Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 février 2023, 21-15.371, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2023




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 101 FS-B+R

Pourvoi n° S 21-15.371




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

Le syndicat des pilotes d'Air France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.371 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au syndicat CFDT Groupe Air France, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ au syndicat indépendant des cadres, agents de maîtrise et techniciens du groupe Air France Klm, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ au syndicat UNSA aérien Air France, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ au syndicat général Force ouvrière Air France, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat du syndicat des pilotes d'Air France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Air France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat indépendant des cadres, agents de maîtrise et techniciens du groupe Air France KLM, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021), le 22 juin 2018, la société Air France (la société) a signé avec le syndicat CFDT Groupe Air France, le syndicat indépendant des cadres, agents de maîtrise et techniciens du groupe Air France, le syndicat UNSA aérien Air France et le syndicat général Force ouvrière Air France, organisations syndicales ayant obtenu 74,41 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles, un accord d'entreprise intitulé « accord relatif à la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement et du comité social économique central d'entreprise au sein de l'entreprise Air France - périmètres des établissements distincts et méthode ». Cet accord prévoit, comme précédemment, la division de l'entreprise en sept établissements dont un établissement regroupant, sous la dénomination « Exploitation aérienne », la direction générale des opérations aériennes, laquelle assure la gestion des pilotes, et la direction générale service en vol, compétente pour la gestion des personnels navigants commerciaux et des personnels commerciaux sédentaires.

2. Le 2 août 2018, le syndicat des pilotes d'Air France (le SPAF) a assigné la société et les syndicats signataires devant le tribunal de grande instance, aux fins de demander l'annulation de l'accord d'entreprise du 22 juin 2018, ainsi que la mise en place d'un établissement distinct et d'un comité social et économique propres aux pilotes de ligne en application des articles L. 2313-2 et suivants du code du travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le SPAF fait grief à l'arrêt de le débouter de ces demandes, alors :

« 1°/ que les règles qui régissent la détermination des établissements distincts sont d'ordre public ; que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux ont l'obligation de tenir compte des différentes attributions de ces comités, et notamment des deux missions de la délégation du personnel consistant, pour la première, à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés, et, pour la seconde, à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de ces missions ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts relevaient « de la seule liberté des partenaires sociaux », la cour d'appel a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;

2°/ que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application des conventions et accords applicables dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir qu'au regard du nombre important d'accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, qu'il listait et détaillait et de la technicité de ceux-ci, il était indispensable que les pilotes disposent de leur propre comité social et économique afin que la bonne application de ces accords soit examinée par un comité compétent ; qu'il précisait que les personnels navigants commerciaux, majoritaires dans le CSE de l'établissement "Exploitation aérienne" n'étaient pas compétents pour apprécier les problématiques propres au pilotes et que, depuis la mise en place de ce CSE, dont le président et le secrétaire étaient des personnels navigants commerciaux, et malgré les demandes répétées du SPAF, aucune question spécifique au métier de pilote n'avait été portée à l'ordre du jour des réunions du CSE ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les délégués des pilotes disposaient de 20 sièges sur 58 au CSE de l'établissement "Exploitation aérienne", soit une représentativité de 34 % et qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre pilotes, commerciaux aux sols et personnel navigant non pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que les délégués des pilotes n'aient qu'un vote minoritaire au CSE ne les empêchait pas d'accomplir correctement leur mission consistant à présenter à l'employeur les réclamations relatives à l'application des accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, dont la technicité faisait que leur bonne application ne pouvait être utilement appréciée que par des délégués pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;

3°/ que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que les missions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) "pilotes" étaient celles qui lui étaient exclusivement déléguées par le CSE, que l'ordre du jour de la CSSCT "pilotes" était défini unilatéralement par son président, qui était un représentant de la direction, que la CSSCT "pilotes" ne pouvait se substituer au CSE lui-même pour voter à la place de celui-ci sur les questions concernant la santé, les conditions de travail et la sécurité des pilotes, que les propositions de la CSSCT "pilotes" devaient, pour faire l'objet d'un vote, être portées à l'ordre du jour des réunions du CSE composé majoritairement de non-pilotes et que les décisions et avis du CSE sur ces questions étaient subordonnés aux votes de non-pilotes ; qu'il précisait qu'aucune des nombreuses propositions de la CSSCT "pilotes" n'avait été mise à l'ordre du jour du CSE de l'établissement "Exploitation aérienne", et que les membres de la CSSCT peinaient à faire figurer à l'ordre du jour de la commission, qui était imposé par le président de cette dernière, certains sujets importants pour les pilotes ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il existait une CSSCT pour les pilotes sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement de cette CSSCT permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;

4°/ que le SPAF faisait valoir qu'en application de l'accord du 12 novembre 2018, les représentants de proximité "pilotes" n'avaient, en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, qu'un rôle de remontée de propositions à la CSSCT, qu'ils ne pouvaient voter aucune délibération en la matière, que l'ordre du jour de la commission était établi par la direction et que les inspections étaient subordonnées au vote majoritaire de non-pilotes au CSE ; qu'il soutenait également qu'en matière de présentation des réclamations individuelles ou collective, les missions des représentants de proximité "pilotes" étaient exclusivement celles qui leur étaient déléguées par la CSE où les pilotes étaient minoritaires et qu'à défaut de délégation, seul le CSE statuait sur les réclamations à présenter à l'employeur ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il avait été mis en place pour le CSE de l'établissement "Exploitation aérienne" une délégation d'une centaine de représentants de proximité, dont 28 pour les seuls pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement concret de cette représentation de proximité permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, d'assurer les missions du CSE en matière de santé, de sécurité et d'amélioration des conditions de travail des pilotes et en matière de présentation à l'employeur des réclamations des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;

5°/ que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à exercer le droit d'alerte en situation de danger grave et imminent, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que l'appréciation des mesures correctives à un danger grave et imminent signalé par un élu pilote au CSE était, en cas de divergence entre le lanceur d'alerte et l'employeur, laissé à l'appréciation d'un vote majoritaire de non-pilotes, qui ne pourraient statuer en connaissance de cause sur les problèmes techniques propres aux pilotes ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les élus du CSE disposaient tous de la faculté d'actionner un droit d'alerte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités de l'exercice de ce droit permettaient réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de faire un usage effectif de leur droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5, L. 2312-60 et L. 4132-2 du même code ;

6°/ qu'en toute hypothèse, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissements, les partenaires sociaux doivent tenir compte de l'existence ou non d'un chef d'établissement doté d'une autonomie de gestion ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les pilotes ne constituaient pas une entité économique distincte et autonome au sein de la société Air France dès lors qu'ils étaient "rattachés à une direction opérationnelle" et qu'ils ne dépendaient pas d'un établissement propre pour lequel un chef d'établissement était en place sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'autonomie du directeur général des opérations aériennes (DG.OA), sous la direction duquel travaillent tous les pilotes, en matière de gestion du personnel, de négociation des accords et de budget, ne permettait pas de faire regarder l'ensemble des pilotes comme un établissement distinct, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail ;

7°/ que le juge judiciaire est compétent pour connaître directement de la contestation de la validité de l'accord par lequel les partenaires sociaux déterminent le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que le pouvoir de contrôle sur le nombre et le périmètre des établissements distincts était exercé d'abord par l'autorité administrative puis en cas de contestation par le juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article L. 2313-2 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. L'article L. 2313-3 prévoit également qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts.

5. Aux termes de l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

6. Aux termes de l'article 5 de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, intitulé « Information et consultation découlant d'un accord », les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, le soin de définir librement et à tout moment par voie d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs. Ces accords, et les accords existant à la date figurant à l'article 11, ainsi que les éventuelles prorogations ultérieures de ces accords, peuvent prévoir, dans le respect des principes énoncés à l'article 1 et dans des conditions et limites fixées par les États membres, des dispositions différentes de celles visées à l'article 4.

7. L'article 4.4 de la directive précise que la consultation s'effectue au niveau pertinent de direction et de représentation, en fonction du sujet traité.

8. Le considérant 23 de la directive indique à cet égard que l'objectif de la présente directive sera atteint en établissant un cadre général reprenant les principes, les définitions et les modalités en matière d'information et de consultation, que les États membres devront respecter et adapter à leurs réalités nationales, en assurant, le cas échéant, aux partenaires sociaux un rôle prépondérant en leur permettant de définir librement, par voie d'accord, les modalités d'information et de consultation des travailleurs qu'ils jugent les plus conformes à leurs besoins et à leurs souhaits.

9. Il en résulte que les signataires d'un accord conclu selon les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail déterminent librement les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l'entreprise, à la condition toutefois, eu égard au principe de participation consacré par l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qu'ils soient de nature à permettre la représentation de l'ensemble des salariés.

10. Ayant d'abord exactement énoncé que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux, la cour d'appel n'encourt pas le grief invoqué par la première branche.

11. Ayant ensuite constaté que la représentation des pilotes au sein du comité social et économique « Exploitation aérienne » est assurée, d'une part, par l'élection de délégués dans un collège propre constitué de 20 sièges sur les sièges de titulaires soit une représentativité de 34 % alors même qu'ils ne constituent que 22 % des effectifs de l'exploitation aérienne et, d'autre part, par l'existence dans ce comité d'une commission « santé, sécurité et conditions de travail » pour chaque catégorie de personnel dont les pilotes, et rappelé que chaque représentant du personnel au sein du comité social et économique dispose de la faculté d'exercer un droit d'alerte, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la septième branche, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat des pilotes d'Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour le syndicat des pilotes d'Air France

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le SPAF de ses demandes tendant à ce que la cour d'appel dise nul l'accord du 22 juin 2018 relatif à la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement et du comité social et économique central d'entreprise au sein de l'entreprise Air France et dise qu'au sein de cette entreprise, devra être mis en place, en application des articles L. 2313-2 et suivants du code du travail, un établissement propre aux pilotes et un comité social et économique d'établissement propre aux pilotes ;

1°) ALORS QUE les règles qui régissent la détermination des établissements distincts sont d'ordre public ; que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux ont l'obligation de tenir compte des différentes attributions de ces comités, et notamment des deux missions de la délégation du personnel consistant, pour la première, à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés, et, pour la seconde, à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de ces missions ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts relevaient « de la seule liberté des partenaires sociaux », la cour d'appel a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;

2°) ALORS QUE, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application des conventions et accords applicables dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir qu'au regard du nombre important d'accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, qu'il listait et détaillait (conclusions, p. 23-62) et de la technicité de ceux-ci, il était indispensable que les pilotes disposent de leur propre comité social et économique afin que la bonne application de ces accords soit examinée par un comité compétent ; qu'il précisait que les personnels navigants commerciaux, majoritaires dans le CSE de l'établissement « Exploitation aérienne » n'étaient pas compétents pour apprécier les problématiques propres au pilotes (conclusions, p. 62-63) et que, depuis la mise en place de ce CSE, dont le président et le secrétaire étaient des personnels navigants commerciaux, et malgré les demandes répétées du SPAF, aucune question spécifique au métier de pilote n'avait été portée à l'ordre du jour des réunions du CSE (conclusions, p. 64-73) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les délégués des pilotes disposaient de 20 sièges sur 58 au CSE de l'établissement « Exploitation aérienne », soit une représentativité de 34 % et qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre pilotes, commerciaux aux sols et personnel navigant non pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 15-17, p. 75, p. 82-83 ; p. 85), si le fait que les délégués des pilotes n'aient qu'un vote minoritaire au CSE ne les empêchait pas d'accomplir correctement leur mission consistant à présenter à l'employeur les réclamations relatives à l'application des accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, dont la technicité faisait que leur bonne application ne pouvait être utilement appréciée que par des délégués pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;

3°) ALORS QUE pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que les missions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) « pilotes » étaient celles qui lui étaient exclusivement déléguées par le CSE, que l'ordre du jour de la CSSCT « pilotes » était défini unilatéralement par son président, qui était un représentant de la direction, que la CSSCT « pilotes » ne pouvait se substituer au CSE lui-même pour voter à la place de celui-ci sur les questions concernant la santé, les conditions de travail et la sécurité des pilotes, que les propositions de la CSSCT « pilotes » devaient, pour faire l'objet d'un vote, être portées à l'ordre du jour des réunions du CSE composé majoritairement de non-pilotes et que les décisions et avis du CSE sur ces questions étaient subordonnés aux votes de non-pilotes (conclusions, p. 86) ; qu'il précisait qu'aucune des nombreuses propositions de la CSSCT « pilotes » n'avait été mise à l'ordre du jour du CSE de l'établissement « Exploitation aérienne » (conclusions, p. 86-87), et que les membres de la CSSCT peinaient à faire figurer à l'ordre du jour de la commission, qui était imposé par le président de cette dernière, certains sujets importants pour les pilotes (conclusions, p. 88-89) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il existait une CSSCT pour les pilotes sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement de cette CSSCT permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;

4°) ALORS QUE le SPAF faisait valoir qu'en application de l'accord du 12 novembre 2018, les représentants de proximité « pilotes » n'avaient, en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, qu'un rôle de remontée de propositions à la CSSCT, qu'ils ne pouvaient voter aucune délibération en la matière, que l'ordre du jour de la commission était établi par la direction et que les inspections étaient subordonnées au vote majoritaire de non-pilotes au CSE (conclusions, p. 89-90) ; qu'il soutenait également qu'en matière de présentation des réclamations individuelles ou collective, les missions des représentants de proximité « pilotes » étaient exclusivement celles qui leur étaient déléguées par la CSE où les pilotes étaient minoritaires et qu'à défaut de délégation, seul le CSE statuait sur les réclamations à présenter à l'employeur (conclusions, p. 91) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il avait été mis en place pour le CSE de l'établissement « Exploitation aérienne » une délégation d'une centaine de représentants de proximité, dont 28 pour les seuls pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement concret de cette représentation de proximité permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, d'assurer les missions du CSE en matière de santé, de sécurité et d'amélioration des conditions de travail des pilotes et en matière de présentation à l'employeur des réclamations des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;

5°) ALORS QUE pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à exercer le droit d'alerte en situation de danger grave et imminent, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que l'appréciation des mesures correctives à un danger grave et imminent signalé par un élu pilote au CSE était, en cas de divergence entre le lanceur d'alerte et l'employeur, laissé à l'appréciation d'un vote majoritaire de non-pilotes, qui ne pourraient statuer en connaissance de cause sur les problèmes techniques propres aux pilotes (conclusions, p. 91-92) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les élus du CSE disposaient tous de la faculté d'actionner un droit d'alerte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités de l'exercice de ce droit permettaient réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de faire un usage effectif de leur droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5, L. 2312-60 et L. 4132-2 du même code ;

6°) ALORS QU'en toute hypothèse, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissements, les partenaires sociaux doivent tenir compte de l'existence ou non d'un chef d'établissement doté d'une autonomie de gestion ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les pilotes ne constituaient pas une entité économique distincte et autonome au sein de la société Air France dès lors qu'ils étaient « rattachés à une direction opérationnelle » et qu'ils ne dépendaient pas d'un établissement propre pour lequel un chef d'établissement était en place sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 79-82), si l'autonomie du directeur général des opérations aériennes (DG.OA), sous la direction duquel travaillent tous les pilotes, en matière de gestion du personnel, de négociation des accords et de budget, ne permettait pas de faire regarder l'ensemble des pilotes comme un établissement distinct, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail ;

7°) ALORS QUE le juge judiciaire est compétent pour connaître directement de la contestation de la validité de l'accord par lequel les partenaires sociaux déterminent le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que le pouvoir de contrôle sur le nombre et le périmètre des établissements distincts était exercé d'abord par l'autorité administrative puis en cas de contestation par le juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2023:SO00101
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