Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 février 2023, 21-20.572, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 février 2023




Cassation partielle partiellement sans renvoi


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 184 F-B

Pourvoi n° V 21-20.572




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023

M. [I] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-20.572 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Serviclean, services industriels & commerciaux en hygiène et propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Serviclean, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2020), M. [B] a été engagé par la société Serviclean en qualité d'agent qualifié propreté. Le contrat prévoyait un salaire mensuel auquel s'ajoutait une prime mensuelle de forfait vitrerie. Le salarié était titulaire d'un mandat de délégué du personnel.

2. Le 10 mars 2009, le médecin du travail a déclaré que le salarié était apte à ses fonctions de laveur de vitres mais seulement pour une hauteur maximale de trois mètres. L'employeur a reclassé le salarié sur un poste d'ouvrier nettoyeur et, par lettre du 21 décembre 2010, l'a informé que la prime de forfait vitrerie serait intégrée dans sa rémunération brute mensuelle.

3. Le 20 décembre 2011, l'employeur a notifié au salarié une mutation disciplinaire.

4. Le 10 juin 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire et de primes.

5. Le 14 novembre 2014, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.

6. Le 20 novembre 2014, puis le 2 décembre 2014, l'employeur a convoqué le comité d'entreprise en réunion extraordinaire afin de délibérer sur le licenciement envisagé du salarié. Le 10 décembre 2014, l'employeur a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier. Le 19 janvier 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. Par lettre du 26 janvier 2015, l'employeur a demandé au salarié de reprendre son poste et a précisé qu'il lui notifiait un avertissement pour les faits qui l'avaient conduit à envisager un licenciement à son encontre.

7. Par ordonnance du 29 janvier 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à verser au salarié une provision à valoir sur les primes de forfait vitrerie. Cette ordonnance a été annulée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 juin 2018.

Recevabilité du mémoire en défense examinée d'office

8. Le mémoire en défense, qui n'a pas été déposé ni notifié dans le délai prévu par l'article 982 du code de procédure civile, est irrecevable.

Examen des moyens

Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, alors « que le juge ne peut débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral au seul motif qu'il ne donne aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté sans s'être prononcé au préalable sur l'existence d'un harcèlement moral ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en estimant ne pas avoir à statuer sur la demande formée par M. [B] au titre du harcèlement moral et en conséquence la rejeter au motif qu'à supposer que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral, il ne donnait aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail :

11. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

12. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient que celui-ci ne donne aucun élément sur le préjudice qui en serait résulté, alors qu'aucun préjudice n'est automatique.

13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait préalablement de rechercher si les faits présentés par le salarié ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral et si, dans l'affirmative, l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 et de sa demande de dommages-intérêts pour mutation disciplinaire imposée et injustifiée et au titre d'un harcèlement moral, alors « qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et que l'acceptation par un salarié protégé d'une modification de son contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail ; qu'il en résulte qu'un salarié protégé ne peut se voir imposer, sans son accord, une mutation disciplinaire sur un autre site ; qu'en refusant d'annuler la mutation disciplinaire imposée le 21 novembre 2011 à M. [B] sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si cette mutation n'était pas constitutive d'une violation du statut protecteur attaché à son mandat de membre élu de la délégation unique du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L 1221-1, L 1331-1, L 2411-1 et L 2411-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil et l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

15. Aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et il appartient à l'employeur d'engager la procédure de licenciement en cas de refus du salarié de cette modification en demandant l'autorisation de l'inspecteur du travail.

16. L'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail.

17. Pour débouter le salarié de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire, l'arrêt retient que cette mutation a été mise en oeuvre le 4 janvier 2012 suivant la lettre de l'employeur du 20 décembre 2011, après entretien préalable au cours duquel le salarié a été entendu assisté d'un salarié de l'entreprise, que le salarié a rejoint son nouveau lieu de travail à la date indiquée et ne justifie nullement les éléments de nullité qui entacheraient cette décision ainsi que l'existence d'un préjudice en résultant, n'explicitant pas la communauté de travail à laquelle il aurait été éloigné de ce fait alors qu'il travaillait auprès de clients et pas dans le cadre d'un emploi sédentaire avec d'autres salariés de l'entreprise.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le sixième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

19. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 euros avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement, alors « que l'ordonnance rendue le 29 janvier 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles ayant ordonné à la société Serviclean de verser à M. [B] la somme de 16 000 euros à titre de provision à valoir sur la prime ''forfait vitrerie'' a été annulée, sur appel nullité de la société Serviclean, par la cour d'appel de Versailles aux termes d'un arrêt daté du 21 juin 2018 ; que cet arrêt emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance déférée et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de remboursement présentée par la société Serviclean et en condamnant le salarié à lui payer la somme de 15 194,64 euros avec intérêts aux taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement quand l'employeur disposait déjà d'un titre exécutoire pour obtenir la restitution de cette somme, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles L 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 561 du code de procédure civile :

20. Aux termes de ce texte, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du code de procédure civile.

21. Pour condamner le salarié à restituer la provision versée par l'employeur, l'arrêt constate que l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes du 29 janvier 2015, qui a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 16 000 euros, a été annulée par un arrêt de la cour d'appel du 21 juin 2018, de sorte que les sommes versées au salarié de ce chef ne sont pas dues et doivent être remboursées par lui.

22.En statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution résulte de plein droit de l'annulation de l'ordonnance assortie de l'exécution provisoire, la cour d'appel, qui n'avait pas à statuer sur cette demande, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

23. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

24. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond du chef de la demande de remboursement de l'employeur de la somme versée au salarié à titre de provision sur la prime de forfait vitrerie.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 20 décembre 2011 et de sa demande de dommages-intérêts pour mutation disciplinaire imposée, en ce qu'il condamne M. [B] aux dépens et à payer à la société Serviclean la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, par voie de retranchement, en ce qu'il condamne M. [B] à rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 euros avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la demande de remboursement par M. [B] à la société Serviclean de la somme de 15 194,64 euros ;

Constate que l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Versailles le 21 juin 2018, annulant l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles du 29 janvier 2015, emporte obligation de procéder au remboursement susvisé ;

Remet, sur les points restant en litige, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Serviclean aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Serviclean et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [B]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral au seul motif qu'il ne donne aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté sans s'être prononcé au préalable sur l'existence d'un harcèlement moral ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en estimant ne pas avoir à statuer sur la demande formée par M. [B] au titre du harcèlement moral et en conséquence la rejeter au motif qu'à supposer que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral, il ne donnait aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ; qu'en l'espèce, M. [B] a sollicité, dans le dispositif de ses conclusions, une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral après avoir soutenu que les faits exposés et détaillés dans ses conclusions laissaient supposer une situation de harcèlement moral qu'il appartenait à l'employeur de justifier ; qu'en retenant, pour débouter M. [B] de ce chef de demande, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'avait pas à statuer sur cette demande motif pris que le salarié ne donnait aucun élément dans sa discussion sur le préjudice qui aurait résulté du harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article précité ;

3°) ALORS Qu'à supposer que l'arrêt ait adopté la motivation du jugement confirmé ayant débouté M. [B] au motif qu'il n'apportait pas d'éléments ou ne rapportait pas la preuve de faits pouvant constituer du harcèlement moral quand il n'appartenait pas au salarié de caractériser un harcèlement mais seulement d'établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, la cour d'appel a violé les article 1152-1 et 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

4°) ALORS, en tout état de cause, QUE le salarié, victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, subi un préjudice consécutif à l'atteinte porté aux droits à la santé et à la dignité de la personne constitutionnellement et conventionnellement garantis ; qu'en déboutant M. [B] de sa demande au titre du harcèlement moral au seul motif qu'à supposer que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral, il ne donnait aucun élément sur le préjudice qui en aurait résulté, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1, L. 1154-1, 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 26-2 de la Charte social européenne ainsi que l‘alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 496,80 €, outre la somme de 49,68 € au titre des congés payés afférents, le rappel de salaire au titre de la prime forfait vitrerie de janvier à décembre 2019, de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement de la prime « forfait vitrerie » et au titre du harcèlement moral et d'avoir confirmé le jugement ayant dit qu'il devait rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € et de l'avoir condamné à payer à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € avec intérêts au taux légal à compter es conclusions demandant le remboursement ;

ALORS QUE la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié ; que selon les constatations de l'arrêt attaqué, à compter de janvier 2011, l'employeur a supprimé, sans l'accord du salarié, la prime « forfait vitrerie » prévue à son contrat de travail pour un montant de 2000 francs – soit 304,90 € - à la faveur d'une augmentation de sa rémunération de base d'un montant de 300 €, ce dont la cour d'appel aurait dû déduire que cette prime était toujours due et que M. [B] était fondé à réclamer le paiement d'un rappel de salaire correspondant à l'intégralité du montant des primes non versées ; qu'en déboutant M. [B] de cette demande, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L 1221-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 et de sa demande de dommages et intérêts pour mutation disciplinaire imposée et injustifiée et au titre du harcèlement moral ;

ALORS QU'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et que l'acceptation par un salarié protégé d'une modification de son contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail ; qu'il en résulte qu'un salarié protégé ne peut se voir imposer, sans son accord, une mutation disciplinaire sur un autre site ; qu'en refusant d'annuler la mutation disciplinaire imposée le 21 novembre 2011 à M. [B] sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si cette mutation n'était pas constitutive d'une violation du statut protecteur attaché à son mandat de membre élu de la délégation unique du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L 1221-1, L 1331-1, L 2411-1 et L 2411-5 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement du 26 janvier 2015 et de sa demande de dommages et intérêts pour avertissements injustifiées et au titre du harcèlement moral,

1°) ALORS QU' aux termes de la décision du 19 janvier 2015, l'inspecteur du travail a refusé la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée par l'employeur - qui reprochait à M. [B] d'avoir insulté, le 8 novembre 2014, son supérieur hiérarchique, M. [E] [S] - car les témoignages recueillis lors de l'enquête ne permettaient pas d'établir avec certitude la matérialité des faits reprochés ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation de l'avertissement notifiée au salarié le 26 janvier 2015 pour les mêmes faits, que la réalité de ces faits était apparue à l'administration du travail, la cour d'appel a dénaturé la décision précitée en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°) ALORS QUE l'inspecteur du travail a refusé la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave présentée par l'employeur dès lors que les témoignages recueillis lors de l'enquête ne permettaient pas d'établir avec certitude la matérialité des faits reprochés à M. [B] ; que ces motifs, soutien nécessaire de la décision de refus, s'imposent au juge judiciaire ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation de l'avertissement notifiée au salarié le 26 janvier 2015, que l'employeur avait pu prendre une sanction de bien moindre gravité pour les mêmes faits que ceux ayant motivé la demande d'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et de l'autorité de la chose jugée en matière administrative.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et de prime d'expérience du 28 janvier au 15 février 2015 et de dommages et intérêt pour défaut de paiement des salaires et au titre du harcèlement moral,

1°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que nonobstant la délivrance d'une fiche de paie, c'est à l'employeur, débiteur de cette obligation, qu'il incombe de prouver le paiement du salaire ; qu'en déboutant M. [B] de sa demande de rappel de salaires sur la période de la mise à pied conservatoire injustifiée au motif qu'il ne justifiait pas que ses salaires n'ont pas été payés, ses bulletins de salaire démontrant le contraire, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de M. [B] qui faisait valoir que son refus de reprendre le travail immédiatement après l'injonction faite par l'employeur le 26 janvier 2015 était justifié par le fait qu'il n'avait pas été payé de l'intégralité des salaires dont il avait été privé pendant la période de mise à pied conservatoire privée d'effet à la suite du refus de l'inspection du travail d'autoriser son licenciement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement ;

1°) ALORS QUE l'ordonnance rendue le 29 janvier 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles ayant ordonné à la société Serviclean de verser à M. [B] la somme de 16 000 € à titre de provision à valoir sur la prime « forfait vitrerie » a été annulée, sur appel nullité de la société Serviclean, par la cour d'appel de Versailles aux termes d'un arrêt daté du 21 juin 2018 ; que cet arrêt emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance déférée et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de remboursement présentée par la société Serviclean et en condamnant le salarié à lui payer la somme de 15 194,64 € avec intérêts aux taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement quand l'employeur disposait déjà d'un titre exécutoire pour obtenir la restitution de cette somme, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles L 111-2 et L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir :

2°) ALORS QU'en confirmant le jugement ayant dit que M. [B] devait rembourser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 € et en condamnant, une seconde fois, M. [B] à rembourser la somme de 15 194,64 € à la société Serviclean, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00184
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