Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2023, 21-18.117, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 507 FS-B

Pourvoi n° B 21-18.117




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2023

La société Le We club, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-18.117 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à M. [M] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Le We club, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2021), M. [L] a été engagé en qualité d'employé polyvalent le 7 juillet 2016 par la société Le We club.

2. A l'issue de deux entretiens des 17 et 24 mars 2017, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail, avec une date d'effet prévisible au 20 avril 2017. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a accusé réception de la demande d'homologation le 13 avril 2017.

3. Estimant avoir fait l'objet antérieurement d'un licenciement verbal, le salarié a saisi, le 20 juin 2018, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les premier et deuxième moyens réunis

Enoncé des moyens

5. Par son premier moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement qui, ayant estimé que l'action du salarié en requalification de la rupture conventionnelle était irrecevable, le déboute de ses demandes résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que le salarié a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017, constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail, et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail, et d'indemnité pour licenciement vexatoire, alors « que chaque fois que le différend dont le juge est saisi vise à remettre en cause la convention de rupture conventionnelle, le délai fixé par l'article L. 1237-14 du code du travail est applicable ; qu'en conséquence, le salarié qui a conclu une rupture conventionnelle ne peut plus contester ni la validité ni les effets de celle-ci au-delà du délai d'un an de l'article L. 1237-14 du code du travail, notamment en invoquant un prétendu licenciement verbal qui serait intervenu antérieurement à la signature de la convention de rupture ; qu'en l'espèce, il était constant que le salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle signée le 24 mars 2017 qui avait ensuite été homologuée par la DIRECCTE le 30 avril 2017 ; qu'en jugeant que le salarié, qui avait saisi le conseil de prud'hommes le 20 juin 2018, soit plus d'un an après l'homologation de la rupture conventionnelle, pouvait remettre en cause les effets de celle-ci en se prévalant d'un licenciement verbal antérieur, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-14 du code du travail ».

6. Par son deuxième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017, constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et d'indemnité pour licenciement vexatoire, alors « que lorsque le contrat de travail a été rompu unilatéralement par l'une ou l'autre des parties, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ; que le salarié qui accepte de conclure une rupture conventionnelle renonce donc par là même à se prévaloir d'un licenciement verbal qui serait intervenu antérieurement ; qu'en l'espèce, il était constant que le salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle signée le 24 mars 2017, qui avait ensuite été homologuée par la DIRECCTE le 30 avril 2017 ; qu'il ne pouvait donc plus se prévaloir d'un licenciement verbal qui serait intervenu le 18 mars précédent ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susvisé et les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ».

Réponse de la Cour

Recevabilité du deuxième moyen

7. Le salarié conteste la recevabilité du moyen qui serait contraire à l'argumentation présentée devant les juges du fond par l'employeur, qui n'a pas soutenu que la rupture conventionnelle, signée le 24 mars 2017, valait renonciation commune des parties à la rupture précédemment intervenue.

8. Cependant, l'employeur a relevé la volonté du salarié de rompre le contrat de travail par la convention de rupture et soutenu que celle-ci n'avait pas été dénoncée.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé des moyens

Vu l'article L. 1471-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et les articles L. 1237-11 et L. 1237-14, alinéa 4, du code du travail :

10. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, mais ne fait pas obstacle aux délais de prescription plus courts, notamment celui prévu à l'article L. 1237-14.

11. Aux termes du deuxième, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

12. Selon le troisième, tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif et ce recours doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.

13. Il s'ensuit que lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.

14. Pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, l'arrêt retient que la prescription abrégée d'un an prévue par l'article L. 1237-14 du code du travail ne porte que sur la contestation d'une rupture conventionnelle et ne s'applique pas à l'action en reconnaissance d'un licenciement verbal soumise à un délai de deux ans et en l'espèce non prescrite, que le salarié établit l'existence d'un licenciement verbal et que la rupture conventionnelle intervenue postérieurement est sans objet, le contrat étant d'ores et déjà rompu.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les parties avaient conclu le 24 mars 2017 une convention de rupture qui n'avait pas été remise en cause, ce dont il résultait qu'en signant une rupture conventionnelle, les parties avaient d'un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié et que le délai de prescription prévu à l'article L. 1237-14 du code du travail était applicable aux demandes relatives à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation
prononcée sur les premier et deuxième moyens réunis entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

17. La cassation prononcée n'emporte pas, par ailleurs, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [L] a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017 constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail, en ce qu'il condamne la société Le We club à payer à l'intéressé les sommes de 1 238,25 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 123,82 euros au titre des congés payés afférents, de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et de 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement vexatoire, et en ce qu'il condamne la société Le We club à remettre à M. [L] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:SO00507
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