Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 mai 2023, 21-21.027, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 340 F-D

Pourvoi n° Q 21-21.027




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MAI 2023

Mme [S] [N], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 21-21.027 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société la Baume, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à M. [M] [K], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [G] [K], domicilié [Adresse 1],

4°/ à Mme [T] [K], domiciliée [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [N], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société la Baume, de M. [G] [K] et de Mme [T] [K], après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 juin 2021), par une ordonnance du 19 mars 2014, Mme [N] et M. [M] [K] ont été autorisés à se retirer de la société civile immobilière La Baume (la SCI), ayant comme autres associés MM. [G] [K] et Mme [T] [K].

2. Par une ordonnance du 24 septembre 2014, un président de tribunal de grande instance a, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, ordonné une expertise afin d'évaluer la valeur des droits sociaux de Mme [N] et de M. [M] [K]. L'experte a déposé son rapport le 2 novembre 2015.

3. Face au refus de la SCI de procéder au rachat de ses parts sociales, Mme [N] et M. [K] l'ont assignée en « homologation » du rapport d'expertise, en fixation de la valeur de ces parts et en paiement.

4. M. [G] [K] et Mme [T] [K] sont intervenus volontairement
à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et, confirmant le jugement, de dire que le rapport d'expertise présente une erreur grossière, de rejeter ses demandes tendant à ce que le tribunal adopte les conclusions de ce rapport, à voir fixer la valeur des ses parts à une certaine somme et à voir condamner la SCI à lui verser cette somme, alors « que dès lors qu'en cas de contestation entre associés, seul l'expert judiciaire désigné selon les prévisions de l'article 1843-4 du code civil peut déterminer la valeur des droits sociaux, le juge, qui retient que le rapport expertal est incomplet, ce qui ne caractérise nullement une erreur grossière de nature à l'écarter, doit inviter le technicien à le compléter, le préciser ou l'expliquer, soit par écrit, soit à l'audience ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a induit l'existence d'une erreur grossière entachant le rapport établi par l'experte judiciaire désignée en vertu de l'article 1843-4 du code civil afin de déterminer la valeur des droits sociaux de Mme [N] dans la SCI, de ce que l'experte n'avait estimé la valeur du bien appartenant à la SCI (et donc la valeur des parts sociales des associés) que dans l'hypothèse où un lotissement serait construit sur le terrain lui appartenant et "qu'elle aurait dû, pour l'éclairer complètement, lui fournir une estimation des actifs de la SCI dans l'hypothèse où le lotissement n'était pas construit" ; qu'en déboutant en l'état Mme [N] de ses demandes, quand il lui appartenait, dès lors qu'elle estimait que le rapport de l'experte, désignée légalement, était insuffisamment précis pour lui permettre de statuer, de l'inviter à le compléter, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé une erreur grossière, a violé les articles 1843-4 du code civil et 245 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'à défaut d'erreur grossière, il n'appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de l'estimation de l'expert désigné conformément à l'article 1843-4 du code civil. Il retient, par motifs adoptés, que la SCI est bien fondée à soutenir que le rapport d'expertise comporte une erreur grossière, résultant du choix fait par l'experte de restreindre son évaluation à l'hypothèse de la construction d'un lotissement sur le terrain appartenant à celle-ci, après avoir pourtant constaté que plusieurs réserves sérieuses pesaient sur la mise en valeur du bien lui appartenant. Il ajoute, par motifs propres, que toutes les réserves émises par l'experte dans son rapport montrent que l'élaboration même d'un projet de construction d'un lotissement est conditionnée à une recherche préalable de faisabilité, quand bien même le terrain serait situé en zone constructible, de sorte que l'experte aurait dû, pour éclairer complètement le tribunal, fournir une estimation des actifs de la société dans l'hypothèse où le lotissement ne serait pas construit, et qu'ainsi, l'erreur grossière caractérisée par le tribunal affecte non pas le fond des conclusions de l'experte, mais le point de vue unilatéral qu'elle a adopté malgré l'existence d'éléments concrets commandant de chiffrer la situation alternative de non-construction du lotissement.

7. La cour d'appel, qui n'a pas considéré que le rapport d'expertise était incomplet mais qu'il était entaché d'une erreur grossière, a exactement déduit de ces énonciations et appréciations que les demandes de Mme [N] tendant à l'adoption des conclusions de ce rapport, à la fixation du montant de ses parts sociales à la valeur retenue par l'experte et à la condamnation de la SCI à lui payer ce montant devaient être rejetées.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [N] et la condamne à payer à la société La Baume, à M. [G] [K] et à Mme [T] [K] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CO00340
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