Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mai 2023, 21-23.247, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mai 2023, 21-23.247, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-23.247
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00553
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 17 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 30 juin 2021- Président
- Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 553 F-D
Pourvoi n° C 21-23.247
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023
M. [U] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-23.247 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Hitachi Astemo France, anciennement dénommée Foundation Brakes France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La défenderesse a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hitachi Astemo France, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2021), M. [I] a été engagé à compter du 3 janvier 2012 par la société Robert Bosch France, devenue la société Foundation Brakes France (la société) désormais dénommée la société Hitachi Astemo France, en qualité de responsable de département et occupant en dernier lieu les fonctions de directeur ingénierie.
2. Le 5 août 2015, il a reçu un avertissement avec mise à pied disciplinaire de cinq jours.
3. Par lettre du 9 novembre 2015, il a été licencié pour faute en raison notamment de manquements à la politique de remboursement des frais de déplacement.
4. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi incident qui est irrecevable et sur l'autre moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre du bonus 2015 et des congés payés afférents, alors :
« 1°/ que la société faisait valoir et offrait de prouver que les règles régissant le bonus 2015 subordonnaient son paiement à la présence du salarié dans l'entreprise lors de son versement, soit au mois d'avril 2016, ainsi que cela résultait de l'article 7.2 du bonus plan 2015 qu'elle versait aux débats ; qu'en se bornant à constater que le contrat de travail de M. [I] prévoyait le versement d'un bonus et que le salarié en avait perçu un régulièrement au cours des années précédentes pour faire droit à sa demande, sans rechercher comme elle y était invitée si l'absence du salarié à la date de son versement n'excluait pas qu'il puisse y prétendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°/ que les primes allouées globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, leur montant n'étant par hypothèse pas affecté par le départ du salarié en congé ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir que le bonus annuel était alloué globalement pour l'année, période travaillée et congés payés compris ; qu'en accordant la somme 2 100 euros à titre de congés payés afférents au rappel de bonus, sans rechercher comme elle y était invitée si le bonus n'était pas alloué globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues de sorte que son inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer, même pour partie, une seconde fois par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a relevé que la prime litigieuse constituait la partie variable de la rémunération du salarié versée en contrepartie de sa performance individuelle, ce dont il résultait, d'une part, qu'elle s'acquérait au fur et à mesure et que son versement au mois d'avril de l'année N+1 ne constituait qu'une simple modalité de paiement qui ne pouvait priver le salarié de celle-ci, dès lors que la prestation de travail correspondante avait bien été exécutée avant la rupture, d'autre part, qu'étant assise sur les résultats produits par le travail personnel du salarié, ceux-ci étaient nécessairement affectés pendant la période de congés, en a exactement déduit que le salarié était fondé à demander le versement du bonus pour l'année 2015 et que cet élément de rémunération devait être inclus dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger que son licenciement ne reposait sur aucune cause réelle ni sérieuse, et à condamner la société à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'ayant constaté que M. [I] se prévalait de la prescription des faits invoqués à l'appui de son licenciement pour faute, la cour d'appel, qui a retenu que cette prescription n'aurait pas été acquise, au motif que le salarié ne démontrait pas que le traitement complet de ses notes de frais avait été réalisé dès le 13 août et non à partir du 3 septembre 2015, donc que la société Foundation Brakes France avait connaissance de tous les éléments concernant ces notes de frais litigieuses avant cette date, a fait peser sur le salarié la charge de la preuve de ce que l'employeur aurait eu connaissance des faits fautifs fondant le licenciement avant les deux mois requis, alors que c'est sur l'employeur que pesait la charge de la preuve contraire, et a donc violé les articles L. 1332-4 du code du travail et l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1332-4 du code du travail et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
10. Aux termes du premier de ces textes, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
11. Selon le second, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié ne démontre pas que le traitement complet de ses notes de frais a été réalisé dès le 13 août et non à partir du 3 septembre 2015 comme le soutient la société, date indiquée dans la lettre de licenciement.
13. En statuant ainsi, alors que, lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre de « rappel de salaire mise à pied » du 17 août au 21 août 2015 et congés payés afférents, alors « que la cour d'appel statue sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel des parties ; que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [I] demandait à la cour d'appel de ''condamner la société à régler les sommes suivantes au profit de M. [I] : [?] - 1 773,90 euros bruts à titre de rappel de salaire mise à pied du 17/08 au 21/08/2015, - 177,39 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire'' ; qu'en rejetant cette demande de condamnation à paiement, au motif qu'elle n'était pas saisie d'une demande d'annulation de la mise à pied figurant dans le dispositif des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 954 du code de procédure civile :
15. Selon ce texte, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
16. Pour débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied du 17 août au 21 août 2015 et d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire, l'arrêt retient que le salarié se fonde sur l'impossibilité de sanctionner deux fois pour des mêmes faits un salarié, en indiquant qu'il a fait l'objet pour les mêmes faits d'un avertissement et d'une mise à pied. Il ajoute que cependant cette demande ne figurant pas dans le dispositif des conclusions, la cour n'est pas saisie de cette demande.
17. En statuant ainsi, alors que le salarié, dans le dispositif de ses conclusions, présentait une demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied du 17 août au 21 août 2015 outre les congés payés afférents, ce dont il résultait que la cour d'appel était saisie de cette demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et du repos obligatoire, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en retenant que M. [I] ne démontrait pas que la durée maximale de travail journalier était dépassée et qu'il avait été privé du temps de repos hebdomadaire, pour rejeter ses demandes d'indemnisation de ce chef ainsi que pour le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié et donc inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 3121-34, L. 3121-35, L. 3131-1 et L. 3132-1 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
19. Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
20. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
21. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et du repos obligatoire, l'arrêt retient que le salarié ne démontre pas que la durée maximale de travail journalier est dépassée et qu'il a été privé du temps de repos hebdomadaire.
22. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident formé par la société Hitachi Astemo France ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] de ses demandes tendant à juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse et en condamnation de la société Foundation Brakes France désormais dénommée la société Hitachi Astemo France à lui payer les sommes de 193 320 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 773,90 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 17 au 21 août 2015 outre 177,39 euros au titre des congés payés afférents et 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et du repos obligatoire, l'arrêt rendu le 30 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Hitachi Astemo France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hitachi Astemo France et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00553
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 553 F-D
Pourvoi n° C 21-23.247
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023
M. [U] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-23.247 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Hitachi Astemo France, anciennement dénommée Foundation Brakes France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La défenderesse a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hitachi Astemo France, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2021), M. [I] a été engagé à compter du 3 janvier 2012 par la société Robert Bosch France, devenue la société Foundation Brakes France (la société) désormais dénommée la société Hitachi Astemo France, en qualité de responsable de département et occupant en dernier lieu les fonctions de directeur ingénierie.
2. Le 5 août 2015, il a reçu un avertissement avec mise à pied disciplinaire de cinq jours.
3. Par lettre du 9 novembre 2015, il a été licencié pour faute en raison notamment de manquements à la politique de remboursement des frais de déplacement.
4. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi incident qui est irrecevable et sur l'autre moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre du bonus 2015 et des congés payés afférents, alors :
« 1°/ que la société faisait valoir et offrait de prouver que les règles régissant le bonus 2015 subordonnaient son paiement à la présence du salarié dans l'entreprise lors de son versement, soit au mois d'avril 2016, ainsi que cela résultait de l'article 7.2 du bonus plan 2015 qu'elle versait aux débats ; qu'en se bornant à constater que le contrat de travail de M. [I] prévoyait le versement d'un bonus et que le salarié en avait perçu un régulièrement au cours des années précédentes pour faire droit à sa demande, sans rechercher comme elle y était invitée si l'absence du salarié à la date de son versement n'excluait pas qu'il puisse y prétendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°/ que les primes allouées globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, leur montant n'étant par hypothèse pas affecté par le départ du salarié en congé ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir que le bonus annuel était alloué globalement pour l'année, période travaillée et congés payés compris ; qu'en accordant la somme 2 100 euros à titre de congés payés afférents au rappel de bonus, sans rechercher comme elle y était invitée si le bonus n'était pas alloué globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues de sorte que son inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer, même pour partie, une seconde fois par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a relevé que la prime litigieuse constituait la partie variable de la rémunération du salarié versée en contrepartie de sa performance individuelle, ce dont il résultait, d'une part, qu'elle s'acquérait au fur et à mesure et que son versement au mois d'avril de l'année N+1 ne constituait qu'une simple modalité de paiement qui ne pouvait priver le salarié de celle-ci, dès lors que la prestation de travail correspondante avait bien été exécutée avant la rupture, d'autre part, qu'étant assise sur les résultats produits par le travail personnel du salarié, ceux-ci étaient nécessairement affectés pendant la période de congés, en a exactement déduit que le salarié était fondé à demander le versement du bonus pour l'année 2015 et que cet élément de rémunération devait être inclus dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger que son licenciement ne reposait sur aucune cause réelle ni sérieuse, et à condamner la société à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'ayant constaté que M. [I] se prévalait de la prescription des faits invoqués à l'appui de son licenciement pour faute, la cour d'appel, qui a retenu que cette prescription n'aurait pas été acquise, au motif que le salarié ne démontrait pas que le traitement complet de ses notes de frais avait été réalisé dès le 13 août et non à partir du 3 septembre 2015, donc que la société Foundation Brakes France avait connaissance de tous les éléments concernant ces notes de frais litigieuses avant cette date, a fait peser sur le salarié la charge de la preuve de ce que l'employeur aurait eu connaissance des faits fautifs fondant le licenciement avant les deux mois requis, alors que c'est sur l'employeur que pesait la charge de la preuve contraire, et a donc violé les articles L. 1332-4 du code du travail et l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1332-4 du code du travail et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
10. Aux termes du premier de ces textes, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
11. Selon le second, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié ne démontre pas que le traitement complet de ses notes de frais a été réalisé dès le 13 août et non à partir du 3 septembre 2015 comme le soutient la société, date indiquée dans la lettre de licenciement.
13. En statuant ainsi, alors que, lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre de « rappel de salaire mise à pied » du 17 août au 21 août 2015 et congés payés afférents, alors « que la cour d'appel statue sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel des parties ; que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [I] demandait à la cour d'appel de ''condamner la société à régler les sommes suivantes au profit de M. [I] : [?] - 1 773,90 euros bruts à titre de rappel de salaire mise à pied du 17/08 au 21/08/2015, - 177,39 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire'' ; qu'en rejetant cette demande de condamnation à paiement, au motif qu'elle n'était pas saisie d'une demande d'annulation de la mise à pied figurant dans le dispositif des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 954 du code de procédure civile :
15. Selon ce texte, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
16. Pour débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied du 17 août au 21 août 2015 et d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire, l'arrêt retient que le salarié se fonde sur l'impossibilité de sanctionner deux fois pour des mêmes faits un salarié, en indiquant qu'il a fait l'objet pour les mêmes faits d'un avertissement et d'une mise à pied. Il ajoute que cependant cette demande ne figurant pas dans le dispositif des conclusions, la cour n'est pas saisie de cette demande.
17. En statuant ainsi, alors que le salarié, dans le dispositif de ses conclusions, présentait une demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied du 17 août au 21 août 2015 outre les congés payés afférents, ce dont il résultait que la cour d'appel était saisie de cette demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et du repos obligatoire, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en retenant que M. [I] ne démontrait pas que la durée maximale de travail journalier était dépassée et qu'il avait été privé du temps de repos hebdomadaire, pour rejeter ses demandes d'indemnisation de ce chef ainsi que pour le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié et donc inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 3121-34, L. 3121-35, L. 3131-1 et L. 3132-1 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
19. Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
20. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
21. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et du repos obligatoire, l'arrêt retient que le salarié ne démontre pas que la durée maximale de travail journalier est dépassée et qu'il a été privé du temps de repos hebdomadaire.
22. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident formé par la société Hitachi Astemo France ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] de ses demandes tendant à juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse et en condamnation de la société Foundation Brakes France désormais dénommée la société Hitachi Astemo France à lui payer les sommes de 193 320 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 773,90 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 17 au 21 août 2015 outre 177,39 euros au titre des congés payés afférents et 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et du repos obligatoire, l'arrêt rendu le 30 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Hitachi Astemo France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hitachi Astemo France et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.