Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 juin 2023, 22-86.126, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° V 22-86.126 F-D

N° 00745


ODVS
13 JUIN 2023


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 JUIN 2023



La [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2022, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a déclarée coupable de ce chef et a ordonné une mesure d'instruction.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la [2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Une plainte a été déposée à la suite de déversements et d'écoulements d'effluents chargés de matières fécales provenant de la station d'épuration de la commune d'[Localité 1], les prélèvements subséquents n'étant pas conformes aux maximums autorisés par un arrêté préfectoral du 1er octobre 2014.

3. Par un contrat d'affermage du 16 février 2012, l'exploitation de la station, structurellement non conforme et censée être démantelée en 2014, a été confiée à la [2] ([2]), chargée d'en assurer la surveillance, le bon fonctionnement et l'entretien.

4. Par jugement du 10 décembre 2019, les juges du premier degré, après avoir, notamment, déclaré la commune et la [2] coupables de rejet en eau douce ou pisciculture, par personne morale, de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire, faits commis du 15 décembre 2015 au 6 mars 2016, et ordonné des mesures d'affichage, les ont condamnées à des amendes, ont ordonné à l'encontre de la [2] la remise en état des lieux sous astreinte et prononcé sur les intérêts civils.

5. La commune, la [2] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable de rejet en eau douce de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire, alors :

« 1°/ que la responsabilité des personnes morales ne peut être engagée que pour les infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou leurs représentants ; qu'en condamnant la société [2] sans rechercher si l'infraction reprochée à la personne morale avait été commise, pour son compte, par un de ses organes ou représentants, la cour d'appel a méconnu les articles 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

8. Selon le premier de ces textes, les personnes morales à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 du même code, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour déclarer la [2] coupable des faits, l'arrêt attaqué énonce que c'est en toute conscience et connaissance de la cause et des risques encourus, que cette personne morale a délibérément choisi de poursuivre l'exploitation de la station d'épuration.

11. Les juges relèvent que la [2] savait, dès la signature du contrat, ne pas être en mesure d'exploiter la station d'épuration conformément aux exigences réglementaires et légales.

12. Ils retiennent que son directeur a reconnu que celle-ci, structurellement non conforme, était exploitée au mieux de ses capacités.

13. En se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'une délégation de pouvoirs ni s'expliquer sur le statut et les attributions du directeur propres à en faire un représentant de la personne morale, au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

14. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de la [2]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 9 mai 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de la [2], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00745
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