Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 janvier 2023, 21-21.943, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 janvier 2023, 21-21.943, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-21.943
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300093
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle sans renvoi
Audience publique du mercredi 25 janvier 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 08 juin 2021- Président
- Mme Teiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 93 FS-B
Pourvoi n° K 21-21.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023
1°/ Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2],
2°/ la société Les Motocycles [Z] & Cie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° K 21-21.943 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Pharmacie Dubo, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [Z] et de la société Les Motocycles [Z] & Cie, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Pharmacie Dubo, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 juin 2021), Mme [Z] et la société Les Motocycles [Z] et Cie (les bailleresses), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société Pharmacie Dubo (la locataire) ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.
2. La locataire a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer déplafonné à une certaine somme et de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Les bailleresses font grief à l'arrêt de fixer le prix du loyer du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que dans leurs écritures d'appel, Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] avaient fait valoir que le transfert à la charge du locataire notamment de l'impôt foncier ne pouvait constituer une charge exorbitante dès lors qu'elle constituait une pratique unanime dans le voisinage et figurait dans tous les baux qui avaient été retenus comme éléments de comparaison par l'expert ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
5. La cour d'appel, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a, à bon droit, retenu que l'impôt foncier mis à la charge de la locataire par le bail constituait une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative qu'elle a souverainement estimée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les bailleresses font grief à l'arrêt de fixer le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 euros et de fixer le montant du loyer du bail renouvelé dû par la locataire aux sommes annuelles de 22 417, 43 euros à compter du 1er janvier 2015, de 24 659,17 euros à compter du 1er janvier 2016, de 27 125, 09 euros à compter du 1er janvier 2017 et de 29 500 euros à compter du 1er janvier 2018, alors « que le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce instaure, dans les cas qu'il détermine, un étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ; que ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir, d'autant que l'étalement n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer ; que dès lors, en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier, le juge des loyers commerciaux a violé l'article L. 145-34 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. La locataire conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et droit.
9. Toutefois, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.
10. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 145-34, dernier alinéa, et R. 145-23 du code de commerce :
11. Selon le premier texte, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce où s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
12. Selon le second, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les premières.
13. Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.
14. Ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application.
15. Pour fixer le montant du bail renouvelé dû par la locataire aux sommes de 22 417, 43 euros à compter du 1er janvier 2015, de 24 659,17 euros à compter du 1er janvier 2016, de 27 125, 09 euros à compter du 1er janvier 2017 et de 29 500 euros à compter du 1er janvier 2018, l'arrêt retient que le loyer du bail renouvelé ne s'établira à ce dernier montant qu'à compter du 1er janvier 2018 en application du dernier alinéa de l'article L. 145-34.
16. En statuant ainsi, alors que saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, elle ne pouvait statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Tel que suggéré par le mémoire en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
19. La cour d'appel n'en ayant pas le pouvoir, il n'y a pas lieu de fixer l'étalement de la hausse du loyer déplafonné.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, de la seule disposition fixant le montant du loyer du bail renouvelé dû par la société Pharmacie Dubo à compter du 1er janvier 2015 à la somme annuelle de 22 417, 43 euros hors taxes et hors charges ; à compter du 1er janvier 2016, à la somme annuelle de 24 659,17 euros hors taxes et hors charges ; à compter du 1er janvier 2017 à la somme annuelle de 27 125, 09 euros hors taxes et hors charges et à compter du 1er janvier 2018, à la somme annuelle de 29 500 hors taxes et hors charges, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Pharmacie Dubo aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et la société Les Motocycles [Z] & Cie
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1e octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 € ;
ALORS QUE dans leurs écritures d'appel (p. 5, al. 3 et suivants), Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] avaient fait valoir que le transfert à la charge du locataire notamment de l'impôt foncier ne pouvait constituer une charge exorbitante dès lors qu'elle constituait une pratique unanime dans le voisinage et figurait dans tous les baux qui avaient été retenus comme éléments de comparaison par l'expert ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 €, et fixé le montant du loyer du bail renouvelé dû par la société Pharmacie Dubo à compter du 1er janvier 2015, à la somme annuelle de 22 417,43 €, à compter du 1er janvier 2016, à la somme annuelle de 24 659,17 €, à compter du 1er janvier 2017, à la somme annuelle de 27 125,09 €, et à compter du 1er janvier 2018, à la somme annuelle de 29 500 €, tous les loyers s'entendant hors taxes et hors charges ;
1- ALORS QUE le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce instaure, dans les cas qu'il détermine, un étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ; que ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir, d'autant que l'étalement n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer ; que dès lors, en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier, le juge des loyers commerciaux a violé l'article L. 145-34 du code de commerce ;
2- ET ALORS QU'en tout état de cause, dans ses écritures d'appel, la société Pharmacie Dubo n'avait pas demandé au juge de fixer un échéancier de l'augmentation du loyer, mais seulement de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ; qu'en établissant néanmoins un échéancier, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2023:C300093
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 93 FS-B
Pourvoi n° K 21-21.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023
1°/ Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2],
2°/ la société Les Motocycles [Z] & Cie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° K 21-21.943 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Pharmacie Dubo, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [Z] et de la société Les Motocycles [Z] & Cie, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Pharmacie Dubo, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 juin 2021), Mme [Z] et la société Les Motocycles [Z] et Cie (les bailleresses), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société Pharmacie Dubo (la locataire) ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.
2. La locataire a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer déplafonné à une certaine somme et de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Les bailleresses font grief à l'arrêt de fixer le prix du loyer du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que dans leurs écritures d'appel, Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] avaient fait valoir que le transfert à la charge du locataire notamment de l'impôt foncier ne pouvait constituer une charge exorbitante dès lors qu'elle constituait une pratique unanime dans le voisinage et figurait dans tous les baux qui avaient été retenus comme éléments de comparaison par l'expert ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
5. La cour d'appel, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a, à bon droit, retenu que l'impôt foncier mis à la charge de la locataire par le bail constituait une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative qu'elle a souverainement estimée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les bailleresses font grief à l'arrêt de fixer le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 euros et de fixer le montant du loyer du bail renouvelé dû par la locataire aux sommes annuelles de 22 417, 43 euros à compter du 1er janvier 2015, de 24 659,17 euros à compter du 1er janvier 2016, de 27 125, 09 euros à compter du 1er janvier 2017 et de 29 500 euros à compter du 1er janvier 2018, alors « que le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce instaure, dans les cas qu'il détermine, un étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ; que ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir, d'autant que l'étalement n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer ; que dès lors, en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier, le juge des loyers commerciaux a violé l'article L. 145-34 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. La locataire conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et droit.
9. Toutefois, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.
10. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 145-34, dernier alinéa, et R. 145-23 du code de commerce :
11. Selon le premier texte, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce où s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
12. Selon le second, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les premières.
13. Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.
14. Ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application.
15. Pour fixer le montant du bail renouvelé dû par la locataire aux sommes de 22 417, 43 euros à compter du 1er janvier 2015, de 24 659,17 euros à compter du 1er janvier 2016, de 27 125, 09 euros à compter du 1er janvier 2017 et de 29 500 euros à compter du 1er janvier 2018, l'arrêt retient que le loyer du bail renouvelé ne s'établira à ce dernier montant qu'à compter du 1er janvier 2018 en application du dernier alinéa de l'article L. 145-34.
16. En statuant ainsi, alors que saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, elle ne pouvait statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Tel que suggéré par le mémoire en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
19. La cour d'appel n'en ayant pas le pouvoir, il n'y a pas lieu de fixer l'étalement de la hausse du loyer déplafonné.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, de la seule disposition fixant le montant du loyer du bail renouvelé dû par la société Pharmacie Dubo à compter du 1er janvier 2015 à la somme annuelle de 22 417, 43 euros hors taxes et hors charges ; à compter du 1er janvier 2016, à la somme annuelle de 24 659,17 euros hors taxes et hors charges ; à compter du 1er janvier 2017 à la somme annuelle de 27 125, 09 euros hors taxes et hors charges et à compter du 1er janvier 2018, à la somme annuelle de 29 500 hors taxes et hors charges, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Pharmacie Dubo aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et la société Les Motocycles [Z] & Cie
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1e octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 € ;
ALORS QUE dans leurs écritures d'appel (p. 5, al. 3 et suivants), Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] avaient fait valoir que le transfert à la charge du locataire notamment de l'impôt foncier ne pouvait constituer une charge exorbitante dès lors qu'elle constituait une pratique unanime dans le voisinage et figurait dans tous les baux qui avaient été retenus comme éléments de comparaison par l'expert ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 €, et fixé le montant du loyer du bail renouvelé dû par la société Pharmacie Dubo à compter du 1er janvier 2015, à la somme annuelle de 22 417,43 €, à compter du 1er janvier 2016, à la somme annuelle de 24 659,17 €, à compter du 1er janvier 2017, à la somme annuelle de 27 125,09 €, et à compter du 1er janvier 2018, à la somme annuelle de 29 500 €, tous les loyers s'entendant hors taxes et hors charges ;
1- ALORS QUE le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce instaure, dans les cas qu'il détermine, un étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ; que ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir, d'autant que l'étalement n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer ; que dès lors, en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier, le juge des loyers commerciaux a violé l'article L. 145-34 du code de commerce ;
2- ET ALORS QU'en tout état de cause, dans ses écritures d'appel, la société Pharmacie Dubo n'avait pas demandé au juge de fixer un échéancier de l'augmentation du loyer, mais seulement de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ; qu'en établissant néanmoins un échéancier, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.