Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 mai 2023, 22-15.946, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 mai 2023, 22-15.946, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-15.946
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300348
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 25 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 15 mars 2022- Président
- Mme Teiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 348 FS-B
Pourvoi n° N 22-15.946
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société La Mangeoire, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-15.946 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société La Mangeoire, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 1], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. David, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2022) et les productions, pour loger son personnel, la société La Mangeoire, exploitant un commerce de piano-bar-restaurant, a conclu, avec la commune de [Localité 4], devenue la commune de [Localité 1], propriétaire d'un immeuble dans lequel avait été exploité un hôtel, successivement sept conventions qualifiées de « convention d'occupation précaire », la première du 9 novembre 2009, à effet du 15 novembre 2009 au 15 mai 2010, la dernière à effet du 1er novembre 2014 ayant pour terme le 31 octobre 2015.
2. Le 5 octobre 2015, la commune (la bailleresse) a adressé à la société La Mangeoire (la locataire) un projet de « bail de location saisonnière » pour l'année 2016, stipulant une durée de sept mois à l'issue de laquelle le preneur devra quitter les lieux.
3. La locataire restée, sans interruption, en possession des lieux depuis la date d'effet de la première convention, a, le 26 mai 2016, assigné la bailleresse, revendiquant l'existence d'un bail commercial et l'application du statut des baux commerciaux.
4. A titre reconventionnel, la bailleresse a sollicité son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, d'ordonner son expulsion et de fixer une indemnité d'occupation, alors « que le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la conclusion du dernier contrat, conclu entre les parties, dont la requalification est demandée ; qu'en jugeant que le délai de prescription de l'action en requalification formée par la société La Mangeoire avait commencé à courir à la date à laquelle les parties avaient conclu leur premier contrat de bail, soit le 9 novembre 2009, et non à la date à laquelle avait été conclue la dernière convention en vertu de laquelle le local était mis à disposition du preneur, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L.145-60 du code de commerce :
6. Selon ce texte, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
7. Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
8. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de requalification de la convention en bail commercial, l'arrêt énonce, d'abord, que le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion de la convention initiale, y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenants successifs et qu'une telle solution s'impose également en cas de renouvellement par conclusion d'un nouveau contrat similaire.
9. Relevant, ensuite, que depuis la signature de la première convention en 2009, la relation contractuelle a été renouvelée dans les mêmes conditions, entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, la locataire n'ayant jamais quitté les lieux ni rendu les clefs à l'expiration de chaque période renouvelée pour la même période, il en déduit que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter du 9 novembre 2009, date de conclusion du premier contrat entre les parties.
10. En statuant ainsi, alors que la locataire demandait la requalification du dernier contrat conclu entre les parties, en sorte que le point de départ de la prescription de son action courait à compter du 1er novembre 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la commune de [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de [Localité 1] et la condamne à payer 3 000 euros à la société La Mangeoire.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300348
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 348 FS-B
Pourvoi n° N 22-15.946
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société La Mangeoire, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-15.946 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société La Mangeoire, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 1], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. David, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2022) et les productions, pour loger son personnel, la société La Mangeoire, exploitant un commerce de piano-bar-restaurant, a conclu, avec la commune de [Localité 4], devenue la commune de [Localité 1], propriétaire d'un immeuble dans lequel avait été exploité un hôtel, successivement sept conventions qualifiées de « convention d'occupation précaire », la première du 9 novembre 2009, à effet du 15 novembre 2009 au 15 mai 2010, la dernière à effet du 1er novembre 2014 ayant pour terme le 31 octobre 2015.
2. Le 5 octobre 2015, la commune (la bailleresse) a adressé à la société La Mangeoire (la locataire) un projet de « bail de location saisonnière » pour l'année 2016, stipulant une durée de sept mois à l'issue de laquelle le preneur devra quitter les lieux.
3. La locataire restée, sans interruption, en possession des lieux depuis la date d'effet de la première convention, a, le 26 mai 2016, assigné la bailleresse, revendiquant l'existence d'un bail commercial et l'application du statut des baux commerciaux.
4. A titre reconventionnel, la bailleresse a sollicité son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, d'ordonner son expulsion et de fixer une indemnité d'occupation, alors « que le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la conclusion du dernier contrat, conclu entre les parties, dont la requalification est demandée ; qu'en jugeant que le délai de prescription de l'action en requalification formée par la société La Mangeoire avait commencé à courir à la date à laquelle les parties avaient conclu leur premier contrat de bail, soit le 9 novembre 2009, et non à la date à laquelle avait été conclue la dernière convention en vertu de laquelle le local était mis à disposition du preneur, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L.145-60 du code de commerce :
6. Selon ce texte, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
7. Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
8. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de requalification de la convention en bail commercial, l'arrêt énonce, d'abord, que le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion de la convention initiale, y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenants successifs et qu'une telle solution s'impose également en cas de renouvellement par conclusion d'un nouveau contrat similaire.
9. Relevant, ensuite, que depuis la signature de la première convention en 2009, la relation contractuelle a été renouvelée dans les mêmes conditions, entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, la locataire n'ayant jamais quitté les lieux ni rendu les clefs à l'expiration de chaque période renouvelée pour la même période, il en déduit que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter du 9 novembre 2009, date de conclusion du premier contrat entre les parties.
10. En statuant ainsi, alors que la locataire demandait la requalification du dernier contrat conclu entre les parties, en sorte que le point de départ de la prescription de son action courait à compter du 1er novembre 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la commune de [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de [Localité 1] et la condamne à payer 3 000 euros à la société La Mangeoire.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.