Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 février 2023, 21-18.322, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 février 2023, 21-18.322, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-18.322
- ECLI:FR:CCASS:2023:C200166
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 16 février 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 19 avril 2021- Président
- M. Pireyre
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 février 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 166 FS-B
Pourvoi n° Z 21-18.322
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-18.322 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010, 2011 et 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 28 juin 2013, suivie d'une mise en demeure le 6 septembre 2013.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 6, alors :
« 1°/ que la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;
2°/ que lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20 % des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20 % et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;
3°/ qu'à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n° 6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
5. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.
6. L'arrêt relève que l'inspecteur du recouvrement a considéré que les révocations des mandats sociaux et les licenciements de MM. [E] et [U] constituaient des actes fictifs donnant lieu au versement de sommes indemnisant leur mise à l'écart de la société, que l'inspecteur du recouvrement a fondé le redressement sur la mise en place d'un habillage légal des ruptures en constatant qu'il n'existait pas de nette séparation entre les attributions techniques des emplois respectifs de directeur administratif et financier et de directeur d'exploitation des intéressés et celles relevant de leurs mandats sociaux antérieurs officiels, puisqu'ils avaient continué à présider à tour de rôle les assemblées générales et que leur rémunération au titre du contrat de travail, en l'absence de lien de subordination, était identique à celle perçue au titre du mandat social. Il retient que l'inspecteur en a déduit que les contrats de travail n'étaient pas réels et a calculé le redressement pour les indemnités perçues lors des licenciements qui n'avaient pas été soumis à cotisations et contributions sociales.
7. De ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement, qui avait écarté les actes litigieux en raison de leur caractère fictif, s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais
L'URSSAF Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR annulé le chef de redressement n°6 pour non-respect des dispositions des articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale, figurant dans la lettre d'observations notifiée à la société [3], et d'AVOIR condamné la société [3] à payer, en deniers ou quittance valable, les causes de la mise en demeure du 6 septembre 2013 diminuées des cotisations et majorations réclamées au titre du chef de redressement n°6,
1/ ALORS QUE la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales (lettre d'observations p.15) ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS QUE, en toute hypothèse, lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20% des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20% et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
3/ ALORS QUE, à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n°6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige.ECLI:FR:CCASS:2023:C200166
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 février 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 166 FS-B
Pourvoi n° Z 21-18.322
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-18.322 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010, 2011 et 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 28 juin 2013, suivie d'une mise en demeure le 6 septembre 2013.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 6, alors :
« 1°/ que la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;
2°/ que lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20 % des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20 % et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;
3°/ qu'à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n° 6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
5. Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.
6. L'arrêt relève que l'inspecteur du recouvrement a considéré que les révocations des mandats sociaux et les licenciements de MM. [E] et [U] constituaient des actes fictifs donnant lieu au versement de sommes indemnisant leur mise à l'écart de la société, que l'inspecteur du recouvrement a fondé le redressement sur la mise en place d'un habillage légal des ruptures en constatant qu'il n'existait pas de nette séparation entre les attributions techniques des emplois respectifs de directeur administratif et financier et de directeur d'exploitation des intéressés et celles relevant de leurs mandats sociaux antérieurs officiels, puisqu'ils avaient continué à présider à tour de rôle les assemblées générales et que leur rémunération au titre du contrat de travail, en l'absence de lien de subordination, était identique à celle perçue au titre du mandat social. Il retient que l'inspecteur en a déduit que les contrats de travail n'étaient pas réels et a calculé le redressement pour les indemnités perçues lors des licenciements qui n'avaient pas été soumis à cotisations et contributions sociales.
7. De ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement, qui avait écarté les actes litigieux en raison de leur caractère fictif, s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize février deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais
L'URSSAF Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR annulé le chef de redressement n°6 pour non-respect des dispositions des articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale, figurant dans la lettre d'observations notifiée à la société [3], et d'AVOIR condamné la société [3] à payer, en deniers ou quittance valable, les causes de la mise en demeure du 6 septembre 2013 diminuées des cotisations et majorations réclamées au titre du chef de redressement n°6,
1/ ALORS QUE la divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement s'était limité à constater que, contrairement à ce que la société [3] avait considéré, Messieurs [E] et [U] n'étaient pas liés à la société par un contrat de travail à défaut de tout lien de subordination, de fonctions techniques distinctes de leur mandat et de rémunération spécifique ; qu'il en déduisait que les sommes versées à l'occasion de la rupture de leur contrat avaient été improprement qualifiées d'indemnités de licenciement et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales (lettre d'observations p.15) ; que l'origine du redressement résidait donc dans une simple divergence d'appréciation entre la société et l'URSSAF quant à la qualification de la relation de travail liant les intéressés à la société ; qu'en jugeant pourtant que le redressement était motivé par l'abus de droit, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS QUE, en toute hypothèse, lorsque l'URSSAF considère que le comportement du cotisant procède de l'abus de droit, elle applique une pénalité de 20% des cotisations et contributions dues, le cotisant ayant la faculté de saisir le comité des abus de droit en cas de désaccord ; qu'il appartient exclusivement à l'URSSAF, au vu des éléments qui lui sont soumis, de déterminer si elle souhaite se placer sur le terrain de la procédure d'abus de droit ou faire application du droit commun ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'URSSAF aurait dû appliquer la procédure d'abus de droit et ainsi permettre au cotisant de saisir le comité des abus de droit, quand il ressortait de ses constatations que l'URSSAF n'avait pas fait application de la pénalité de 20% et ne s'était ainsi, délibérément, pas placée sur le terrain de l'abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
3/ ALORS QUE, à tout le moins, la procédure d'abus de droit requiert que le cotisant puisse demander que le litige soit soumis à l'avis du comité des abus de droit ; que ce comité ne disposant plus de membres depuis le 12 janvier 2015, il n'est plus actif, si bien que la procédure d'abus de droit ne peut plus être mise en oeuvre, l'URSSAF devant faire application du droit commun ; qu'en jugeant pourtant que le non-respect de la procédure applicable en matière d'abus de droit et l'application du droit commun par l'URSSAF devait entraîner l'annulation du chef de redressement n°6, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige.