Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2023, 22-21.863, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2023, 22-21.863, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 22-21.863
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100305
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 05 avril 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 03 juin 2021- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 avril 2023
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 305 FS-B
Pourvoi n° U 22-21.863
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 AVRIL 2023
M. [W] [E], domicilié clos du Littoral, [Adresse 3] (Maurice), a formé le pourvoi n° U 22-21.863 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (chambre de la famille), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Amiens, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
2°/ à Mme [I] [X] [P], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E], de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois et M. Fulchiron, conseillers, MM. Duval et Buat-Ménard, Mmes Azar et Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 juin 2021), de l'union de M. [E] et de Mme [P], sont nés trois enfants, [D], le 8 avril 2010, [S], le 22 avril 2012, et [T], le 4 mai 2014.
2. La famille s'est installée à l'Ile Maurice en décembre 2014.
3. A l'issue des fêtes de fin d'année 2019, Mme [P], partie avec les enfants en France, s'est opposée à leur retour à l'Ile Maurice.
4. Le 15 janvier 2020, M. [E] a saisi l'autorité centrale de l'Ile Maurice en vue d'obtenir le retour immédiat des enfants, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
5. Le 10 juillet 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens a saisi, à cette fin, le juge aux affaires familiales. M. [E] est intervenu volontairement à l'instance.
6. Par ordonnance de référé du 10 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a constaté que le non-retour des enfants à l'Ile Maurice était illicite et rejeté la demande de retour, au motif qu'il existait un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.
7. Le ministère public a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire irrecevable la déclaration d'appel formalisée le 7 août 2020 par le ministère public et, par voie de conséquence, de ne pas examiner son appel incident, alors « que si l'article 930-1 du code de procédure civile impose, à peine d'irrecevabilité, de transmettre sa déclaration d'appel par voie électronique, constitue une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge le fait déclarer irrecevable, en matière de déplacement illicite d'enfants, un appel formé par le ministère public sur papier et dont la transmission par voie électronique a échoué, privant par là même l'un des parents des enfants de son appel incident, dès lors que la volonté manifeste de former appel du parquet ressortait nettement des constatations de l'arrêt ; qu'en retenant, pour déclarer la déclaration d'appel irrecevable et priver M. [E] du réexamen de l'affaire, que le ministère public avait formalisé cette déclaration d'appel sur papier mais n'a pu être transmise par voie électronique à cause d'une "erreur du ministère public sur le type d'adresse mel accepté par le RPVA" (arrêt, p. 6, § 2), quand il ressortait nettement de ses constatations que le ministère public entendait relever appel de l'ordonnance du 31 juillet 2020 ayant notamment rejeté la demande de retour de [D], [S] et [T] à l'Ile Maurice auprès de leur père, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Mme [P] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient, d'une part, que, n'ayant pas relevé appel principal de l'ordonnance de référé, M. [E] est sans intérêt à contester l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du ministère public, d'autre part, que, M. [E] n'ayant pas défendu à l'incident de procédure soulevé par elle tendant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du ministère public, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, d'une part, M. [E] a un intérêt à contester l'irrecevabilité de l'appel principal du ministère public, dès lors que celle-ci a eu pour conséquence que son appel incident n'a pas été examiné.
11. D'autre part, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
12. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et l'article 1210-4 du code de procédure civile :
13. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
14. En application des deuxièmes, les autorités centrales instituées par la Convention doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs Etats respectifs, pour assurer le retour immédiat des enfants. En particulier, elles doivent prendre toutes les mesures appropriées pour introduire ou favoriser l'ouverture d'une procédure judiciaire ou administrative, afin d'obtenir le retour immédiat de l'enfant.
15. Selon le troisième, l'autorité centrale désignée dans le cadre des instruments internationaux et européens relatifs au déplacement illicite international d'enfants transmet au procureur de la République près le tribunal judiciaire territorialement compétent la demande de retour dont elle est saisie. Lorsque la demande concerne un enfant déplacé ou retenu en France, le procureur de la République peut, notamment, saisir le juge compétent pour qu'il ordonne les mesures provisoires prévues par la loi ou introduire une procédure judiciaire afin d'obtenir le retour de l'enfant.
16. Le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même
17. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Henrioud c. France du 5 novembre 2015 (n° 21444/11), a retenu qu'au vu des conséquences entraînées par l'irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l'irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye, le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge. En effet, le requérant n'avait pu voir examiner par la Cour de cassation l'argument principal soulevé, à savoir qu'il n'existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l'article 13, a), de la Convention de La Haye, alors que la procédure de retour d'enfants est susceptible d'avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.
18. Pour déclarer irrecevable l'appel du ministère public formé contre l'ordonnance de référé du 31 juillet 2020, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il résulte des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, que la communication électronique avec le greffe s'impose au ministère public lorsqu'il est partie principale, celui-ci n'étant autorisé à établir la déclaration d'appel sur support papier qu'en cas d'impossibilité de la transmettre par voie électronique pour une cause étrangère, retient que tel n'est pas le cas en l'espèce, la déclaration d'appel n'ayant été formalisée le 7 août 2020 que sur support papier, sa transmission le même jour au greffe par voie électronique ayant échoué en raison d'une « erreur du ministère public sur le type d'adresse accepté par le réseau privé virtuel des avocats ».
19. En statuant ainsi, en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par M. [E] sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par M. [E] en qualité d'appelant incident, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et a, partant, violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C100305
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 avril 2023
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 305 FS-B
Pourvoi n° U 22-21.863
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 AVRIL 2023
M. [W] [E], domicilié clos du Littoral, [Adresse 3] (Maurice), a formé le pourvoi n° U 22-21.863 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (chambre de la famille), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Amiens, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
2°/ à Mme [I] [X] [P], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E], de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois et M. Fulchiron, conseillers, MM. Duval et Buat-Ménard, Mmes Azar et Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 juin 2021), de l'union de M. [E] et de Mme [P], sont nés trois enfants, [D], le 8 avril 2010, [S], le 22 avril 2012, et [T], le 4 mai 2014.
2. La famille s'est installée à l'Ile Maurice en décembre 2014.
3. A l'issue des fêtes de fin d'année 2019, Mme [P], partie avec les enfants en France, s'est opposée à leur retour à l'Ile Maurice.
4. Le 15 janvier 2020, M. [E] a saisi l'autorité centrale de l'Ile Maurice en vue d'obtenir le retour immédiat des enfants, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
5. Le 10 juillet 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens a saisi, à cette fin, le juge aux affaires familiales. M. [E] est intervenu volontairement à l'instance.
6. Par ordonnance de référé du 10 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a constaté que le non-retour des enfants à l'Ile Maurice était illicite et rejeté la demande de retour, au motif qu'il existait un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.
7. Le ministère public a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire irrecevable la déclaration d'appel formalisée le 7 août 2020 par le ministère public et, par voie de conséquence, de ne pas examiner son appel incident, alors « que si l'article 930-1 du code de procédure civile impose, à peine d'irrecevabilité, de transmettre sa déclaration d'appel par voie électronique, constitue une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge le fait déclarer irrecevable, en matière de déplacement illicite d'enfants, un appel formé par le ministère public sur papier et dont la transmission par voie électronique a échoué, privant par là même l'un des parents des enfants de son appel incident, dès lors que la volonté manifeste de former appel du parquet ressortait nettement des constatations de l'arrêt ; qu'en retenant, pour déclarer la déclaration d'appel irrecevable et priver M. [E] du réexamen de l'affaire, que le ministère public avait formalisé cette déclaration d'appel sur papier mais n'a pu être transmise par voie électronique à cause d'une "erreur du ministère public sur le type d'adresse mel accepté par le RPVA" (arrêt, p. 6, § 2), quand il ressortait nettement de ses constatations que le ministère public entendait relever appel de l'ordonnance du 31 juillet 2020 ayant notamment rejeté la demande de retour de [D], [S] et [T] à l'Ile Maurice auprès de leur père, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Mme [P] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient, d'une part, que, n'ayant pas relevé appel principal de l'ordonnance de référé, M. [E] est sans intérêt à contester l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du ministère public, d'autre part, que, M. [E] n'ayant pas défendu à l'incident de procédure soulevé par elle tendant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du ministère public, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, d'une part, M. [E] a un intérêt à contester l'irrecevabilité de l'appel principal du ministère public, dès lors que celle-ci a eu pour conséquence que son appel incident n'a pas été examiné.
11. D'autre part, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
12. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et l'article 1210-4 du code de procédure civile :
13. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
14. En application des deuxièmes, les autorités centrales instituées par la Convention doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs Etats respectifs, pour assurer le retour immédiat des enfants. En particulier, elles doivent prendre toutes les mesures appropriées pour introduire ou favoriser l'ouverture d'une procédure judiciaire ou administrative, afin d'obtenir le retour immédiat de l'enfant.
15. Selon le troisième, l'autorité centrale désignée dans le cadre des instruments internationaux et européens relatifs au déplacement illicite international d'enfants transmet au procureur de la République près le tribunal judiciaire territorialement compétent la demande de retour dont elle est saisie. Lorsque la demande concerne un enfant déplacé ou retenu en France, le procureur de la République peut, notamment, saisir le juge compétent pour qu'il ordonne les mesures provisoires prévues par la loi ou introduire une procédure judiciaire afin d'obtenir le retour de l'enfant.
16. Le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même
17. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Henrioud c. France du 5 novembre 2015 (n° 21444/11), a retenu qu'au vu des conséquences entraînées par l'irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l'irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye, le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge. En effet, le requérant n'avait pu voir examiner par la Cour de cassation l'argument principal soulevé, à savoir qu'il n'existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l'article 13, a), de la Convention de La Haye, alors que la procédure de retour d'enfants est susceptible d'avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.
18. Pour déclarer irrecevable l'appel du ministère public formé contre l'ordonnance de référé du 31 juillet 2020, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il résulte des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, que la communication électronique avec le greffe s'impose au ministère public lorsqu'il est partie principale, celui-ci n'étant autorisé à établir la déclaration d'appel sur support papier qu'en cas d'impossibilité de la transmettre par voie électronique pour une cause étrangère, retient que tel n'est pas le cas en l'espèce, la déclaration d'appel n'ayant été formalisée le 7 août 2020 que sur support papier, sa transmission le même jour au greffe par voie électronique ayant échoué en raison d'une « erreur du ministère public sur le type d'adresse accepté par le réseau privé virtuel des avocats ».
19. En statuant ainsi, en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par M. [E] sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par M. [E] en qualité d'appelant incident, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et a, partant, violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.