Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mars 2023, 22-80.743, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mars 2023, 22-80.743, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 22-80.743
- ECLI:FR:CCASS:2023:CR00256
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 07 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 09 décembre 2021- Président
- M. Bonnal (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 22-80.743 F-D
N° 00256
SL2
7 MARS 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MARS 2023
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2021, qui, pour infraction au code de la santé publique, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [1] ([1]), les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [V] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Des voisins de l'établissement professionnel de la société [1] ([1]) se sont plaints des nuisances sonores résultant de son activité liée à l'acheminement de produits alimentaires par camions frigorifiques. Un rapport d'expertise commandé par l'un d'entre eux, M. [V] [Y], a conclu à un dépassement important des normes admises par le code de la santé publique.
3. La société [1] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour avoir, lors d'une activité professionnelle dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, été à l'origine d'un bruit de voisinage dépassant les valeurs limites de l'émergence globale ou de l'émergence spectrale prévues aux articles R. 1336-7, R. 1336-8 et R. 1334-23 du code de la santé publique.
4. Les juges du premier degré ont déclaré la prévenue coupable pour les faits commis le 10 juillet 2019 et l'ont relaxée pour ceux reprochés à d'autres dates.
5. La prévenue, le ministère public et une partie civile ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable des faits d'émission de bruit supérieur aux normes lors d'une activité non réglementée en matière de bruit commis le 10 juillet 2019 et l'a condamné au paiement d'une amende de 5 000 euros, alors :
« 1°/ que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que pour retenir la responsabilité pénale de la SA [1], du fait des nuisances sonores dont elle constate qu'en sont à l'origine des camions de livraison d'entreprises extérieures munis de dispositifs frigorifiques stationnant sur la voie publique, à proximité de la société [1], dans l'attente des chargements et déchargements, la cour d'appel énonce qu'en application de l'article R. 1336-5 du code de la santé publique, « la responsabilité légale de l'auteur des faits peut même aller plus loin que sa propre responsabilité personnelle » ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a retenu la responsabilité pénale de la SA [1] du fait d'autrui ; qu'elle a violé les articles 121-1 et 121-2 du code pénal, et R. 1336-5 et R. 1337-6 du code de la santé publique ;
2°/ que la contravention prévue par l'article R. 1337-6 du code de la santé publique suppose que, par son fait personnel, le prévenu, fût-ce par l'intermédiaire d'autrui, ait été à l'origine du bruit ; que par suite, le prévenu ne peut être à l'origine du bruit par l'intermédiaire d'autrui que lorsqu'il est en mesure de prévenir ou de faire cesser les nuisances sonores ; que pour écarter l'argumentation de la SA [1] selon laquelle elle ne disposait d'aucun pouvoir de contrôle et de direction à l'égard des chauffeurs des camions frigorifiques de ses fournisseurs lorsqu'ils sont sur la voie publique, de sorte qu'aucun fait personnel ne pouvait lui être reproché, l'arrêt attaqué retient que les va et vient des camions « lui sont nécessaires pour exercer son activité » et que son gérant « n'a en rien démontré ses efforts pour régler le problème » ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SA [1] était en mesure de prévenir ou faire cesser les nuisances sonores provenant de camions stationnés sur la voie publique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1 et 121-2 du code pénal, et R. 1336-5 et R. 1337-6 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
7. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la société prévenue coupable des faits commis le 10 juillet 2019, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que les bruits constatés notamment par un rapport d'expertise dépassaient les valeurs limites de l'émergence globale ou de l'émergence spectrale prévues à l'article R. 1336-6 du code de la santé publique, énonce que ces nuisances sonores résultent de l'activité professionnelle habituelle de la société, de sorte qu'il n'est pas contestable qu'elle en est à l'origine.
8. Le juge ajoute que, dans le cadre de cette activité, la société se fait livrer et expédie quotidiennement, par des camions, des marchandises qui doivent être conservées, pour maintenir une température adéquate, dans des dispositifs frigorifiques composés de compresseurs à l'origine des nuisances.
9. Il précise que ces camions stationnent à proximité de l'établissement, dans l'attente des chargements ou des déchargements, de nuit ou de jour, sans horaires contraints, créant de façon imprévisible et aléatoire des nuisances auxquelles la municipalité a tenté de mettre un terme en interdisant le stationnement à certaines plages horaires.
10. Il souligne que la société est parfaitement consciente de ces nuisances, puisqu'elle a engagé des travaux au niveau des aménagements des quais de chargement ou déchargement pour qu'ils soient disposés de manière à atténuer au maximum les nuisances sonores, mais que ces dernières résultent, en fait, principalement des compresseurs des camions frigorifiques.
11. Il constate que l'expert a relevé que la société [1] devrait prendre les dispositions nécessaires afin de se mettre en conformité avec les exigences du code de la santé publique, comme notamment l'arrêt des compresseurs lors des chargements ou la mise en place de dispositifs d'insonorisation sur les compresseurs, et qu'à court terme, un protocole entre la société et le voisinage pouvait être opportun pour définir des plages horaires de livraison fixes et limitées.
12. Il relève que la prise d'un arrêté municipal interdisant l'accès de la zone industrielle entre vingt-deux heures et sept heures du matin, les nombreuses interventions des policiers municipaux et les négociations amiables ont été vaines.
13. Le juge retient encore que l'argumentation selon laquelle la société n'est pas responsable des camions qui la livrent, sur lesquels elle n'a aucune prise, n'est pas recevable dans la mesure où, selon le texte d'incrimination, il suffit que, dans le cadre de son activité professionnelle organisée de façon habituelle, il soit établi que la société est à l'origine des nuisances sonores, ce qui est le cas en l'espèce, puisque les va-et-vient de ces véhicules lui sont nécessaires pour exercer son activité et augmenter son chiffre d'affaires.
14. La cour d'appel en conclut, s'agissant de la responsabilité pénale d'une personne morale, que la faute a bien été commise, dans l'intérêt de la société, par son gérant, qui n'a en rien démontré ses efforts pour régler le problème, alors qu'il a été alerté à ce sujet depuis des années, y compris par la municipalité.
15. En statuant ainsi, par des motifs établissant, d'une part, que la société prévenue est à l'origine des nuisances sonores reprochées, d'autre part, qu'elle était en mesure de les prévenir ou de les faire cesser par les moyens dont elle disposait, y compris vis-à-vis de ses fournisseurs, la cour d'appel a justifié sa décision.
16. Ainsi, le moyen, inopérant en sa première branche comme critiquant un motif surabondant, doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Fixe à 2 500 euros la somme que la société [1] devra payer à M. [Y] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00256
N° U 22-80.743 F-D
N° 00256
SL2
7 MARS 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MARS 2023
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2021, qui, pour infraction au code de la santé publique, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [1] ([1]), les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [V] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Des voisins de l'établissement professionnel de la société [1] ([1]) se sont plaints des nuisances sonores résultant de son activité liée à l'acheminement de produits alimentaires par camions frigorifiques. Un rapport d'expertise commandé par l'un d'entre eux, M. [V] [Y], a conclu à un dépassement important des normes admises par le code de la santé publique.
3. La société [1] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour avoir, lors d'une activité professionnelle dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, été à l'origine d'un bruit de voisinage dépassant les valeurs limites de l'émergence globale ou de l'émergence spectrale prévues aux articles R. 1336-7, R. 1336-8 et R. 1334-23 du code de la santé publique.
4. Les juges du premier degré ont déclaré la prévenue coupable pour les faits commis le 10 juillet 2019 et l'ont relaxée pour ceux reprochés à d'autres dates.
5. La prévenue, le ministère public et une partie civile ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable des faits d'émission de bruit supérieur aux normes lors d'une activité non réglementée en matière de bruit commis le 10 juillet 2019 et l'a condamné au paiement d'une amende de 5 000 euros, alors :
« 1°/ que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que pour retenir la responsabilité pénale de la SA [1], du fait des nuisances sonores dont elle constate qu'en sont à l'origine des camions de livraison d'entreprises extérieures munis de dispositifs frigorifiques stationnant sur la voie publique, à proximité de la société [1], dans l'attente des chargements et déchargements, la cour d'appel énonce qu'en application de l'article R. 1336-5 du code de la santé publique, « la responsabilité légale de l'auteur des faits peut même aller plus loin que sa propre responsabilité personnelle » ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a retenu la responsabilité pénale de la SA [1] du fait d'autrui ; qu'elle a violé les articles 121-1 et 121-2 du code pénal, et R. 1336-5 et R. 1337-6 du code de la santé publique ;
2°/ que la contravention prévue par l'article R. 1337-6 du code de la santé publique suppose que, par son fait personnel, le prévenu, fût-ce par l'intermédiaire d'autrui, ait été à l'origine du bruit ; que par suite, le prévenu ne peut être à l'origine du bruit par l'intermédiaire d'autrui que lorsqu'il est en mesure de prévenir ou de faire cesser les nuisances sonores ; que pour écarter l'argumentation de la SA [1] selon laquelle elle ne disposait d'aucun pouvoir de contrôle et de direction à l'égard des chauffeurs des camions frigorifiques de ses fournisseurs lorsqu'ils sont sur la voie publique, de sorte qu'aucun fait personnel ne pouvait lui être reproché, l'arrêt attaqué retient que les va et vient des camions « lui sont nécessaires pour exercer son activité » et que son gérant « n'a en rien démontré ses efforts pour régler le problème » ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SA [1] était en mesure de prévenir ou faire cesser les nuisances sonores provenant de camions stationnés sur la voie publique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1 et 121-2 du code pénal, et R. 1336-5 et R. 1337-6 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
7. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la société prévenue coupable des faits commis le 10 juillet 2019, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que les bruits constatés notamment par un rapport d'expertise dépassaient les valeurs limites de l'émergence globale ou de l'émergence spectrale prévues à l'article R. 1336-6 du code de la santé publique, énonce que ces nuisances sonores résultent de l'activité professionnelle habituelle de la société, de sorte qu'il n'est pas contestable qu'elle en est à l'origine.
8. Le juge ajoute que, dans le cadre de cette activité, la société se fait livrer et expédie quotidiennement, par des camions, des marchandises qui doivent être conservées, pour maintenir une température adéquate, dans des dispositifs frigorifiques composés de compresseurs à l'origine des nuisances.
9. Il précise que ces camions stationnent à proximité de l'établissement, dans l'attente des chargements ou des déchargements, de nuit ou de jour, sans horaires contraints, créant de façon imprévisible et aléatoire des nuisances auxquelles la municipalité a tenté de mettre un terme en interdisant le stationnement à certaines plages horaires.
10. Il souligne que la société est parfaitement consciente de ces nuisances, puisqu'elle a engagé des travaux au niveau des aménagements des quais de chargement ou déchargement pour qu'ils soient disposés de manière à atténuer au maximum les nuisances sonores, mais que ces dernières résultent, en fait, principalement des compresseurs des camions frigorifiques.
11. Il constate que l'expert a relevé que la société [1] devrait prendre les dispositions nécessaires afin de se mettre en conformité avec les exigences du code de la santé publique, comme notamment l'arrêt des compresseurs lors des chargements ou la mise en place de dispositifs d'insonorisation sur les compresseurs, et qu'à court terme, un protocole entre la société et le voisinage pouvait être opportun pour définir des plages horaires de livraison fixes et limitées.
12. Il relève que la prise d'un arrêté municipal interdisant l'accès de la zone industrielle entre vingt-deux heures et sept heures du matin, les nombreuses interventions des policiers municipaux et les négociations amiables ont été vaines.
13. Le juge retient encore que l'argumentation selon laquelle la société n'est pas responsable des camions qui la livrent, sur lesquels elle n'a aucune prise, n'est pas recevable dans la mesure où, selon le texte d'incrimination, il suffit que, dans le cadre de son activité professionnelle organisée de façon habituelle, il soit établi que la société est à l'origine des nuisances sonores, ce qui est le cas en l'espèce, puisque les va-et-vient de ces véhicules lui sont nécessaires pour exercer son activité et augmenter son chiffre d'affaires.
14. La cour d'appel en conclut, s'agissant de la responsabilité pénale d'une personne morale, que la faute a bien été commise, dans l'intérêt de la société, par son gérant, qui n'a en rien démontré ses efforts pour régler le problème, alors qu'il a été alerté à ce sujet depuis des années, y compris par la municipalité.
15. En statuant ainsi, par des motifs établissant, d'une part, que la société prévenue est à l'origine des nuisances sonores reprochées, d'autre part, qu'elle était en mesure de les prévenir ou de les faire cesser par les moyens dont elle disposait, y compris vis-à-vis de ses fournisseurs, la cour d'appel a justifié sa décision.
16. Ainsi, le moyen, inopérant en sa première branche comme critiquant un motif surabondant, doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Fixe à 2 500 euros la somme que la société [1] devra payer à M. [Y] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-trois.