Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 avril 2023, 22-12.937, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 294 FS-D

Pourvoi n° S 22-12.937




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023

Mme [S] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-12.937 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [J] [W], veuve [P], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Mme [V] [P], domiciliée [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [L], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes [J] et [V] [P], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, Mme Andrich, conseiller faisant fonction de doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 janvier 2022) et les productions, le 19 mai 1987, la société civile immobilière [Adresse 1] a donné à bail un local à usage commercial à M. [H], aux droits duquel sont venus [T] [P] et Mme [J] [P], son épouse (les locataires).

2. Ayant acquis l'immeuble loué, le 28 décembre 2010, Mme [L] (la bailleresse) a signifié aux locataires, le 28 décembre 2012, un congé avec offre de renouvellement, à effet du 31 juillet 2013, moyennant un nouveau loyer que ceux-ci n'ont pas accepté.

3. La bailleresse a notifié aux locataires, le 2 décembre 2014, un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé, puis, le 13 octobre 2015, une dénégation du droit au statut des baux commerciaux pour défaut d'immatriculation, de Mme [J] [P], au registre du commerce et des sociétés.

4. Le 14 janvier 2016, la bailleresse a assigné les locataires en dénégation de leur droit à renouvellement, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.

5. Saisi le 31 mars 2016, le juge des loyers commerciaux a, le 1er février 2017, sursis à statuer sur la fixation du prix du loyer renouvelé.

6. Mme [V] [P], héritière d'[T] [P], décédé le 11 mars 2020, est intervenue à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable, alors : « que l'immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés constitue l'une des conditions du droit au statut des baux commerciaux ; que le bailleur peut invoquer à tout moment le défaut d'immatriculation, et jusqu'à ce que soit devenue définitive une décision sur la fixation de l'indemnité d'éviction, pour dénier au preneur le droit au renouvellement ; qu'en retenant, pour dire irrecevable comme prescrite l'action de Mme [L] en dénégation du droit au statut des baux commerciaux, que les actions exercées sur le fondement de l'article L 145-60 du code de commerce se prescrivent par deux ans, et que Mme [L] ayant acheté l'immeuble le 28 décembre 2010, l'acte de dénégation notifié le 13 octobre 2015 était donc intervenu après l'expiration du délai de deux ans, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-1 et L. 145-60 du code commerce :

8. Il résulte de ces textes que le défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, s'appréciant à la date d'effet du congé ou de la demande en renouvellement, qui conditionne le droit du preneur au renouvellement du bail, peut être invoqué par le bailleur, même s'il en était informé à la date du congé, pendant toute la durée de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ou en paiement d'une indemnité d'éviction.

9. Pour déclarer prescrite l'action de la bailleresse en dénégation du droit des preneurs au statut des baux commerciaux, l'arrêt retient, d'une part, que le délai de prescription a commencé à courir à la date à laquelle la bailleresse a acquis les locaux, d'autre part, que la bailleresse n'est pas fondée à soutenir que l'action est possible tant qu'une décision définitive n'a pas été rendue sur la fixation de l'indemnité d'éviction ou du loyer du bail renouvelé.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action de Mme [L], l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mmes [J] et [V] [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300294
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