark Warner France et Mark Warner Limited, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 octobre 2021), la société Evotel a confié à la société Mark Warner Alpes, aux droits de laquelle se trouve la société Mark Warner France, la location-gérance d'un fonds de commerce d'hôtel-restaurant-bar. Le 10 avril 2007, une garantie à première demande a été consentie par la société Mark Warner Limited au profit de la société Evotel en cas de défaillance de la société Mark Warner France. La société Mark Warner France n'ayant pas renouvelé le contrat, la société Evotel, invoquant la non-remise en état des lieux et une perte de valeur du fonds de commerce, a assigné la société Mark Warner Limited en exécution de la garantie. La demande a été accueillie par un arrêt du 26 septembre 2017 qui a condamné la société Mark Warner Limited à payer à la société Evotel la somme de 611 187,40 euros.
2. Le 25 janvier 2017, soutenant que les conditions de mise en oeuvre de la garantie consentie le 10 avril 2007 n'étaient pas réunies lorsqu'elle a été appelée par la société Evotel, la société Mark Warner France a assigné cette dernière en demandant sa condamnation à lui reverser cette somme.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Evotel fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Mark Warner France et, statuant sur le fond, et fixant à 115 000 euros le montant du préjudice subi par la société Evotel ensuite de la restitution de son fonds de commerce par la société Mark Warner France, de la condamner à rembourser à la société Mark Warner France la somme de 633 928,99 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2019, outre celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que si le donneur d'ordre dispose, contre le bénéficiaire d'une garantie autonome, d'un recours en remboursement fondé sur le contrat de base en cas d'appel injustifié de la garantie, l'exercice de ce recours fondé sur l'enrichissement sans cause exige que le donneur d'ordre se soit appauvri en remboursant au garant les sommes réglées par ce dernier au bénéficiaire ; que pour déclarer recevable les prétentions de la société Mark Warner France au regard de l'intérêt et de la qualité à agir, l'arrêt se borne à relever que "le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indument le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d'une fraude ou d'un abus manifeste, comme en cas d'opposition préventive à l'exécution de la garantie par le garant" ; qu'en statuant ainsi, sans s'assurer que la société Mark Warner France (donneur d'ordre) avait remboursé à la société Mark Warner Limited (garant) la somme versée à la société Evotel (bénéficiaire) en exécution de la garantie à première demande, la cour d'appel a violé les articles 31 et 122 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Evotel faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Mark Warner France n'avait pas qualité ni intérêt pour solliciter le remboursement d'une somme qu'elle n'avait pas payée personnellement et qu'elle ne justifiait pas avoir dû payer à la société Mark Warner Limited ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Après paiement d'une garantie (ou contre-garantie) autonome, le donneur d'ordre est recevable à exercer un recours contre le bénéficiaire pour faire juger que celui-ci a perçu indûment le montant de la garantie, sans avoir à justifier du remboursement préalable du garant.
5. Après avoir énoncé que le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution partielle ou totale de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'interroger sur le remboursement préalable du garant par le donneur d'ordre, en a exactement déduit que l'action de la société Mark Warner France contre la société Evotel en remboursement des sommes indûment perçues était recevable.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Evotel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Evotel et la condamne à payer aux sociétés Mark Warner France et Mark Warner Limited la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CO00431
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 431 F-B
Pourvoi n° Y 21-23.864
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
La société Evotel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-23.864 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mark Warner France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Mark Warner Limited, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 1] (Royaume-Uni),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Evotel, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Mark Warner France et Mark Warner Limited, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 octobre 2021), la société Evotel a confié à la société Mark Warner Alpes, aux droits de laquelle se trouve la société Mark Warner France, la location-gérance d'un fonds de commerce d'hôtel-restaurant-bar. Le 10 avril 2007, une garantie à première demande a été consentie par la société Mark Warner Limited au profit de la société Evotel en cas de défaillance de la société Mark Warner France. La société Mark Warner France n'ayant pas renouvelé le contrat, la société Evotel, invoquant la non-remise en état des lieux et une perte de valeur du fonds de commerce, a assigné la société Mark Warner Limited en exécution de la garantie. La demande a été accueillie par un arrêt du 26 septembre 2017 qui a condamné la société Mark Warner Limited à payer à la société Evotel la somme de 611 187,40 euros.
2. Le 25 janvier 2017, soutenant que les conditions de mise en oeuvre de la garantie consentie le 10 avril 2007 n'étaient pas réunies lorsqu'elle a été appelée par la société Evotel, la société Mark Warner France a assigné cette dernière en demandant sa condamnation à lui reverser cette somme.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Evotel fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Mark Warner France et, statuant sur le fond, et fixant à 115 000 euros le montant du préjudice subi par la société Evotel ensuite de la restitution de son fonds de commerce par la société Mark Warner France, de la condamner à rembourser à la société Mark Warner France la somme de 633 928,99 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2019, outre celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que si le donneur d'ordre dispose, contre le bénéficiaire d'une garantie autonome, d'un recours en remboursement fondé sur le contrat de base en cas d'appel injustifié de la garantie, l'exercice de ce recours fondé sur l'enrichissement sans cause exige que le donneur d'ordre se soit appauvri en remboursant au garant les sommes réglées par ce dernier au bénéficiaire ; que pour déclarer recevable les prétentions de la société Mark Warner France au regard de l'intérêt et de la qualité à agir, l'arrêt se borne à relever que "le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indument le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d'une fraude ou d'un abus manifeste, comme en cas d'opposition préventive à l'exécution de la garantie par le garant" ; qu'en statuant ainsi, sans s'assurer que la société Mark Warner France (donneur d'ordre) avait remboursé à la société Mark Warner Limited (garant) la somme versée à la société Evotel (bénéficiaire) en exécution de la garantie à première demande, la cour d'appel a violé les articles 31 et 122 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Evotel faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Mark Warner France n'avait pas qualité ni intérêt pour solliciter le remboursement d'une somme qu'elle n'avait pas payée personnellement et qu'elle ne justifiait pas avoir dû payer à la société Mark Warner Limited ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Après paiement d'une garantie (ou contre-garantie) autonome, le donneur d'ordre est recevable à exercer un recours contre le bénéficiaire pour faire juger que celui-ci a perçu indûment le montant de la garantie, sans avoir à justifier du remboursement préalable du garant.
5. Après avoir énoncé que le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution partielle ou totale de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'interroger sur le remboursement préalable du garant par le donneur d'ordre, en a exactement déduit que l'action de la société Mark Warner France contre la société Evotel en remboursement des sommes indûment perçues était recevable.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Evotel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Evotel et la condamne à payer aux sociétés Mark Warner France et Mark Warner Limited la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.