Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 mars 2023, 21-12.492, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 mars 2023, 21-12.492, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-12.492
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO00231
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 08 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 03 décembre 2020- Président
- M. Sommer
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 231 FS-B
Pourvoi n° N 21-12.492
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023
1°/ La société Exane,
2°/ la société Exane Derivatives,
toutes les deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 21-12.492 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à Mme [I] [R], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés Exane et Exane Derivatives, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [R], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2020), Mme [R] a été engagée en qualité de structureur le 5 janvier 2009 par la société Exane Derivatives, filiale du groupe Exane. Entre le 1er février 2013 et le 22 janvier 2017, elle a occupé le poste de responsable projets transverses dérivés (chief operating officer ou COO) avant d'être nommée, le 23 janvier 2017, directeur stratégie et projets groupe dans la société Exane.
2. Licenciée le 22 février 2019 et considérant avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé des postes de COO, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale, le 31 octobre 2019, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour obtenir la communication d'éléments de comparaison détenus par ses deux employeurs successifs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Les sociétés font grief à l'arrêt de leur ordonner de communiquer sous astreinte à l'intéressée les bulletins de paie de huit salariés, pour les périodes de février 2013 à janvier 2017 pour les quatre premiers, de mars 2017 à mai 2019 pour le cinquième et de janvier 2017 à mai 2019 pour les trois derniers, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, alors :
« 3°/ qu'en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), les données à caractère personnel, collectées par l'employeur pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, doivent être traitées ultérieurement de manière compatible avec ces finalités, de manière licite, loyale et transparente à l'égard de la personne concernée, de façon à garantir un niveau de sécurité adapté permettant leur confidentialité et leur intégrité, et n'être conservées que la durée strictement nécessaire au regard de ces finalités ; que le juge, qui ne peut prononcer, en application de l'article 145 du code de procédure civile, que des mesures d'instruction légalement admissibles, ne peut dès lors ordonner la communication à un tiers de données personnelles dans des conditions contraires au règlement susvisé ; qu'en ordonnant toutefois la communication à la salariée, sur une période comprise entre 2013 et 2019, de bulletins de paie de huit autres salariés, laissant apparaître leurs noms et prénoms, leurs classifications conventionnelles, leurs rémunérations mensuelles détaillées (fixes et variables) et leurs rémunérations brutes totales cumulées par année civile, sans vérifier si cette communication était contraire aux exigences du règlement européen susvisé qui s'impose au juge, en ce qu'elle conduisait à la divulgation à un tiers de l'ensemble des rémunérations des salariés concernés sur plusieurs années dans un but très différent de la finalité légale pour laquelle les ressources humaines les avaient collectées, sans que ces salariés n'aient pu s'y attendre, et sans que le juge n'édicte aucune garantie de sécurité, de confidentialité et de limitation de la durée de conservation, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145 du code de procédure civile et 4, 5, 6 et 32 du règlement européen susvisé ;
4°/ que le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte à la vie privée des salariés concernés soit proportionnée au but poursuivi ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié est déjà en mesure de présenter des éléments de fait susceptibles de laisser présumer l'existence de la discrimination qu'il allègue ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que la salariée justifiait d'un motif légitime à la communication des bulletins de paie, quand elle relevait déjà que les rapports égalité hommes/femmes versés aux débats démontraient une proportion de femmes minoritaire dans les effectifs, des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et un index d'égalité hommes/femmes pour l'année 2018 laissant une marge de progression, sans vérifier si la production supplémentaire qu'elle sollicitait, de huit salariés sur plusieurs années, était indispensable au droit de la preuve de la salariée et proportionnée au droit au respect de la vie privée des salariés concernés, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 9 du code civil, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 1132-1, L. 134-1, L. 1142-1, L. 1144-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte du point (4) de l'introduction du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), que le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Il ajoute que le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les Traités, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.
6. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.
7. Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
8. Il appartient dès lors au juge saisi d'une demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, d'abord, de rechercher si cette communication n'est pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de l'inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi et s'il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.
9. La cour d'appel a relevé que, pour présenter des éléments laissant présumer l'existence de l'inégalité salariale alléguée entre elle et certains de ses collègues masculins, la salariée était bien fondée à obtenir la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d'encadrement, commerciales ou de marché, avec occultation des données personnelles à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.
10. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a fait ressortir que cette communication d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'autres salariés était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de la salariée à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Exane et Exane Derivatives aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Exane et Exane Derivatives et les condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour les sociétés Exane et Exane Derivatives
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les sociétés exposantes font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevables l'appel et les demandes de Madame [R] fondées sur l'article 145 du code de procédure civile ET DE LEUR AVOIR ordonné de communiquer à Mme [R] les bulletins de paie de MM. [K] [N], [F] [A], [U] [X], [C] [L], [S] [J], [H] [M], [Z] [Y], [K] [O], pour les périodes de février 2013 à janvier 2017 pour les quatre premiers, de mars 2017 à mai 2019 pour le cinquième et de janvier 2017 à mai 2019 pour les trois derniers, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée (fixe et variable) et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, le tout sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
ALORS QUE la partie qui, après avoir été déboutée de sa demande d'instruction avant tout procès fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, décide de saisir immédiatement au fond le juge du procès, ne remplit plus la condition de l'article 145 du code de procédure « d'une saisine avant tout procès » et se prive elle-même du droit de demander ensuite en appel, sur le fondement de ce texte, ladite mesure d'instruction; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle relevait qu'à la suite de l'ordonnance du 2 décembre 2019 ayant déclaré irrecevable sa demande de mesure d'instruction avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, Mme [R] avait décidé de saisir au fond le conseil de prud'hommes le 22 janvier 2020 ce, avant d'interjeter appel contre l'ordonnance, la cour d'appel ne pouvait déclarer recevable sa demande qui tendait à solliciter en appel la mesure d'instruction « avant tout procès »; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble le principe de la loyauté procédurale et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Les sociétés exposantes font grief à l'arrêt infirmatif attaqué DE LEUR AVOIR ordonné de communiquer à Mme [R] les bulletins de paie de MM. [K] [N], [F] [A], [U] [X], [C] [L], [S] [J], [H] [M], [Z] [Y], [K] [O], pour les périodes de février 2013 à janvier 2017 pour les quatre premiers, de mars 2017 à mai 2019 pour le cinquième et de janvier 2017 à mai 2019 pour les trois derniers, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée (fixe et variable) et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, le tout sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
1./ ALORS QUE le périmètre d'appréciation de la discrimination ou de l'égalité de traitement est l'entreprise ou l'unité économique et sociale, de sorte qu'un salarié n'a aucun motif légitime à solliciter, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication de bulletins de paie d'autres salariés du groupe n'appartenant ni à la même entreprise ni à la même unité économique et sociale ; qu'en ordonnant en l'espèce la communication des bulletins de paie de MM. [N] et [J], sans vérifier, comme elle y était invitée, s'ils étaient salariés d'une société tierce, la filiale londonienne EXANE LIMITED, régie par le droit anglais, qui n'appartenait pas à la même unité économique et sociale que les sociétés EXANE et EXANE DERIVATIVES dans lesquelles Mme [R] avait été successivement employée, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145 du code de procédure civile, L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 3221-2 du code du travail et le principe « à travail égal, salaire égal » ;
2./ ALORS AUSSI QUE le principe d'égalité de rémunération entre salariés suppose l'accomplissement d'un même travail ou d'un travail de valeur égale, de sorte qu'un salarié n'a pas de motif légitime à solliciter, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication de bulletins de paie d'autres salariés n'accomplissant un travail ni identique ni de valeur égale ; qu'en ordonnant en l'espèce la communication de bulletins de paie de MM. [N], [A], [X], [L], [J], [M] et [O], au prétexte de l'intitulé de leurs postes et de leur niveau de postes, comparable à celui de Mme [R], sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au regard de ses fonctions , Madame [R] exerçait un travail totalement différent de ceux auxquels elle se comparait, en l'absence de responsabilités en matière de maîtrise et de surveillance des risques de marché du groupe, de contrôle de conformité du trading au niveau du groupe et de management d'équipes de trading, de sorte que son travail n'était ni identique ni de valeur égale à ces salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 du code de procédure civile, L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 3221-2 du code du travail et du principe « à travail égal, salaire égal » ;
3./ ALORS, ENCORE, QU'en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), les données à caractère personnel, collectées par l'employeur pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, doivent être traitées ultérieurement de manière compatible avec ces finalités, de manière licite, loyale et transparente à l'égard de la personne concernée, de façon à garantir un niveau de sécurité adapté permettant leur confidentialité et leur intégrité, et n'être conservées que la durée strictement nécessaire au regard de ces finalités ; que le juge, qui ne peut prononcer, en application de l'article 145 du code de procédure civile, que des mesures d'instruction légalement admissibles, ne peut dès lors ordonner la communication à un tiers de données personnelles dans des conditions contraires au règlement susvisé ; qu'en ordonnant toutefois la communication à Mme [R], sur une période comprise entre 2013 et 2019, de bulletins de paie de huit autres salariés, laissant apparaître leurs noms et prénoms, leurs classifications conventionnelles, leurs rémunérations mensuelles détaillées (fixes et variables) et leurs rémunérations brutes totales cumulées par année civile, sans vérifier si cette communication était contraire aux exigences du règlement européen susvisé qui s'impose au juge, en ce qu'elle conduisait à la divulgation à un tiers de l'ensemble des rémunérations des salariés concernés sur plusieurs années dans un but très différent de la finalité légale pour laquelle les ressources humaines les avaient collectées, sans que ces salariés n'aient pu s'y attendre, et sans que le juge n'édicte aucune garantie de sécurité, de confidentialité et de limitation de la durée de conservation, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145 du code de procédure civile et 4, 5, 6 et 32 du règlement européen susvisé ;
4./ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte à la vie privée des salariés concernés soit proportionnée au but poursuivi ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié est déjà en mesure de présenter des éléments de fait susceptibles de laisser présumer l'existence de la discrimination qu'il allègue ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que Mme [R] justifiait d'un motif légitime à la communication des bulletins de paie, quand elle relevait déjà que les rapports égalité hommes/femmes versés aux débats démontraient une proportion de femmes minoritaire dans les effectifs, des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et un index d'égalité hommes/femmes pour l'année 2018 laissant une marge de progression, sans vérifier si la production supplémentaire qu'elle sollicitait, de 8 salariés sur plusieurs années, était indispensable au droit de la preuve de Mme [R] et proportionnée au droit au respect de la vie privée des salariés concernés, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 9 du code civil, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 1132-1, L. 134-1, L. 1142-1, L. 1144-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00231
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 231 FS-B
Pourvoi n° N 21-12.492
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023
1°/ La société Exane,
2°/ la société Exane Derivatives,
toutes les deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 21-12.492 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à Mme [I] [R], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés Exane et Exane Derivatives, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [R], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2020), Mme [R] a été engagée en qualité de structureur le 5 janvier 2009 par la société Exane Derivatives, filiale du groupe Exane. Entre le 1er février 2013 et le 22 janvier 2017, elle a occupé le poste de responsable projets transverses dérivés (chief operating officer ou COO) avant d'être nommée, le 23 janvier 2017, directeur stratégie et projets groupe dans la société Exane.
2. Licenciée le 22 février 2019 et considérant avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé des postes de COO, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale, le 31 octobre 2019, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour obtenir la communication d'éléments de comparaison détenus par ses deux employeurs successifs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Les sociétés font grief à l'arrêt de leur ordonner de communiquer sous astreinte à l'intéressée les bulletins de paie de huit salariés, pour les périodes de février 2013 à janvier 2017 pour les quatre premiers, de mars 2017 à mai 2019 pour le cinquième et de janvier 2017 à mai 2019 pour les trois derniers, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, alors :
« 3°/ qu'en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), les données à caractère personnel, collectées par l'employeur pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, doivent être traitées ultérieurement de manière compatible avec ces finalités, de manière licite, loyale et transparente à l'égard de la personne concernée, de façon à garantir un niveau de sécurité adapté permettant leur confidentialité et leur intégrité, et n'être conservées que la durée strictement nécessaire au regard de ces finalités ; que le juge, qui ne peut prononcer, en application de l'article 145 du code de procédure civile, que des mesures d'instruction légalement admissibles, ne peut dès lors ordonner la communication à un tiers de données personnelles dans des conditions contraires au règlement susvisé ; qu'en ordonnant toutefois la communication à la salariée, sur une période comprise entre 2013 et 2019, de bulletins de paie de huit autres salariés, laissant apparaître leurs noms et prénoms, leurs classifications conventionnelles, leurs rémunérations mensuelles détaillées (fixes et variables) et leurs rémunérations brutes totales cumulées par année civile, sans vérifier si cette communication était contraire aux exigences du règlement européen susvisé qui s'impose au juge, en ce qu'elle conduisait à la divulgation à un tiers de l'ensemble des rémunérations des salariés concernés sur plusieurs années dans un but très différent de la finalité légale pour laquelle les ressources humaines les avaient collectées, sans que ces salariés n'aient pu s'y attendre, et sans que le juge n'édicte aucune garantie de sécurité, de confidentialité et de limitation de la durée de conservation, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145 du code de procédure civile et 4, 5, 6 et 32 du règlement européen susvisé ;
4°/ que le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte à la vie privée des salariés concernés soit proportionnée au but poursuivi ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié est déjà en mesure de présenter des éléments de fait susceptibles de laisser présumer l'existence de la discrimination qu'il allègue ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que la salariée justifiait d'un motif légitime à la communication des bulletins de paie, quand elle relevait déjà que les rapports égalité hommes/femmes versés aux débats démontraient une proportion de femmes minoritaire dans les effectifs, des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et un index d'égalité hommes/femmes pour l'année 2018 laissant une marge de progression, sans vérifier si la production supplémentaire qu'elle sollicitait, de huit salariés sur plusieurs années, était indispensable au droit de la preuve de la salariée et proportionnée au droit au respect de la vie privée des salariés concernés, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 9 du code civil, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 1132-1, L. 134-1, L. 1142-1, L. 1144-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte du point (4) de l'introduction du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), que le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Il ajoute que le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les Traités, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.
6. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.
7. Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
8. Il appartient dès lors au juge saisi d'une demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, d'abord, de rechercher si cette communication n'est pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de l'inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi et s'il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.
9. La cour d'appel a relevé que, pour présenter des éléments laissant présumer l'existence de l'inégalité salariale alléguée entre elle et certains de ses collègues masculins, la salariée était bien fondée à obtenir la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d'encadrement, commerciales ou de marché, avec occultation des données personnelles à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.
10. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a fait ressortir que cette communication d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'autres salariés était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de la salariée à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Exane et Exane Derivatives aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Exane et Exane Derivatives et les condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour les sociétés Exane et Exane Derivatives
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les sociétés exposantes font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevables l'appel et les demandes de Madame [R] fondées sur l'article 145 du code de procédure civile ET DE LEUR AVOIR ordonné de communiquer à Mme [R] les bulletins de paie de MM. [K] [N], [F] [A], [U] [X], [C] [L], [S] [J], [H] [M], [Z] [Y], [K] [O], pour les périodes de février 2013 à janvier 2017 pour les quatre premiers, de mars 2017 à mai 2019 pour le cinquième et de janvier 2017 à mai 2019 pour les trois derniers, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée (fixe et variable) et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, le tout sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
ALORS QUE la partie qui, après avoir été déboutée de sa demande d'instruction avant tout procès fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, décide de saisir immédiatement au fond le juge du procès, ne remplit plus la condition de l'article 145 du code de procédure « d'une saisine avant tout procès » et se prive elle-même du droit de demander ensuite en appel, sur le fondement de ce texte, ladite mesure d'instruction; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle relevait qu'à la suite de l'ordonnance du 2 décembre 2019 ayant déclaré irrecevable sa demande de mesure d'instruction avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, Mme [R] avait décidé de saisir au fond le conseil de prud'hommes le 22 janvier 2020 ce, avant d'interjeter appel contre l'ordonnance, la cour d'appel ne pouvait déclarer recevable sa demande qui tendait à solliciter en appel la mesure d'instruction « avant tout procès »; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble le principe de la loyauté procédurale et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Les sociétés exposantes font grief à l'arrêt infirmatif attaqué DE LEUR AVOIR ordonné de communiquer à Mme [R] les bulletins de paie de MM. [K] [N], [F] [A], [U] [X], [C] [L], [S] [J], [H] [M], [Z] [Y], [K] [O], pour les périodes de février 2013 à janvier 2017 pour les quatre premiers, de mars 2017 à mai 2019 pour le cinquième et de janvier 2017 à mai 2019 pour les trois derniers, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée (fixe et variable) et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, le tout sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
1./ ALORS QUE le périmètre d'appréciation de la discrimination ou de l'égalité de traitement est l'entreprise ou l'unité économique et sociale, de sorte qu'un salarié n'a aucun motif légitime à solliciter, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication de bulletins de paie d'autres salariés du groupe n'appartenant ni à la même entreprise ni à la même unité économique et sociale ; qu'en ordonnant en l'espèce la communication des bulletins de paie de MM. [N] et [J], sans vérifier, comme elle y était invitée, s'ils étaient salariés d'une société tierce, la filiale londonienne EXANE LIMITED, régie par le droit anglais, qui n'appartenait pas à la même unité économique et sociale que les sociétés EXANE et EXANE DERIVATIVES dans lesquelles Mme [R] avait été successivement employée, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145 du code de procédure civile, L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 3221-2 du code du travail et le principe « à travail égal, salaire égal » ;
2./ ALORS AUSSI QUE le principe d'égalité de rémunération entre salariés suppose l'accomplissement d'un même travail ou d'un travail de valeur égale, de sorte qu'un salarié n'a pas de motif légitime à solliciter, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication de bulletins de paie d'autres salariés n'accomplissant un travail ni identique ni de valeur égale ; qu'en ordonnant en l'espèce la communication de bulletins de paie de MM. [N], [A], [X], [L], [J], [M] et [O], au prétexte de l'intitulé de leurs postes et de leur niveau de postes, comparable à celui de Mme [R], sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au regard de ses fonctions , Madame [R] exerçait un travail totalement différent de ceux auxquels elle se comparait, en l'absence de responsabilités en matière de maîtrise et de surveillance des risques de marché du groupe, de contrôle de conformité du trading au niveau du groupe et de management d'équipes de trading, de sorte que son travail n'était ni identique ni de valeur égale à ces salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 du code de procédure civile, L. 1132-1, L. 1142-1 et L. 3221-2 du code du travail et du principe « à travail égal, salaire égal » ;
3./ ALORS, ENCORE, QU'en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), les données à caractère personnel, collectées par l'employeur pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, doivent être traitées ultérieurement de manière compatible avec ces finalités, de manière licite, loyale et transparente à l'égard de la personne concernée, de façon à garantir un niveau de sécurité adapté permettant leur confidentialité et leur intégrité, et n'être conservées que la durée strictement nécessaire au regard de ces finalités ; que le juge, qui ne peut prononcer, en application de l'article 145 du code de procédure civile, que des mesures d'instruction légalement admissibles, ne peut dès lors ordonner la communication à un tiers de données personnelles dans des conditions contraires au règlement susvisé ; qu'en ordonnant toutefois la communication à Mme [R], sur une période comprise entre 2013 et 2019, de bulletins de paie de huit autres salariés, laissant apparaître leurs noms et prénoms, leurs classifications conventionnelles, leurs rémunérations mensuelles détaillées (fixes et variables) et leurs rémunérations brutes totales cumulées par année civile, sans vérifier si cette communication était contraire aux exigences du règlement européen susvisé qui s'impose au juge, en ce qu'elle conduisait à la divulgation à un tiers de l'ensemble des rémunérations des salariés concernés sur plusieurs années dans un but très différent de la finalité légale pour laquelle les ressources humaines les avaient collectées, sans que ces salariés n'aient pu s'y attendre, et sans que le juge n'édicte aucune garantie de sécurité, de confidentialité et de limitation de la durée de conservation, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145 du code de procédure civile et 4, 5, 6 et 32 du règlement européen susvisé ;
4./ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte à la vie privée des salariés concernés soit proportionnée au but poursuivi ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié est déjà en mesure de présenter des éléments de fait susceptibles de laisser présumer l'existence de la discrimination qu'il allègue ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que Mme [R] justifiait d'un motif légitime à la communication des bulletins de paie, quand elle relevait déjà que les rapports égalité hommes/femmes versés aux débats démontraient une proportion de femmes minoritaire dans les effectifs, des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et un index d'égalité hommes/femmes pour l'année 2018 laissant une marge de progression, sans vérifier si la production supplémentaire qu'elle sollicitait, de 8 salariés sur plusieurs années, était indispensable au droit de la preuve de Mme [R] et proportionnée au droit au respect de la vie privée des salariés concernés, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 9 du code civil, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 1132-1, L. 134-1, L. 1142-1, L. 1144-1 du code du travail.