Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 juin 2023, 22-87.212, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 juin 2023, 22-87.212, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 22-87.212
- ECLI:FR:CCASS:2023:CR00703
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mardi 06 juin 2023
Décision attaquée : Tribunal de police de La Roche-sur-Yon, du 19 novembre 2021- Président
- M. Bonnal
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 22-87.212 F-B
N° 00703
SL2
6 JUIN 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 JUIN 2023
L'officier du ministère public près le tribunal de police de La Roche-sur-Yon a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 19 novembre 2021, qui a relaxé la société [U] [1] du chef de contravention au code de la route.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 15 juin 2020, un véhicule appartenant à la société [U] [1] a été verbalisé pour un excès de vitesse.
3. Un procès-verbal a été établi le 25 juin 2020.
4. La société [U] [1] a reçu un avis de contravention adressé le 29 juin 2020, et a présenté une requête en exonération le 17 juillet suivant en désignant comme conducteur, M. [D] [U], dont elle a indiqué la date de naissance, l'adresse et le numéro de permis de conduire.
5. Un avis de contravention a été adressé à ce dernier, qui a contesté en être l'auteur.
6. M. [J] [U], gérant de la société [U] [1], entendu le 8 mars 2021 par la gendarmerie, a indiqué qu'il avait désigné M. [D] [U] en qualité de responsable du véhicule, et qu'il ne pouvait savoir s'il était le conducteur au moment des faits. Il a précisé également ne pouvoir fournir d'éléments probants sur ce conducteur, l'entreprise ne tenant pas de registre.
7. La société [U] [1] a été citée devant le tribunal de police, le 26 octobre 2021, pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule ayant servi à commettre l'infraction, en application de l'article L. 121-6 du code de la route.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
8. Le premier moyen est pris de la violation des articles L. 121-2, L. 121-3, L. 121-6 et A. 121-1 du code de la route.
9. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé la société [U] [1], alors :
1°/ que selon l'article L. 121-6 du code de la route, l'obligation de fournir l'identité du conducteur ne cesse, pour le représentant légal de la personne morale au nom de laquelle le véhicule a été immatriculé, que lorsqu'il est établi l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'identité ou de tout autre cas de force majeure ;
2°/ que l'obligation de désignation du conducteur découlant de cet article, combiné aux articles L. 121-2 et L. 121-3 de ce même code, s'entend d'une désignation certaine pouvant être corroborée par des éléments probants ;
3°/ que les éléments d'identité du conducteur doivent être corroborés, car, lorsque le tiers désigné conteste avoir été le conducteur, la seule désignation ne peut suffire à établir que le tiers en question était le conducteur du véhicule ;
4°/ que, dès lors, le représentant légal qui désigne un tiers sans disposer d'éléments probants ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 121-6 du code de la route.
10. Le second moyen est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.
11. Le moyen critique le jugement attaqué pour avoir relaxé cette société alors qu'il ressort des éléments de la procédure que, selon ses propres déclarations, la société [U] [1] ne tenait pas de registre et ne pouvait donc satisfaire aux exigences de l'article L. 121-6 du code de la route, de sorte que le tribunal a insuffisamment justifié sa décision.
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Vu les articles L. 121-6 du code de la route et 593 du code de procédure pénale :
13. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 de ce même code a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, son représentant légal doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, à l'autorité mentionnée sur cet avis, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
14. Il s'en déduit que cette obligation n'est remplie que si la désignation de la personne physique qui conduisait effectivement le véhicule au moment des faits repose sur des éléments probants.
15. En application du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
16. Pour relaxer le prévenu, le jugement énonce notamment que la société [U] [1] a dûment fourni tous les éléments d'identité de la personne qu'elle désigne, la circonstance que cette dernière ait contesté être le conducteur ne permettant pas de retenir à son encontre, a posteriori, l'infraction prévue à l'article L. 121-6 du code de la route.
17. Le juge ajoute que les déclarations inexactes et erronées sont, sans préjudice d'éventuelles poursuites pour faux ou dénonciation calomnieuse, réprimées par l'article R. 49-19 du code de procédure pénale.
18. En se déterminant ainsi, le tribunal n'a pas justifié sa décision.
19. En effet, le juge ne pouvait considérer que la désignation effectuée par la société [U] [1], en l'absence de tout élément probant de nature à corroborer l'identification du contrevenant, était conforme aux exigences de l'article L. 121-6 du code de la route.
20. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de La Roche-sur-Yon, en date du 19 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de Poitiers, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police de La Roche-sur-Yon et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-trois.
Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambreECLI:FR:CCASS:2023:CR00703
N° A 22-87.212 F-B
N° 00703
SL2
6 JUIN 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 JUIN 2023
L'officier du ministère public près le tribunal de police de La Roche-sur-Yon a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 19 novembre 2021, qui a relaxé la société [U] [1] du chef de contravention au code de la route.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 15 juin 2020, un véhicule appartenant à la société [U] [1] a été verbalisé pour un excès de vitesse.
3. Un procès-verbal a été établi le 25 juin 2020.
4. La société [U] [1] a reçu un avis de contravention adressé le 29 juin 2020, et a présenté une requête en exonération le 17 juillet suivant en désignant comme conducteur, M. [D] [U], dont elle a indiqué la date de naissance, l'adresse et le numéro de permis de conduire.
5. Un avis de contravention a été adressé à ce dernier, qui a contesté en être l'auteur.
6. M. [J] [U], gérant de la société [U] [1], entendu le 8 mars 2021 par la gendarmerie, a indiqué qu'il avait désigné M. [D] [U] en qualité de responsable du véhicule, et qu'il ne pouvait savoir s'il était le conducteur au moment des faits. Il a précisé également ne pouvoir fournir d'éléments probants sur ce conducteur, l'entreprise ne tenant pas de registre.
7. La société [U] [1] a été citée devant le tribunal de police, le 26 octobre 2021, pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule ayant servi à commettre l'infraction, en application de l'article L. 121-6 du code de la route.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
8. Le premier moyen est pris de la violation des articles L. 121-2, L. 121-3, L. 121-6 et A. 121-1 du code de la route.
9. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé la société [U] [1], alors :
1°/ que selon l'article L. 121-6 du code de la route, l'obligation de fournir l'identité du conducteur ne cesse, pour le représentant légal de la personne morale au nom de laquelle le véhicule a été immatriculé, que lorsqu'il est établi l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'identité ou de tout autre cas de force majeure ;
2°/ que l'obligation de désignation du conducteur découlant de cet article, combiné aux articles L. 121-2 et L. 121-3 de ce même code, s'entend d'une désignation certaine pouvant être corroborée par des éléments probants ;
3°/ que les éléments d'identité du conducteur doivent être corroborés, car, lorsque le tiers désigné conteste avoir été le conducteur, la seule désignation ne peut suffire à établir que le tiers en question était le conducteur du véhicule ;
4°/ que, dès lors, le représentant légal qui désigne un tiers sans disposer d'éléments probants ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 121-6 du code de la route.
10. Le second moyen est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.
11. Le moyen critique le jugement attaqué pour avoir relaxé cette société alors qu'il ressort des éléments de la procédure que, selon ses propres déclarations, la société [U] [1] ne tenait pas de registre et ne pouvait donc satisfaire aux exigences de l'article L. 121-6 du code de la route, de sorte que le tribunal a insuffisamment justifié sa décision.
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Vu les articles L. 121-6 du code de la route et 593 du code de procédure pénale :
13. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 de ce même code a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, son représentant légal doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, à l'autorité mentionnée sur cet avis, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
14. Il s'en déduit que cette obligation n'est remplie que si la désignation de la personne physique qui conduisait effectivement le véhicule au moment des faits repose sur des éléments probants.
15. En application du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
16. Pour relaxer le prévenu, le jugement énonce notamment que la société [U] [1] a dûment fourni tous les éléments d'identité de la personne qu'elle désigne, la circonstance que cette dernière ait contesté être le conducteur ne permettant pas de retenir à son encontre, a posteriori, l'infraction prévue à l'article L. 121-6 du code de la route.
17. Le juge ajoute que les déclarations inexactes et erronées sont, sans préjudice d'éventuelles poursuites pour faux ou dénonciation calomnieuse, réprimées par l'article R. 49-19 du code de procédure pénale.
18. En se déterminant ainsi, le tribunal n'a pas justifié sa décision.
19. En effet, le juge ne pouvait considérer que la désignation effectuée par la société [U] [1], en l'absence de tout élément probant de nature à corroborer l'identification du contrevenant, était conforme aux exigences de l'article L. 121-6 du code de la route.
20. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de La Roche-sur-Yon, en date du 19 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de Poitiers, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police de La Roche-sur-Yon et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-trois.
Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambre