Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 juin 2023, 22-13.330, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juin 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 395 FS-B

Pourvoi n° U 22-13.330




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023

La société Bernard Brignon, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-13.330 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Eiffage génie civil, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Bernard Brignon, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Eiffage génie civil, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2022), la société civile immobilière Carré du roi a confié le lot gros oeuvre d'une opération de construction immobilière à la société Bernard Brignon, laquelle a sous-traité la réalisation des pieux de fondation et d'une paroi micro-berlinoise butonnée à la société RESIREP, aux droits de laquelle vient la société Eiffage génie civil (la société Eiffage).

2. Pendant les opérations d'expertise judiciaire, ordonnées en raison de malfaçons signalées sur les travaux sous-traités, la société Eiffage a procédé à la reprise des pieux défaillants.

3. Elle a ensuite assigné la société Bernard Brignon en annulation du contrat de sous-traitance et en fixation du juste prix de ses prestations. Celle-ci a demandé, à titre reconventionnel, l'indemnisation de ses préjudices résultant des défauts d'exécution des travaux sous-traités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société Bernard Brignon fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Eiffage la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, alors « que l'annulation d'un contrat de sous-traitance confère au sous-traitant le droit d'obtenir le règlement de travaux réalisés à leur juste coût, ce qui ne peut s'étendre aux travaux de reprise réalisés pour corriger les malfaçons et désordres dont il a été l'auteur ; qu'en allouant à la société Eiffage génie civil la somme de 149 500 euros correspondant aux travaux de reprise qu'elle a été contrainte de réaliser pour corriger les désordres et malfaçons dont elle était responsable, la cour d'appel a violé l'article 1178 ancien du code civil, ensemble les principes régissant les conséquences de l'annulation des actes juridiques. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société Eiffage conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que ce moyen est nouveau dès lors que l'appelant se limitait, dans ses conclusions, à évoquer des travaux mal exécutés sans demander, ni justifier d'écarter du montant de l'indemnisation le coût des travaux de reprise des malfaçons.

7. Cependant, le moyen portant sur l'assiette de la créance de restitution était inclus dans le débat devant la cour d'appel.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ces textes que, dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l'exclusion de ceux qu'il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l'auteur.

10. Pour dire que la valeur réelle de la prestation de la société Eiffage s'élève à la somme de 375 841,30 euros, l'arrêt retient que le sous-traitant est en droit d'obtenir la restitution de toutes les sommes réellement déboursées, comprenant le coût réel des travaux réalisés initialement et celui des travaux réalisés en reprise des malfaçons affectant les premiers.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tenu compte de la valeur des travaux réalisés par le sous-traitant pour reprendre ceux qu'il avait mal exécutés, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et ordonnant la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Bernard Brignon aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Le coût réel des travaux réalisés par la société Eiffage en exécution du sous-traité annulé s'élevant à 226 341,30 euros, il convient de condamner la société Bernard Brignon à lui payer cette somme au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation du sous-traité, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 5 novembre 2018.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage génie civil la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage génie civil la somme de 226 341,30 euros au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation du sous-traité, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 5 novembre 2018 ;

Maintient les dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédures prononcées par les juges du fond ;

Condamne la société Eiffage génie civil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eiffage génie civil et la condamne à payer à la société Bernard Brignon la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C300395
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