Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 mars 2023, 21-25.678, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 mars 2023, 21-25.678, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-25.678
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00219
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 08 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 04 novembre 2021- Président
- Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 219 F-D
Pourvoi n° V 21-25.678
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023
M. [U] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-25.678 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e Chambre), dans le litige l'opposant à la société CCTB, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société CCTB, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2021), M. [Y] a été engagé à compter du 2 septembre 2002 par la société CCTB en qualité de maçon, maître ouvrier.
2. Le 19 juillet 2017, le salarié a été victime d'un accident du travail alors qu'il montait un mur sur un chantier, chutant de la benne d'un camion sur laquelle il s'était posté pour travailler. La gendarmerie, rendue sur place a procédé à un dépistage de l'état alcoolique du salarié qui s'est révélé positif.
3. Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 3 août 2017.
4. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la faute grave était démontrée et de le débouter en conséquence de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail, alors « que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié ; qu'en conséquence, c'est au regard des seuls motifs énoncés dans cette lettre qu'il revient au juge d'apprécier le bien fondé du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté que, dans la lettre de licenciement du salarié, il lui était notamment reproché d'avoir ''pendant [son] temps de travail, sur le lieu de travail, de surcroît en cours d'exécution de travaux en hauteur [?] travaillé en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale'', a considéré que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié dès lors que la société CCTB rapportait la preuve de ce qu'au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement qui fixait les limites du litige ne reprochait pas au salarié d'avoir travaillé en état d'ivresse mais uniquement en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 et du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail :
6. Selon ces textes, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié.
7. Pour juger le licenciement du salarié fondé sur une faute grave et rejeter ses demandes indemnitaires, l'arrêt retient qu'au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse, objectivé par le dépistage d'alcoolémie positif auquel il a été soumis, caractérisant un taux d'alcoolémie supérieur à la normale.
8. En statuant ainsi, en retenant le grief d'exécution d'un travail en hauteur en état d'ivresse, fait non visé par la lettre de licenciement et alors que ce document ne visait que des faits d' exécution de travaux en hauteur avec un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société CCTB à verser à M. [Y] la somme de 45 euros à titre de rappel de salaire et condamne M. [Y] à payer à la société CCTB la somme de 208,83 euros à titre de remboursement d'une dette, l'arrêt rendu le 4 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société CCTB aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CCTB et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [Y]
Monsieur [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la faute grave était démontrée par la partie défenderesse et d'avoir débouté en conséquence Monsieur [Y] de ses demandes tendant à voir dire et juger dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à la date du 3 août 2017 et à voir condamner la société CCTB à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de mise à pied, des congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés pays afférents, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement injustifié ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ALORS en premier lieu QUE, selon l'article R. 4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, que, lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ; que, selon l'article R. 4228-21 du même Code, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ; qu'il découle de ces dispositions que, le fait de présenter, sur son lieu de travail, un taux d'alcoolémie supérieur à la normale n'est pas, en lui-même, prohibé sauf si le règlement intérieur de l'entreprise en dispose autrement ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le règlement intérieur en vigueur au sein de l'entreprise interdisait d'accéder aux lieux de travail en état d'ivresse et prévoyait, pour les salariés occupant notamment des postes de travail en hauteur, la possibilité pour l'employeur, s'il existait un doute sérieux quant à leur capacité à occuper leur poste en toute sécurité pour les personnes ou les biens, de les soumettre à un alcootest, la Cour d'appel a retenu que le fait pour Monsieur [Y] d'avoir travaillé en hauteur avec un taux d'alcoolémie supérieur à la normale constituait un manquement à ses obligations professionnelles justifiant son licenciement pour faute grave ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'en l'absence de dispositions du règlement intérieur prohibant la consommation d'alcool pour les salariés travaillant en hauteur, le seul fait pour le salarié de présenter un taux d'alcoolémie supérieur à la normale n'était pas susceptible de caractériser un manquement de ce dernier à ses obligations professionnelles justifiant son licenciement, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1121-1, L. 1232-1, L. 1235-1, R. 4228-20 et R. 4228-21 du Code du travail ;
ALORS en deuxième lieu QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié ; qu'en conséquence, c'est au regard des seuls motifs énoncés dans cette lettre qu'il revient au juge d'apprécier le bienfondé du licenciement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, après avoir constaté que, dans la lettre de licenciement de Monsieur [Y], il lui était notamment reproché d'avoir « pendant [son] temps de travail, sur le lieu de travail, de surcroît en cours d'exécution de travaux en hauteur [?] travaillé en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale », a considéré que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Y] était justifié dès lors que la société CCTB rapportait la preuve de ce qu'au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement qui fixait les limites du litige ne reprochait pas à Monsieur [Y] d'avoir travaillé en état d'ivresse mais uniquement en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 et du Code du travail ;
ALORS en troisième lieu et en toute hypothèse QUE, selon l'article R. 4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, que, lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ; que, selon l'article R. 4228-21 du même Code, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le règlement intérieur en vigueur au sein de l'entreprise interdisait d'accéder aux lieux de travail en état d'ivresse et prévoyait, pour les salariés occupant notamment des postes de travail en hauteur, la possibilité pour l'employeur, s'il existait un doute sérieux quant à leur capacité à occuper leur poste en toute sécurité pour les personnes ou les biens, de les soumettre à un alcootest, la Cour d'appel, pour considérer qu'au mépris des règles prescrites par ce règlement, Monsieur [Y] avait travaillé en hauteur en état d'ivresse et que ce manquement du salarié à ses obligations professionnelles justifiait son licenciement, a retenu que l'état d'ivresse du salarié était « objectivé par le test d'alcoolémie auquel il a été soumis, caractérisant un taux d'alcoolémie supérieur à la normale » ; qu'en statuant par de tels motifs, insuffisants à caractériser l'état d'ivresse du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1321-1, R. 4228-20 et R. 4228-21 du Code du travail ;
ALORS en quatrième lieu et en toute hypothèse QUE, selon l'article R. 4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, que, lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ; que, selon l'article R. 4228-21 du même Code, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le règlement intérieur en vigueur au sein de l'entreprise interdisait d'accéder aux lieux de travail en état d'ivresse et prévoyait, pour les salariés occupant notamment des postes de travail en hauteur, la possibilité pour l'employeur, s'il existait un doute sérieux quant à leur capacité à occuper leur poste en toute sécurité pour les personnes ou les biens, de les soumettre à un alcootest, pour considérer qu'au mépris des règles prescrites par ce règlement, Monsieur [Y] avait travaillé en hauteur en état d'ivresse et que ce manquement du salarié à ses obligations professionnelles justifiait son licenciement pour faute grave, la Cour d'appel a retenu que l'état d'ivresse du salarié était « objectivé par le test d'alcoolémie auquel il a été soumis, caractérisant un taux d'alcoolémie supérieur à la normale » ; qu'en statuant par ces motifs sans s'expliquer sur le fait mis en avant par Monsieur [Y] qu'auditionné en qualité de témoin par le Conseil de prud'hommes, Monsieur [G], présent sur le chantier au moment de l'accident de l'exposant, avait déclaré que ce dernier ne présentait pas de signe d'ivresse, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1321-1, R. 4228-20 et R. 4228-21 du Code du travail ;
ALORS enfin et en toute hypothèse QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une telle faute, le seul fait pour un salarié ayant quinze ans d'ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire, de présenter un taux d'alcoolémie supérieur à la normale, sans qu'il soit allégué que le salarié ait présenté d'autre signe d'ivresse ni qu'il soit établi que sa consommation d'alcool ait été à l'origine de l'accident dont il a été victime ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00219
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 219 F-D
Pourvoi n° V 21-25.678
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023
M. [U] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-25.678 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e Chambre), dans le litige l'opposant à la société CCTB, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société CCTB, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2021), M. [Y] a été engagé à compter du 2 septembre 2002 par la société CCTB en qualité de maçon, maître ouvrier.
2. Le 19 juillet 2017, le salarié a été victime d'un accident du travail alors qu'il montait un mur sur un chantier, chutant de la benne d'un camion sur laquelle il s'était posté pour travailler. La gendarmerie, rendue sur place a procédé à un dépistage de l'état alcoolique du salarié qui s'est révélé positif.
3. Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 3 août 2017.
4. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la faute grave était démontrée et de le débouter en conséquence de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail, alors « que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié ; qu'en conséquence, c'est au regard des seuls motifs énoncés dans cette lettre qu'il revient au juge d'apprécier le bien fondé du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté que, dans la lettre de licenciement du salarié, il lui était notamment reproché d'avoir ''pendant [son] temps de travail, sur le lieu de travail, de surcroît en cours d'exécution de travaux en hauteur [?] travaillé en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale'', a considéré que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié dès lors que la société CCTB rapportait la preuve de ce qu'au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement qui fixait les limites du litige ne reprochait pas au salarié d'avoir travaillé en état d'ivresse mais uniquement en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 et du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail :
6. Selon ces textes, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié.
7. Pour juger le licenciement du salarié fondé sur une faute grave et rejeter ses demandes indemnitaires, l'arrêt retient qu'au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse, objectivé par le dépistage d'alcoolémie positif auquel il a été soumis, caractérisant un taux d'alcoolémie supérieur à la normale.
8. En statuant ainsi, en retenant le grief d'exécution d'un travail en hauteur en état d'ivresse, fait non visé par la lettre de licenciement et alors que ce document ne visait que des faits d' exécution de travaux en hauteur avec un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société CCTB à verser à M. [Y] la somme de 45 euros à titre de rappel de salaire et condamne M. [Y] à payer à la société CCTB la somme de 208,83 euros à titre de remboursement d'une dette, l'arrêt rendu le 4 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société CCTB aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CCTB et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [Y]
Monsieur [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la faute grave était démontrée par la partie défenderesse et d'avoir débouté en conséquence Monsieur [Y] de ses demandes tendant à voir dire et juger dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à la date du 3 août 2017 et à voir condamner la société CCTB à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de mise à pied, des congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés pays afférents, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement injustifié ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ALORS en premier lieu QUE, selon l'article R. 4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, que, lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ; que, selon l'article R. 4228-21 du même Code, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ; qu'il découle de ces dispositions que, le fait de présenter, sur son lieu de travail, un taux d'alcoolémie supérieur à la normale n'est pas, en lui-même, prohibé sauf si le règlement intérieur de l'entreprise en dispose autrement ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le règlement intérieur en vigueur au sein de l'entreprise interdisait d'accéder aux lieux de travail en état d'ivresse et prévoyait, pour les salariés occupant notamment des postes de travail en hauteur, la possibilité pour l'employeur, s'il existait un doute sérieux quant à leur capacité à occuper leur poste en toute sécurité pour les personnes ou les biens, de les soumettre à un alcootest, la Cour d'appel a retenu que le fait pour Monsieur [Y] d'avoir travaillé en hauteur avec un taux d'alcoolémie supérieur à la normale constituait un manquement à ses obligations professionnelles justifiant son licenciement pour faute grave ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'en l'absence de dispositions du règlement intérieur prohibant la consommation d'alcool pour les salariés travaillant en hauteur, le seul fait pour le salarié de présenter un taux d'alcoolémie supérieur à la normale n'était pas susceptible de caractériser un manquement de ce dernier à ses obligations professionnelles justifiant son licenciement, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1121-1, L. 1232-1, L. 1235-1, R. 4228-20 et R. 4228-21 du Code du travail ;
ALORS en deuxième lieu QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié ; qu'en conséquence, c'est au regard des seuls motifs énoncés dans cette lettre qu'il revient au juge d'apprécier le bienfondé du licenciement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, après avoir constaté que, dans la lettre de licenciement de Monsieur [Y], il lui était notamment reproché d'avoir « pendant [son] temps de travail, sur le lieu de travail, de surcroît en cours d'exécution de travaux en hauteur [?] travaillé en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale », a considéré que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Y] était justifié dès lors que la société CCTB rapportait la preuve de ce qu'au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur, le salarié travaillait en hauteur en état d'ivresse ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement qui fixait les limites du litige ne reprochait pas à Monsieur [Y] d'avoir travaillé en état d'ivresse mais uniquement en ayant un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 et du Code du travail ;
ALORS en troisième lieu et en toute hypothèse QUE, selon l'article R. 4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, que, lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ; que, selon l'article R. 4228-21 du même Code, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le règlement intérieur en vigueur au sein de l'entreprise interdisait d'accéder aux lieux de travail en état d'ivresse et prévoyait, pour les salariés occupant notamment des postes de travail en hauteur, la possibilité pour l'employeur, s'il existait un doute sérieux quant à leur capacité à occuper leur poste en toute sécurité pour les personnes ou les biens, de les soumettre à un alcootest, la Cour d'appel, pour considérer qu'au mépris des règles prescrites par ce règlement, Monsieur [Y] avait travaillé en hauteur en état d'ivresse et que ce manquement du salarié à ses obligations professionnelles justifiait son licenciement, a retenu que l'état d'ivresse du salarié était « objectivé par le test d'alcoolémie auquel il a été soumis, caractérisant un taux d'alcoolémie supérieur à la normale » ; qu'en statuant par de tels motifs, insuffisants à caractériser l'état d'ivresse du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1321-1, R. 4228-20 et R. 4228-21 du Code du travail ;
ALORS en quatrième lieu et en toute hypothèse QUE, selon l'article R. 4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, que, lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ; que, selon l'article R. 4228-21 du même Code, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le règlement intérieur en vigueur au sein de l'entreprise interdisait d'accéder aux lieux de travail en état d'ivresse et prévoyait, pour les salariés occupant notamment des postes de travail en hauteur, la possibilité pour l'employeur, s'il existait un doute sérieux quant à leur capacité à occuper leur poste en toute sécurité pour les personnes ou les biens, de les soumettre à un alcootest, pour considérer qu'au mépris des règles prescrites par ce règlement, Monsieur [Y] avait travaillé en hauteur en état d'ivresse et que ce manquement du salarié à ses obligations professionnelles justifiait son licenciement pour faute grave, la Cour d'appel a retenu que l'état d'ivresse du salarié était « objectivé par le test d'alcoolémie auquel il a été soumis, caractérisant un taux d'alcoolémie supérieur à la normale » ; qu'en statuant par ces motifs sans s'expliquer sur le fait mis en avant par Monsieur [Y] qu'auditionné en qualité de témoin par le Conseil de prud'hommes, Monsieur [G], présent sur le chantier au moment de l'accident de l'exposant, avait déclaré que ce dernier ne présentait pas de signe d'ivresse, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1321-1, R. 4228-20 et R. 4228-21 du Code du travail ;
ALORS enfin et en toute hypothèse QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une telle faute, le seul fait pour un salarié ayant quinze ans d'ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire, de présenter un taux d'alcoolémie supérieur à la normale, sans qu'il soit allégué que le salarié ait présenté d'autre signe d'ivresse ni qu'il soit établi que sa consommation d'alcool ait été à l'origine de l'accident dont il a été victime ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.