Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 février 2023, 22-10.187, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 février 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 122 FS-B

Pourvoi n° C 22-10.187













R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023

La société Habitat parisien, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-10.187 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Ville de [Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 4],

2°/ à la société JLP Fidji, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Habitat parisien, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 5], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société JLP Fidji, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Davoine, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2021), la Ville de [Localité 5] a assigné devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, les sociétés JLP Fidji et Habitat parisien, respectivement propriétaire et locataire d'un local à usage d'habitation situé à [Localité 5], afin de les voir condamner au paiement d'une amende civile, pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

3. La société Habitat parisien fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une amende civile de 50 000 euros, alors :

« 1°/ qu'est passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article ; que lorsqu'un contrat de bail autorise le locataire à sous-louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, c'est au bailleur qu'il appartient d'obtenir l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 de ce code, tout particulièrement lorsque celle-ci est subordonnée à une compensation ; que le locataire, auquel le bailleur a garanti la possibilité de procéder à de telles sous-locations et la licéité de celles-ci, ne peut être tenu responsable d'un éventuel changement d'usage des locaux effectué sans autorisation préalable ; qu'en relevant, au contraire, pour juger que, malgré sa qualité de locataire, la société Habitat parisien serait passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, que cette société ne pouvait ignorer la réglementation applicable au regard des dispositions régissant le changement d'usage, notamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 631-7, qu'il appartenait tant au propriétaire qu'au locataire chargé de louer le bien pour de courtes durées de s'assurer de l'obtention des autorisations personnelles de changement d'usage, nonobstant l'attestation sur l'honneur du bailleur inopérante et que la société Habitat parisien aurait ainsi enfreint les règles régissant la location touristique de courte durée, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ en toute hypothèse, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat parisien prévoyait l'autorisation expresse que le locataire puisse sous-louer, prêter, de manière temporaire ce logement ; qu'en affirmant que le modèle de bail imposé par la société Habitat parisien ne ferait pas même référence à des locations touristiques de courte durée mais seulement à des locations meublées pour des périodes déterminées, de sorte que la SARL Habitat parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme ou non aux textes, cependant que la clause précitée autorisait précisément le locataire à louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ que la cassation qui sera prononcée sur ce moyen entraînera également la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à garantir la société Habitat parisien de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, selon l'article L. 631-7, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.

5. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article.

6. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne, qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article, est condamnée à une amende civile.

7. Dès lors, est passible d'une condamnation au paiement d'une telle amende civile, le locataire qui sous-loue un local meublé destiné à l'habitation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7 précité.

8. Ayant relevé, à bon droit, qu'il appartenait à la société Habitat parisien de s'assurer de l'autorisation du changement d'usage, la cour d'appel en a exactement déduit que l'avenant au contrat de location, selon lequel la société JLP Fidji lui aurait garanti la licéité de « la location meublée de courtes durées », ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité.

9. Ayant constaté que la locataire avait, sans autorisation de changement d'usage, sous-loué le local meublé destiné à l'habitation, de manière répétée pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élisait pas domicile, la cour d'appel a pu la condamner au paiement d'une amende civile.

10. En second lieu, la cassation n'étant pas prononcée sur les première et deuxième branches, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La société Habitat parisien fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, alors :

« 1°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat parisien prévoyait que cette dernière était autorisée à sous-louer et à prêter de manière temporaire le logement et, d'autre part, que par avenant du 2 octobre 2017, le bailleur, à la suite de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (dite loi ALUR), a indiqué garantir sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées ; qu'en rejetant l'appel en garantie formé par la société Habitat parisien à l'encontre de la société JLP Fidji, cependant que cette société était tenue, au titre de son obligation de délivrance, de garantir à son locataire, la société Habitat parisien, la possibilité d'exercer, dans le local loué, une activité de location saisonnière conformément à la destination convenue dans le bail, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ensemble l'article 1719 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, qu'en affirmant que la tromperie alléguée ne serait pas démontrée, quand elle relevait elle-même que la société JLP Fidji avait autorisé la société Habitat parisien à sous-louer de manière temporaire le logement et qu'elle avait ensuite garanti sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées, ce dont il résultait que la société JLP Fidji avait ainsi laissé croire à sa locataire qu'aucun obstacle légal ne s'opposait à ce qu'elle exerce une activité de location saisonnière dans le local litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

13. Ayant relevé, au terme d'une interprétation souveraine du contrat du 5 novembre 2012, que la société Habitat parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme aux textes, la cour d'appel a pu déduire de ce seul motif que la garantie de délivrance de la bailleresse ne pouvait l'exonérer de sa responsabilité de ce chef.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Habitat parisien aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Habitat parisien et JLP Fidji et condamne la société Habitat parisien à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Habitat parisien

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Habitat Parisien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'appartement situé dans l'immeuble du [Adresse 2] et de l'avoir, en conséquence, condamnée à verser à la Ville de [Localité 5] une amende civile de 50 000 euros et d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ;

ALORS QUE le juge ne peut statuer qu'au regard des conclusions régulièrement notifiées aux parties ; qu'en statuant au visa de conclusions de la Ville de [Localité 5] remises le 12 février 2021, lesquelles n'ont pas été notifiées à la société Habitat Parisien, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société Habitat Parisien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'appartement situé dans l'immeuble du [Adresse 2] et de l'avoir, en conséquence, condamnée à verser à la Ville de [Localité 5] une amende civile de 50 000 euros et d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ;

1°) ALORS QU'est passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation « toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article » ; que lorsqu'un contrat de bail autorise le locataire à sous-louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, c'est au bailleur qu'il appartient d'obtenir l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 de ce code, tout particulièrement lorsque celle-ci est subordonnée à une compensation ; que le locataire, auquel le bailleur a garanti la possibilité de procéder à de telles sous-locations et la licéité de celles-ci, ne peut être tenu responsable d'un éventuel changement d'usage des locaux effectué sans autorisation préalable ; qu'en relevant, au contraire, pour juger que, malgré sa qualité de locataire, la société Habitat Parisien serait passible de l'amende prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, que cette société « ne pouvait ignorer la réglementation applicable au regard des dispositions régissant le changement d'usage, notamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 631-7 », qu'il appartenait « tant au propriétaire qu'au locataire chargé de louer le bien pour de courtes durées de s'assurer de l'obtention des autorisations personnelles de changement d'usage, nonobstant l'attestation sur l'honneur du bailleur inopérante » et que la société Habitat Parisien aurait ainsi « enfreint les règles régissant la location touristique de courte durée », la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat Parisien prévoyait « l'autorisation expresse que le locataire puisse sous-louer, prêter, de manière temporaire ce logement » ; qu'en affirmant que le modèle de bail imposé par la société Habitat Parisien ne ferait « pas même référence à des locations touristiques de courte durée mais seulement à des locations meublées pour des périodes déterminées, de sorte que la SARL Habitat Parisien avait toute latitude pour mettre en place une location conforme ou non aux textes », cependant que la clause précitée autorisait précisément le locataire à louer le local de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la cassation qui sera prononcée sur ce moyen entraînera également la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à garantir la société Habitat Parisien de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

La société Habitat Parisien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société JLP Fidji à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ;

1°) ALORS QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, que le contrat de bail conclu entre la société JLP Fidji et la société Habitat Parisien prévoyait que cette dernière était autorisée à sous-louer et à prêter de manière temporaire le logement et, d'autre part, que par avenant du 2 octobre 2017, le bailleur, à la suite de la loi ALUR du 24 mars 2014, a indiqué « garantir sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées » ; qu'en rejetant l'appel en garantie formé par la société Habitat Parisien à l'encontre de la société JLP Fidji, cependant que cette société était tenue, au titre de son obligation de délivrance, de garantir à son locataire, la société Habitat Parisien, la possibilité d'exercer, dans le local loué, une activité de location saisonnière conformément à la destination convenue dans le bail, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ensemble l'article 1719 du code civil ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant que la tromperie alléguée ne serait pas démontrée, quand elle relevait elle-même que la société JLP Fidji avait autorisé la société Habitat Parisien à sous-louer de manière temporaire le logement et qu'elle avait ensuite garanti sur l'honneur l'absence d'obstacles et la licéité de la location meublée de courtes durées, ce dont il résultait que la société JLP Fidji avait ainsi laissé croire à sa locataire qu'aucun obstacle légal ne s'opposait à ce qu'elle exerce une activité de location saisonnière dans le local litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. ECLI:FR:CCASS:2023:C300122
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