Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 mars 2023, 21-19.066, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 266 F-D

Pourvoi n° G 21-19.066




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023

La société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-19.066 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Nord-Pas-de-Calais, et après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 mai 2021), la société [3] (la société) a saisi l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF), par courrier du 31 octobre 2016, d'une demande de remboursement des sommes versées au titre du Fonds national d'aide au logement (FNAL), du versement transport, de la réduction générale des cotisations sur les bas salaires et de la déduction patronale sur les heures supplémentaires (TEPA) pour la période du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2015.

2. L'URSSAF ayant refusé de lui rembourser les sommes réclamées au titre de la réduction générale des cotisations sur les bas salaires et de la déduction patronale sur les heures supplémentaires, la société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que toute personne peut se prévaloir, à l'appui de sa demande de mise en oeuvre d'une disposition légale ou réglementaire, de l'interprétation proposée par une circulaire, régulièrement publiée, qui n'est pas contraire à la disposition interprétée ; qu'il appartient au juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables, d'interpréter lui-même la loi ou le règlement en cause et de justifier, pour écarter la circulaire invoquée, de son incompatibilité avec la norme interprétée ; qu'en l'espèce la cour d'appel, pour débouter la société de sa demande tendant à voir calculer ses effectifs mensuels pour l'application des dispositifs Fillon et TEPA en tenant compte de tous les salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, conformément à l'interprétation de l'article D. 241-26 du code de la sécurité sociale par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, a retenu « ... qu'il n'entrait pas dans les prévisions des dispositions précitées de prévoir un décompte des effectifs mensuels tenant compte du nombre de salariés temporaires sous contrats le dernier jour du mois, cette circulaire, dépourvue de toute portée normative, ne saurait étendre ou modifier le champ d'application de dispositions réglementaires par l'adjonction d'une méthode de calcul non prévue par l'article D. 241-26 du code de la sécurité sociale » ; qu'en statuant de la sorte sans préciser quelle méthode de calcul des effectifs mensuels devait être retenue pour l'application de l'article D. 241-26, la cour d'appel, qui a refusé de faire produire effet à une circulaire interprétative sans rechercher ni justifier en quoi elle aurait été contraire aux dispositions réglementaires interprétées, a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer les écrits clairs et précis qui lui sont soumis ; qu'en retenant pour débouter la société de sa demande tendant à voir calculer ses effectifs mensuels pour l'application des dispositifs Fillon et TEPA en tenant compte de tous les salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, conformément à l'interprétation de l'article D. 241-26 du code de la sécurité sociale par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, que « cette circulaire a été rendue caduque par la publication de la circulaire DSS/5B/2010/38 du 1er février 2010 qui, par un retour à l'orthodoxie légale, n'imposait plus à l'URSSAF d'examiner la situation des salariés intérimaires au dernier jour de chaque mois », quand la circulaire du 1er février 2010, si elle ne reprenait pas expressément cette méthode de calcul pour la mise en oeuvre des dispositifs Fillon et TEPA, ne lui en substituait aucun autre et soulignait expressément, s'agissant des autres dispositifs concernés (FNAL, versement transports, aides à la formation professionnelle...) dans lesquels le décret n° 2009-776 du 29 juin 2009 avait expressément introduit cette méthode de calcul des effectifs mensuels, que « ces nouvelles règles de décompte des effectifs sont les mêmes que celles qui étaient déjà applicables pour la réduction Fillon», manifestant ainsi l'extension de la méthode de calcul des effectifs mensuels préconisée par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007 à l'ensemble des dispositifs de réduction, la cour d'appel a dénaturé la circulaire DSS/5B n° 2010-38 du 1er février 2010 ;

3°/ que si le décret n° 2009-775 du 23 juin 2009 n'a pas expressément codifié dans l'article D. 241-26 du code de la sécurité sociale prévoyant le calcul des effectifs pour la mise en oeuvre des dispositifs Fillon et TEPA, la méthode de calcul des effectifs mensuels proposée par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, le décret n° 2009-776 du même jour a, pour sa part, expressément étendu cette méthode de calcul à quatre autres dispositifs de réduction (FNAL, versement transports, aides à la formation professionnelle, aides à l'apprentissage) ; qu'ainsi, à la lumière des principes de sécurité juridique, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, comme de la volonté affirmée du pouvoir réglementaire d'unifier les règles de calcul des effectifs pour la mise en oeuvre des différents dispositifs de réduction, l'article D. 241-26 du code de la sécurité sociale devait être interprété, à défaut de toute disposition contraire, comme prescrivant également, pour le calcul de l'effectif mensuel, de tenir compte de tous les salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, tel que prescrit par cette circulaire interprétative ; qu'en décidant le contraire au motif erroné et inopérant, que « la circulaire DSS/5B/2010/38 du 1er février 2010, qui, par un retour à l'orthodoxie légale, n'imposait plus à l'URSSAF d'examiner la situation des salariés intérimaires au dernier jour de chaque mois », la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article D. 241-26 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

4°/ que selon l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; qu'aux termes de l'article L. 312-3 du même code, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée ; qu'en déboutant la société de sa demande de répétition de cotisations indues fondée sur les dispositions de la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, régulièrement publiée et non abrogée, aux motifs, inopérants, que « selon l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, le redevable ne peut opposer à l'organisme de recouvrement l'interprétation de la législation relative aux cotisations et contributions sociales, admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale publiée selon les modalités qu'il précise, que pour faire échec à un redressement de ses cotisations et contributions par l'organisme fondé sur une interprétation différente. Dès lors, la société ne saurait se prévaloir utilement de la circulaire du 1er octobre 2007 pour contester le bien-fondé du rejet par l'URSSAF de sa demande de remboursement d'un trop versé de cotisations dont le calcul initial, effectué par la société elle-même, ne résultait pas de l'application de la circulaire du 1er octobre 2007 », la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, dont ne font pas partie les circulaires, dépourvues de toute portée normative.

5. Selon l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, le redevable ne peut opposer à l'organisme de recouvrement l'interprétation de la législation relative aux cotisations et contributions sociales par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale publiée, selon les modalités qu'il précise, que pour faire échec au redressement de ses cotisations et contributions par l'organisme fondé sur une interprétation différente.

6. C'est par suite, à bon droit, que la cour d'appel a retenu, d'une part, que la société ne pouvait se prévaloir de la circulaire DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007 pour contester le bien-fondé du rejet par l'URSSAF de sa demande de remboursement et, d'autre part, qu'il n'y avait pas lieu d'en faire application.

7. Le moyen, qui critique en ses deuxième et troisième branches des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize mars deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société [3]

La SARL [3] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de remboursement de la réduction générale des cotisations (réduction Fillon) et de la déduction patronale au titre des heures supplémentaires (TEPA), pour la période du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2015 ;

1°) ALORS QUE toute personne peut se prévaloir, à l'appui de sa demande de mise en oeuvre d'une disposition légale ou règlementaire, de l'interprétation proposée par une circulaire, régulièrement publiée, qui n'est pas contraire à la disposition interprétée ; qu'il appartient au juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables, d'interpréter lui-même la loi ou le règlement en cause et de justifier, pour écarter la circulaire invoquée, de son incompatibilité avec la norme interprétée ; qu'en l'espèce la cour d'appel, pour débouter la société [3] SARL de sa demande tendant à voir calculer ses effectifs mensuels pour l'application des dispositifs Fillon et TEPA en tenant compte de tous les salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, conformément à l'interprétation de l'article D.241-26 du code de la sécurité sociale par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, a retenu « ... qu'il n'entrait pas dans les prévisions des dispositions précitées de prévoir un décompte des effectifs mensuels tenant compte du nombre de salariés temporaires sous contrats le dernier jour du mois, cette circulaire, dépourvue de toute portée normative, ne saurait étendre ou modifier le champ d'application de dispositions réglementaires par l'adjonction d'une méthode de calcul non prévue par l'article D.241-26 du code de la sécurité sociale » ; qu'en statuant de la sorte sans préciser quelle méthode de calcul des effectifs mensuels devait être retenue pour l'application de l'article D.241-26, la cour d'appel, qui a refusé de faire produire effet à une circulaire interprétative sans rechercher ni justifier en quoi elle aurait été contraire aux dispositions réglementaires interprétées, a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L.312-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

2°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les écrits clairs et précis qui lui sont soumis ; qu'en retenant pour débouter la société [3] SARL de sa demande tendant à voir calculer ses effectifs mensuels pour l'application des dispositifs Fillon et TEPA en tenant compte de tous les salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, conformément à l'interprétation de l'article D.241-26 du code de la sécurité sociale par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, que « cette circulaire a été rendue caduque par la publication de la circulaire DSS/5B/2010/38 du 1er février 2010 qui, par un retour à l'orthodoxie légale, n'imposait plus à l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais d'examiner la situation des salariés intérimaires au dernier jour de chaque mois », quand la circulaire du 1er février 2010, si elle ne reprenait pas expressément cette méthode de calcul pour la mise en oeuvre des dispositifs Fillon et TEPA, ne lui en substituait aucun autre et soulignait expressément, s'agissant des autres dispositifs concernés (FNAL, versement transports, aides à la formation professionnelle...) dans lesquels le décret n° 2009-776 du 29 juin 2009 avait expressément introduit cette méthode de calcul des effectifs mensuels, que « ces nouvelles règles de décompte des effectifs sont les mêmes que celles qui étaient déjà applicables pour la réduction Fillon », manifestant ainsi l'extension de la méthode de calcul des effectifs mensuels préconisée par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007 à l'ensemble des dispositifs de réduction, la cour d'appel a dénaturé la circulaire DSS/5B n° 2010-38 du 1er février 2010 ;

3°) ALORS QUE si le décret n° 2009-775 du 23 juin 2009 n'a pas expressément codifié dans l'article D.241-26 du code de la sécurité sociale prévoyant le calcul des effectifs pour la mise en oeuvre des dispositifs Fillon et TEPA, la méthode de calcul des effectifs mensuels proposée par la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, le décret n° 2009-776 du même jour a, pour sa part, expressément étendu cette méthode de calcul à quatre autres dispositifs de réduction (FNAL, versement transports, aides à la formation professionnelle, aides à l'apprentissage) ; qu'ainsi, à la lumière des principes de sécurité juridique, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, comme de la volonté affirmée du pouvoir réglementaire d'unifier les règles de calcul des effectifs pour la mise en oeuvre des différents dispositifs de réduction, l'article D.241-26 du code de la sécurité sociale devait être interprété, à défaut de toute disposition contraire, comme prescrivant également, pour le calcul de l'effectif mensuel, de tenir compte de tous les salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, tel que prescrit par cette circulaire interprétative ; qu'en décidant le contraire au motif erroné et inopérant, que « la circulaire DSS/5B/2010/38 du 1er février 2010, qui, par un retour à l'orthodoxie légale, n'imposait plus à l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais d'examiner la situation des salariés intérimaires au dernier jour de chaque mois », la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article D.241-26 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

4°) ALORS en toute hypothèse, QUE selon l'article L.312-2 du code des relations entre le public et l'administration, font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; qu'aux termes de l'article L.312-3 du même code, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée ; qu'en déboutant la société [3] SARL de sa demande de répétition de cotisations indues fondée sur les dispositions de la circulaire n° DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007, régulièrement publiée et non abrogée, aux motifs, inopérants, que « selon l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, le redevable ne peut opposer à l'organisme de recouvrement l'interprétation de la législation relative aux cotisations et contributions sociales, admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale publiée selon les modalités qu'il précise, que pour faire échec à un redressement de ses cotisations et contributions par l'organisme fondé sur une interprétation différente. Dès lors, la société [3] saurait se prévaloir utilement de la circulaire du 1er octobre 2007 pour contester le bien-fondé du rejet par l'URSSAF de sa demande de remboursement d'un trop versé de cotisations dont le calcul initial, effectué par la société elle-même, ne résultait pas de l'application de la circulaire du 1er octobre 2007 », la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés.ECLI:FR:CCASS:2023:C200266
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