Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2023, 21-19.742, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 367 FS-B

Pourvoi n° T 21-19.742

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 mai 2021.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023

Mme [M] [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-19.742 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société des Bowlings Ouest de [Localité 3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société des Bowlings Ouest de [Localité 3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [F], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société des Bowlings Ouest de [Localité 3], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er mars 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), Mme [F] a été engagée en qualité d'hôtesse, caissière, barmaid, à temps partiel, le 3 septembre 2011, par la société des Bowlings Ouest de [Localité 3].

2. Le 25 avril 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail, d'une demande de résiliation judiciaire et de demandes en paiement de sommes en conséquence.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de la salariée et le moyen du pourvoi incident de l'employeur

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi incident, qui est irrecevable, et les premier et deuxième moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi, de sa demande en résiliation judiciaire et de ses demandes de condamnation subséquentes, alors « que c'est à l'employeur de justifier les raisons pour lesquelles il n'a pas pu accéder à la demande du salarié de bénéficier de l'attribution d'un emploi de sa catégorie professionnelle ou équivalente d'une durée au moins égale à la durée minimale légale de travail ou à la durée minimale conventionnelle ou un emploi à temps plein ; que lorsque le bien-fondé d'une demande du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, le juge ne peut exiger du seul salarié qu'il produise ces éléments ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme [F] de sa demande de dommages intérêts pour non-respect de la priorité d'embauche à temps plein au motif que la salariée ne justifiait pas qu'il y avait des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle à pourvoir, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la salariée, violant l'article L. 3123-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3123-3 du même code et l'article 1315 devenu 1353 du code civil :

5. Selon les deux premiers de ces textes, les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d'une durée au moins égale à celle mentionnée à l'article L. 3123-14-1, devenu L. 3123-7, alinéa 1, ou un emploi à temps complet dans le même établissement, ou à défaut, dans la même entreprise, ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent. L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

6. Il en résulte qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant, soit qu'il a porté à la connaissance du salarié la liste des postes disponibles ressortissant de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

7. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d'emploi, l'arrêt retient qu'elle ne justifie pas qu'il y avait des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle à pourvoir, l'employeur contestant avoir recruté des salariés à temps complet dans sa catégorie professionnelle pendant la période litigieuse.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée sur le troisième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes subséquentes, la salariée n'ayant pas invoqué à l'appui de ces demandes le non-respect par l'employeur de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du non-respect de la priorité d'attribution d'un emploi à temps complet.

10. La cassation sur le troisième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [F] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du non-respect de la priorité d'attribution d'un emploi à temps complet, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société des Bowlings Ouest de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société des Bowlings Ouest de [Localité 3] à payer la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:SO00367
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