Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 1 juin 2023, 22-86.463, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 1 juin 2023, 22-86.463, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 22-86.463
- ECLI:FR:CCASS:2023:CR00671
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 01 juin 2023
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, du 07 octobre 2022- Président
- Mme de la Lance (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 22-86.463 F-B
N° 00671
MAS2
1ER JUIN 2023
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER JUIN 2023
M. [U] [L] et Mme [O] [R], épouse [L], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de recel, blanchiment, association de malfaiteurs, exportation illégale d'un bien culturel, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction.
Par ordonnance du 9 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [U] [L] et de Mme [O] [L], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [U] [L] et Mme [O] [L] ont été mis en examen des chefs susvisés.
3. Un voilier de plaisance leur appartenant a été saisi.
4. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le juge d'instruction a ordonné la remise à l'AGRASC du navire en vue de son aliénation.
5. M. et Mme [L] ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la remise à l'agence de gestion et de recouvrement du navire Téthys appartenant a M. et Mme [L] en vue de son aliénation, alors « que constitue une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, la confiscation du domicile des mis en examen, dans le cadre d'une information pénale ; que cette mesure doit être strictement proportionnée au but poursuivi par l'autorité publique et il appartient au juge de contrôler la proportionnalité de l'atteinte portée par la mesure de confiscation au droit au respect de la vie privée et familiale, en se fondant sur la situation personnelle du prévenu et sur la gravité concrète des faits ; qu'en relevant, pour dire que l'atteinte portée par la mesure n'était pas disproportionnée au droit à la vie privée des époux [L] et au droit au respect de leurs biens, que le navire Téthys ne constituait pas le domicile des époux [L] dès lors que lors de leur garde à vue, les époux [L] n'ont pas indiqué que le navire constituait leur domicile, qu'ils avaient indiqué être usufruitiers de leur maison située à [Localité 1] et qu'un seul des témoignages produits attestait de « leur attachement affectif » au navire, cependant que ces motifs était impropres à exclure que le navire constituaient effectivement le domicile des époux [L], dès lors qu'il était établi que les époux [L] occupaient durant la majeure partie de l'année le voilier, avec lequel ils entretenaient nécessairement, de ce seul fait, des liens étroits et qu'elle avait elle-même constaté qu'ils ne résidaient que pour des périodes limitées dans leur maison, laquelle constituait la résidence principale de l'un de leurs enfants, ce qui démontrait que cette maison ne pouvait pas être considérée comme leur domicile, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit à une vie privée et familiale et au domicile de M. et Mme [L], et confirmer l'ordonnance de remise à l'AGRASC, l'arrêt attaqué énonce que le contrôle de proportionnalité de l'atteinte portée par la décision de remise à l'AGRASC au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile doit tenir compte de la gravité des faits et de la situation personnelle des personnes mises en examen.
8. Les juges relèvent, en premier lieu, que la gravité des faits découle, notamment, du nombre de ventes de l'or prélevé sur l'épave du « Prince de Conty », ainsi que de ventes réalisées aux Etats-Unis par l'intermédiaire de tiers et au profit du British Museum par l'intermédiaire du beau-frère de M. [L], ces faits ayant été commis à un niveau international et supposant, par leur complexité, une certaine expertise, de la logistique, une organisation et une répartition des rôles.
9. Ils ajoutent que cette gravité se dégage également du montant du profit réalisé, les ventes ayant procuré des sommes importantes aux personnes mises en examen au vu de l'enquête patrimoniale diligentée et de l'estimation, entre 16 et 18 kg, des monnaies d'or volées sur l'épave, du nombre d'ouverture de comptes à l'étranger (Etats-Unis et Suisse), dénotant une volonté de dissimulation, et de la qualité des biens vendus, les lingots d'or étant soustraits au patrimoine archéologique et culturel français et mondial dans un esprit de lucre.
10. Les juges retiennent en deuxième lieu, en ce qui concerne la situation personnelle des personnes mises en examen, notamment, que bien qu'âgés de 75 et 72 ans, ils ont continué à faire le tour du monde jusqu'à la saisie du bateau et qu'ils ont pu par le passé, alors qu'ils n'avaient pas leur patrimoine actuel, s'adonner à leur passion du voyage et de la mer en effectuant un tour de l'Atlantique.
11. Ils soulignent que leur situation financière actuelle est favorable, constituée de leurs retraites et de l'assurance-vie de Mme [L], dont la valeur est de 232 300,88 euros, et qu'elle leur permettrait potentiellement de continuer à s'adonner à leurs passions et de fixer leur domicile ailleurs.
12. Les juges indiquent, en troisième lieu, s'agissant du domicile, que M. et Mme [L] n'ont à aucun moment indiqué que le bateau leur sert de domicile, et ce même lors de leur interrogatoire en garde-à-vue, près de sept mois après la saisie du bateau.
13. Ils observent qu'ils sont usufruitiers de la maison de [Localité 1], habitée par leur fils, et qu'ils y sont accueillis, pendant un temps certes limité, pour rendre visite à leurs enfants et petits-enfants.
14. Ils précisent que parmi les pièces produites par les personnes mises en examen, seul un des six membres de la famille atteste leur attachement affectif au bateau.
15. Ils en concluent que si la mesure ordonnée induit nécessairement une atteinte au droit de propriété, au respect de la vie privée, familiale et au domicile, cette atteinte ne peut être considérée comme disproportionnée au regard de la gravité intrinsèque des faits et de la situation personnelle des personnes co-mises en examen.
16. Le moyen est inopérant, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, bien qu'elle ait écarté la qualité de domicile du bateau des demandeurs, la chambre de l'instruction a opéré un contrôle de la proportionnalité de l'atteinte portée à leur droit à une vie privée et familiale et au domicile par la décision de remise de leur bateau à l'AGRASC en vue de son aliénation, en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des personnes mises en examen.
17. Ainsi, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00671
N° M 22-86.463 F-B
N° 00671
MAS2
1ER JUIN 2023
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER JUIN 2023
M. [U] [L] et Mme [O] [R], épouse [L], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de recel, blanchiment, association de malfaiteurs, exportation illégale d'un bien culturel, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction.
Par ordonnance du 9 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [U] [L] et de Mme [O] [L], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [U] [L] et Mme [O] [L] ont été mis en examen des chefs susvisés.
3. Un voilier de plaisance leur appartenant a été saisi.
4. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le juge d'instruction a ordonné la remise à l'AGRASC du navire en vue de son aliénation.
5. M. et Mme [L] ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la remise à l'agence de gestion et de recouvrement du navire Téthys appartenant a M. et Mme [L] en vue de son aliénation, alors « que constitue une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, la confiscation du domicile des mis en examen, dans le cadre d'une information pénale ; que cette mesure doit être strictement proportionnée au but poursuivi par l'autorité publique et il appartient au juge de contrôler la proportionnalité de l'atteinte portée par la mesure de confiscation au droit au respect de la vie privée et familiale, en se fondant sur la situation personnelle du prévenu et sur la gravité concrète des faits ; qu'en relevant, pour dire que l'atteinte portée par la mesure n'était pas disproportionnée au droit à la vie privée des époux [L] et au droit au respect de leurs biens, que le navire Téthys ne constituait pas le domicile des époux [L] dès lors que lors de leur garde à vue, les époux [L] n'ont pas indiqué que le navire constituait leur domicile, qu'ils avaient indiqué être usufruitiers de leur maison située à [Localité 1] et qu'un seul des témoignages produits attestait de « leur attachement affectif » au navire, cependant que ces motifs était impropres à exclure que le navire constituaient effectivement le domicile des époux [L], dès lors qu'il était établi que les époux [L] occupaient durant la majeure partie de l'année le voilier, avec lequel ils entretenaient nécessairement, de ce seul fait, des liens étroits et qu'elle avait elle-même constaté qu'ils ne résidaient que pour des périodes limitées dans leur maison, laquelle constituait la résidence principale de l'un de leurs enfants, ce qui démontrait que cette maison ne pouvait pas être considérée comme leur domicile, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit à une vie privée et familiale et au domicile de M. et Mme [L], et confirmer l'ordonnance de remise à l'AGRASC, l'arrêt attaqué énonce que le contrôle de proportionnalité de l'atteinte portée par la décision de remise à l'AGRASC au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile doit tenir compte de la gravité des faits et de la situation personnelle des personnes mises en examen.
8. Les juges relèvent, en premier lieu, que la gravité des faits découle, notamment, du nombre de ventes de l'or prélevé sur l'épave du « Prince de Conty », ainsi que de ventes réalisées aux Etats-Unis par l'intermédiaire de tiers et au profit du British Museum par l'intermédiaire du beau-frère de M. [L], ces faits ayant été commis à un niveau international et supposant, par leur complexité, une certaine expertise, de la logistique, une organisation et une répartition des rôles.
9. Ils ajoutent que cette gravité se dégage également du montant du profit réalisé, les ventes ayant procuré des sommes importantes aux personnes mises en examen au vu de l'enquête patrimoniale diligentée et de l'estimation, entre 16 et 18 kg, des monnaies d'or volées sur l'épave, du nombre d'ouverture de comptes à l'étranger (Etats-Unis et Suisse), dénotant une volonté de dissimulation, et de la qualité des biens vendus, les lingots d'or étant soustraits au patrimoine archéologique et culturel français et mondial dans un esprit de lucre.
10. Les juges retiennent en deuxième lieu, en ce qui concerne la situation personnelle des personnes mises en examen, notamment, que bien qu'âgés de 75 et 72 ans, ils ont continué à faire le tour du monde jusqu'à la saisie du bateau et qu'ils ont pu par le passé, alors qu'ils n'avaient pas leur patrimoine actuel, s'adonner à leur passion du voyage et de la mer en effectuant un tour de l'Atlantique.
11. Ils soulignent que leur situation financière actuelle est favorable, constituée de leurs retraites et de l'assurance-vie de Mme [L], dont la valeur est de 232 300,88 euros, et qu'elle leur permettrait potentiellement de continuer à s'adonner à leurs passions et de fixer leur domicile ailleurs.
12. Les juges indiquent, en troisième lieu, s'agissant du domicile, que M. et Mme [L] n'ont à aucun moment indiqué que le bateau leur sert de domicile, et ce même lors de leur interrogatoire en garde-à-vue, près de sept mois après la saisie du bateau.
13. Ils observent qu'ils sont usufruitiers de la maison de [Localité 1], habitée par leur fils, et qu'ils y sont accueillis, pendant un temps certes limité, pour rendre visite à leurs enfants et petits-enfants.
14. Ils précisent que parmi les pièces produites par les personnes mises en examen, seul un des six membres de la famille atteste leur attachement affectif au bateau.
15. Ils en concluent que si la mesure ordonnée induit nécessairement une atteinte au droit de propriété, au respect de la vie privée, familiale et au domicile, cette atteinte ne peut être considérée comme disproportionnée au regard de la gravité intrinsèque des faits et de la situation personnelle des personnes co-mises en examen.
16. Le moyen est inopérant, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, bien qu'elle ait écarté la qualité de domicile du bateau des demandeurs, la chambre de l'instruction a opéré un contrôle de la proportionnalité de l'atteinte portée à leur droit à une vie privée et familiale et au domicile par la décision de remise de leur bateau à l'AGRASC en vue de son aliénation, en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des personnes mises en examen.
17. Ainsi, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.