Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 mars 2023, 21-15.648, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 mars 2023, 21-15.648, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-15.648
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00261
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 22 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 26 février 2021- Président
- M. Sommer (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 mars 2023
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 261 F-D
Pourvoi n° T 21-15.648
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MARS 2023
M. [L] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-15.648 contre l'arrêt rendu le 26 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4, 3), dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société La Poste a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 février 2021), M. [T] a été engagé par la société La Poste, le 7 août 2007 et occupait en dernier lieu les fonctions de facteur colis.
2. Le 6 juillet 2015, il a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 16 juillet suivant puis, après la réunion de la commission mixte paritaire en date du 28 août 2015, son employeur lui a notifié, le même jour, une mise à pied à titre provisoire. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 7 septembre 2015.
3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement, prononcé pour faute grave, est bien fondé et de le débouter de toutes ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; qu'au terme de la convention commune La Poste – France Telecom, la mise à pied conservatoire, ou suspension d'activité, ne peut intervenir qu'avant qu'ait été convoquée et se soit réunie la commission de discipline intitulée commission consultative paritaire ; que toute mise à pied prononcée après respect de la procédure de réunion de cette commission s'analyse au terme de cette convention en une mise à pied sanction, c'est-à-dire en une mise à pied disciplinaire ; qu'en jugeant que ne présente aucun caractère disciplinaire la mise à pied prononcée après que la commission a été convoquée, après qu'elle s'est réunie et après qu'elle a donné son avis, la cour d'appel a violé l'article 75 de la convention commune La Poste - France Telecom. »
Réponse de la Cour
Vu le principe non bis in idem et l'article L. 1331-1 du code du travail :
6. En application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait.
7. Selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
8. Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt relève que, selon l'article l'article 74 de la convention commune La Poste - France Telecom, l'employeur engage une procédure disciplinaire par convocation du salarié à un entretien préalable, lui indiquant qu'il peut se faire assister, et, s'il estime maintenir la proposition de sanction, il saisit la commission consultative paritaire qui rend un avis motivé. Il ajoute que le délégataire de pouvoir peut ensuite prononcer une sanction.
9. Il retient ensuite que, si le salarié se prévaut d'un document PX10 qui est un mémento de l'entreprise, ce « mémento des règles de gestion RH » ne constitue en aucun cas une norme conventionnelle, réglementaire ou une annexe au règlement intérieur susceptible de créer des droits pour les salariés. Il ajoute que la mise à pied à titre conservatoire est une mesure facultative qui ne prive pas le salarié de sa rémunération, prise dans l'attente d'une sanction et qui n'est soumise à aucun formalisme.
10. Il retient encore qu'en l'espèce, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de son licenciement mais après convocation à entretien préalable, au jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il conclut qu'elle n'a donc pas été prononcée tardivement et ne revêtait aucun caractère disciplinaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la procédure disciplinaire avait été engagée le 6 juillet 2015 par la convocation du salarié à un entretien préalable fixé le 16 juillet 2015 et qu'il n'avait été mis à pied que le 28 août 2015, après la réunion de la commission consultative paritaire, sans que l'employeur n'invoquât la survenance de faits nouveaux postérieurs à l'engagement de la procédure disciplinaire de sorte que la mise à pied prononcée avait un caractère disciplinaire, la cour d'appel a violé le principe et le texte sus-visés.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 338,98 euros au salarié au titre des congés payés, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la somme de 338,98 euros allouée par les premiers juges l'avait été au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, elle-même fixée à 3.389,88 euros, ces condamnations ayant été prononcées au motif que le licenciement avait été considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ; que, pour confirmer la condamnation au paiement d'une somme de 338,98 euros au titre des congés payés, la cour d'appel, après avoir considéré que le licenciement reposait sur une faute grave, a retenu qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, le salarié licencié a droit à ses congés payés, même en cas de faute grave, et que c'était dès lors à bon droit que les premiers juges avaient alloué la somme de 338,98 euros à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 11 décembre 2017, méconnaissant l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
13. Pour confirmer la décision des premiers juges allouant au salarié la somme de 338,98 euros au titre des congés payés, l'arrêt relève que le salarié licencié pour faute grave sera nécessairement débouté de ses demandes au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
14. Il retient qu'en application de l'article L. 3141-26, alinéa 2, du code du travail, le salarié licencié a droit à ses congés payés, même en cas de faute grave de sorte que les premiers juges ont justement accordé au salarié la somme de 338,98 euros à ce titre.
15. En statuant ainsi, alors qu'il résulte du jugement de première instance que la somme allouée correspondait aux congés payés afférents à l'indemnité de préavis qui avait été accordée au salarié, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T], demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement prononcé pour faute grave par La Poste est bien-fondé et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QUE l'exercice des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental, ne saurait donner lieu à sanction par l'employeur ; qu'en jugeant fondé le licenciement pour faute grave de M. [T] après avoir constaté que ce licenciement était notamment motivé par la production devant la commission consultative paritaire d'attestations sollicitées par le salarié à l'appui de sa défense, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement prononcé pour faute grave par La Poste est bien-fondé et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
1° ALORS QU'en application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; que présente un caractère disciplinaire, interdisant que les faits sanctionnées le soient à nouveau par un licenciement, la mise à pied prononcée plus d'un mois et demi après que le salarié a été reçu en entretien préalable ; qu'en jugeant que ne présente aucun caractère disciplinaire la mise à pied prononcée dans ces conditions, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1332-3 du code du travail.
2° ALORS QU'en application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; qu'au terme de la convention commune La Poste – France Telecom la mise à pied conservatoire, ou suspension d'activité, ne peut intervenir qu'avant qu'ait été convoquée et se soit réunie la commission de discipline intitulée commission consultative paritaire (CPP) ; que toute mise à pied prononcée après respect de la procédure de réunion de cette commission s'analyse au terme de cette convention en une mise à pied sanction, c'est-à-dire en une mise à pied disciplinaire ; qu'en jugeant que ne présente aucun caractère disciplinaire la mise à pied prononcée après que la commission a été convoquée, après qu'elle s'est réunie et après qu'elle a donné son avis, la cour d'appel a violé l'article 75 de la convention commune La Poste - France Telecom. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société La Poste, demanderesse au pourvoi incident
La société LA POSTE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 338,98 € à Monsieur [T] au titre des congés payés ;
1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la somme de 338,98 € allouée par les premiers juges l'avait été au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, elle-même fixée à 3.389,88 €, ces condamnations ayant été prononcées au motif que le licenciement avait été considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ; que, pour confirmer la condamnation au paiement d'une somme de 338,98 € au titre des congés payés, la cour d'appel, après avoir considéré que le licenciement reposait sur une faute grave, a retenu qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, le salarié licencié a droit à ses congés payés, même en cas de faute grave, et que c'était dès lors à bon droit que les premier juges avaient alloué la somme de 338,98 € à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le jugement du conseil de prud'hommes de MARSEILLE du 11 décembre 2017, méconnaissant l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
2. ALORS QUE le juge doit respecter les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Monsieur [T] ne réclamait pas des congés payés qui lui seraient demeurés dus, mais uniquement les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, dont il sollicitait le paiement au motif la faute grave ne serait pas avérée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a en outre violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00261
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 mars 2023
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 261 F-D
Pourvoi n° T 21-15.648
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MARS 2023
M. [L] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-15.648 contre l'arrêt rendu le 26 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4, 3), dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société La Poste a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 février 2021), M. [T] a été engagé par la société La Poste, le 7 août 2007 et occupait en dernier lieu les fonctions de facteur colis.
2. Le 6 juillet 2015, il a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 16 juillet suivant puis, après la réunion de la commission mixte paritaire en date du 28 août 2015, son employeur lui a notifié, le même jour, une mise à pied à titre provisoire. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 7 septembre 2015.
3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement, prononcé pour faute grave, est bien fondé et de le débouter de toutes ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; qu'au terme de la convention commune La Poste – France Telecom, la mise à pied conservatoire, ou suspension d'activité, ne peut intervenir qu'avant qu'ait été convoquée et se soit réunie la commission de discipline intitulée commission consultative paritaire ; que toute mise à pied prononcée après respect de la procédure de réunion de cette commission s'analyse au terme de cette convention en une mise à pied sanction, c'est-à-dire en une mise à pied disciplinaire ; qu'en jugeant que ne présente aucun caractère disciplinaire la mise à pied prononcée après que la commission a été convoquée, après qu'elle s'est réunie et après qu'elle a donné son avis, la cour d'appel a violé l'article 75 de la convention commune La Poste - France Telecom. »
Réponse de la Cour
Vu le principe non bis in idem et l'article L. 1331-1 du code du travail :
6. En application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait.
7. Selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
8. Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt relève que, selon l'article l'article 74 de la convention commune La Poste - France Telecom, l'employeur engage une procédure disciplinaire par convocation du salarié à un entretien préalable, lui indiquant qu'il peut se faire assister, et, s'il estime maintenir la proposition de sanction, il saisit la commission consultative paritaire qui rend un avis motivé. Il ajoute que le délégataire de pouvoir peut ensuite prononcer une sanction.
9. Il retient ensuite que, si le salarié se prévaut d'un document PX10 qui est un mémento de l'entreprise, ce « mémento des règles de gestion RH » ne constitue en aucun cas une norme conventionnelle, réglementaire ou une annexe au règlement intérieur susceptible de créer des droits pour les salariés. Il ajoute que la mise à pied à titre conservatoire est une mesure facultative qui ne prive pas le salarié de sa rémunération, prise dans l'attente d'une sanction et qui n'est soumise à aucun formalisme.
10. Il retient encore qu'en l'espèce, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de son licenciement mais après convocation à entretien préalable, au jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il conclut qu'elle n'a donc pas été prononcée tardivement et ne revêtait aucun caractère disciplinaire.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la procédure disciplinaire avait été engagée le 6 juillet 2015 par la convocation du salarié à un entretien préalable fixé le 16 juillet 2015 et qu'il n'avait été mis à pied que le 28 août 2015, après la réunion de la commission consultative paritaire, sans que l'employeur n'invoquât la survenance de faits nouveaux postérieurs à l'engagement de la procédure disciplinaire de sorte que la mise à pied prononcée avait un caractère disciplinaire, la cour d'appel a violé le principe et le texte sus-visés.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 338,98 euros au salarié au titre des congés payés, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la somme de 338,98 euros allouée par les premiers juges l'avait été au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, elle-même fixée à 3.389,88 euros, ces condamnations ayant été prononcées au motif que le licenciement avait été considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ; que, pour confirmer la condamnation au paiement d'une somme de 338,98 euros au titre des congés payés, la cour d'appel, après avoir considéré que le licenciement reposait sur une faute grave, a retenu qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, le salarié licencié a droit à ses congés payés, même en cas de faute grave, et que c'était dès lors à bon droit que les premiers juges avaient alloué la somme de 338,98 euros à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 11 décembre 2017, méconnaissant l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
13. Pour confirmer la décision des premiers juges allouant au salarié la somme de 338,98 euros au titre des congés payés, l'arrêt relève que le salarié licencié pour faute grave sera nécessairement débouté de ses demandes au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
14. Il retient qu'en application de l'article L. 3141-26, alinéa 2, du code du travail, le salarié licencié a droit à ses congés payés, même en cas de faute grave de sorte que les premiers juges ont justement accordé au salarié la somme de 338,98 euros à ce titre.
15. En statuant ainsi, alors qu'il résulte du jugement de première instance que la somme allouée correspondait aux congés payés afférents à l'indemnité de préavis qui avait été accordée au salarié, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T], demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement prononcé pour faute grave par La Poste est bien-fondé et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QUE l'exercice des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental, ne saurait donner lieu à sanction par l'employeur ; qu'en jugeant fondé le licenciement pour faute grave de M. [T] après avoir constaté que ce licenciement était notamment motivé par la production devant la commission consultative paritaire d'attestations sollicitées par le salarié à l'appui de sa défense, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement prononcé pour faute grave par La Poste est bien-fondé et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
1° ALORS QU'en application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; que présente un caractère disciplinaire, interdisant que les faits sanctionnées le soient à nouveau par un licenciement, la mise à pied prononcée plus d'un mois et demi après que le salarié a été reçu en entretien préalable ; qu'en jugeant que ne présente aucun caractère disciplinaire la mise à pied prononcée dans ces conditions, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1332-3 du code du travail.
2° ALORS QU'en application de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; qu'au terme de la convention commune La Poste – France Telecom la mise à pied conservatoire, ou suspension d'activité, ne peut intervenir qu'avant qu'ait été convoquée et se soit réunie la commission de discipline intitulée commission consultative paritaire (CPP) ; que toute mise à pied prononcée après respect de la procédure de réunion de cette commission s'analyse au terme de cette convention en une mise à pied sanction, c'est-à-dire en une mise à pied disciplinaire ; qu'en jugeant que ne présente aucun caractère disciplinaire la mise à pied prononcée après que la commission a été convoquée, après qu'elle s'est réunie et après qu'elle a donné son avis, la cour d'appel a violé l'article 75 de la convention commune La Poste - France Telecom. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société La Poste, demanderesse au pourvoi incident
La société LA POSTE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 338,98 € à Monsieur [T] au titre des congés payés ;
1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la somme de 338,98 € allouée par les premiers juges l'avait été au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, elle-même fixée à 3.389,88 €, ces condamnations ayant été prononcées au motif que le licenciement avait été considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ; que, pour confirmer la condamnation au paiement d'une somme de 338,98 € au titre des congés payés, la cour d'appel, après avoir considéré que le licenciement reposait sur une faute grave, a retenu qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, le salarié licencié a droit à ses congés payés, même en cas de faute grave, et que c'était dès lors à bon droit que les premier juges avaient alloué la somme de 338,98 € à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le jugement du conseil de prud'hommes de MARSEILLE du 11 décembre 2017, méconnaissant l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
2. ALORS QUE le juge doit respecter les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Monsieur [T] ne réclamait pas des congés payés qui lui seraient demeurés dus, mais uniquement les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, dont il sollicitait le paiement au motif la faute grave ne serait pas avérée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a en outre violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.