Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 24 janvier 2023, 22-82.722, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 24 janvier 2023, 22-82.722, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 22-82.722
- ECLI:FR:CCASS:2023:CR00075
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du mardi 24 janvier 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 05 avril 2022- Président
- M. Bonnal (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 22-82.722 F-D
N° 00075
ODVS
24 JANVIER 2023
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
M. [V] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 5 avril 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 23 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.510), pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [V] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 24 février 2020, le journal télévisé de France 3 a diffusé un reportage réalisé à l'occasion des élections municipales de la commune de [Localité 1], au sujet d'un projet de lotissement ayant donné lieu à la déclaration suivante de M. [V] [C], membre de la liste d'opposition au maire et engagé dans l'association « Non au PLU » : « il y a la propriété d'un élu de la municipalité qui est en fait en quasi fin de mandat a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit ». Ce propos a fait suite à une controverse évoquée dans la presse locale les 13 et 14 janvier précédents, faisant état d'une éventuelle prise illégale d'intérêts résultant de ce que des terrains visés par le lotissement étaient détenus, en partie, par un adjoint au maire chargé de l'urbanisme.
3. Le 2 juin 2020, M. [C] a été cité par M. [N] [H], adjoint à l'urbanisme de la commune, du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public, devant le tribunal correctionnel qui a annulé la citation pour violation de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.
4. MM. [C] et [H] ont fait appel.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du grief
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable d'avoir à [Localité 1], le 24 février 2020, lors de la diffusion du journal télévisé régional France 3 Auvergne Rhône-Alpes du 19/20 heures, porté atteinte à l'honneur ou à la considération de M. [N] [H], citoyen chargé d'un mandat public en tant qu'adjoint à l'urbanisme de la commune de [Localité 1], en l'espèce en tenant les propos suivants : « Il y a la propriété d'un élu de la municipalité qui est en fait en quasi fin de mandat a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit » ; en répression, l'a condamné à 500 euros d'amende ; a dit que le condamné sera tenu au paiement du droit fixe de procédure d'appel ; l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables ayant résulté des faits dont il s'est rendu l'auteur à l'égard de M. [H] ; l'a condamné à payer à ce dernier 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 3 000 euros en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure pénale, alors :
« 4°/ que pour entrer dans les prévisions de l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, et constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation litigieuse doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; qu'un particulier participant à un débat politique local doit bénéficier d'une liberté d'expression renforcée l'autorisant à dénoncer des agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale, dès lors qu'il se fonde sur des sources fiables et qu'il ne résulte de ses propos aucune attaque personnelle assimilable à un dénigrement ; qu'en jugeant que la phrase prononcée lors d'une interview télévisée : « un élu de la municipalité a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit », propos qui « s'inscrivait dans une polémique autour d'un projet d'urbanisme qui « divise » à [Localité 1] avec éventuelle prise illégale d'intérêts, les terrains étant « détenus en partie par un adjoint au maire en charge de l'urbanisme et la famille de celui-ci », lequel élu, « ainsi qu'une conseillère municipale, elle aussi concernée par les terrains, auraient pris part au vote de la délibération, entraînant de facto son illégalité » (arrêt, p. 10, 4ième §) dont la presse locale s'était déjà faite l'écho, portait atteinte à l'honneur et à la considération de l'adjoint au maire de la commune chargé de l'urbanisme, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 23, 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme :
7. La liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte.
8. Après avoir relevé, à juste titre, le caractère attentatoire à l'honneur et à la considération des propos tenus par M. [C] vis-à-vis de M. [H], l'arrêt, pour refuser au premier le bénéfice de la bonne foi, fait valoir que la déclaration de celui-ci constitue une attaque personnelle, sans mesure ni prudence, qu'elle ne poursuit pas un but légitime compte tenu de son caractère excessif et qu'elle ne repose sur aucune base factuelle dès lors que M. [H] n'a pas participé aux votes du projet débattu.
9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés.
10. En effet, le propos incriminé repose sur une base factuelle suffisante dès lors que M. [H], adjoint au maire de la commune de [Localité 1], en charge de l'urbanisme, est effectivement propriétaire d'une partie des terrains concernés par le projet de lotissement. Il était donc légitime de s'interroger sur son implication dans ledit projet.
11. Par ailleurs, le propos de M. [C] n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression d'un opposant politique, dans le contexte d'une campagne électorale marquée par une polémique concernant ce projet de lotissement.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Portée de la cassation
13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 5 avril 2022 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00075
N° V 22-82.722 F-D
N° 00075
ODVS
24 JANVIER 2023
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
M. [V] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 5 avril 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 23 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.510), pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [V] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 24 février 2020, le journal télévisé de France 3 a diffusé un reportage réalisé à l'occasion des élections municipales de la commune de [Localité 1], au sujet d'un projet de lotissement ayant donné lieu à la déclaration suivante de M. [V] [C], membre de la liste d'opposition au maire et engagé dans l'association « Non au PLU » : « il y a la propriété d'un élu de la municipalité qui est en fait en quasi fin de mandat a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit ». Ce propos a fait suite à une controverse évoquée dans la presse locale les 13 et 14 janvier précédents, faisant état d'une éventuelle prise illégale d'intérêts résultant de ce que des terrains visés par le lotissement étaient détenus, en partie, par un adjoint au maire chargé de l'urbanisme.
3. Le 2 juin 2020, M. [C] a été cité par M. [N] [H], adjoint à l'urbanisme de la commune, du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public, devant le tribunal correctionnel qui a annulé la citation pour violation de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.
4. MM. [C] et [H] ont fait appel.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du grief
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable d'avoir à [Localité 1], le 24 février 2020, lors de la diffusion du journal télévisé régional France 3 Auvergne Rhône-Alpes du 19/20 heures, porté atteinte à l'honneur ou à la considération de M. [N] [H], citoyen chargé d'un mandat public en tant qu'adjoint à l'urbanisme de la commune de [Localité 1], en l'espèce en tenant les propos suivants : « Il y a la propriété d'un élu de la municipalité qui est en fait en quasi fin de mandat a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit » ; en répression, l'a condamné à 500 euros d'amende ; a dit que le condamné sera tenu au paiement du droit fixe de procédure d'appel ; l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables ayant résulté des faits dont il s'est rendu l'auteur à l'égard de M. [H] ; l'a condamné à payer à ce dernier 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 3 000 euros en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure pénale, alors :
« 4°/ que pour entrer dans les prévisions de l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, et constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation litigieuse doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; qu'un particulier participant à un débat politique local doit bénéficier d'une liberté d'expression renforcée l'autorisant à dénoncer des agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale, dès lors qu'il se fonde sur des sources fiables et qu'il ne résulte de ses propos aucune attaque personnelle assimilable à un dénigrement ; qu'en jugeant que la phrase prononcée lors d'une interview télévisée : « un élu de la municipalité a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit », propos qui « s'inscrivait dans une polémique autour d'un projet d'urbanisme qui « divise » à [Localité 1] avec éventuelle prise illégale d'intérêts, les terrains étant « détenus en partie par un adjoint au maire en charge de l'urbanisme et la famille de celui-ci », lequel élu, « ainsi qu'une conseillère municipale, elle aussi concernée par les terrains, auraient pris part au vote de la délibération, entraînant de facto son illégalité » (arrêt, p. 10, 4ième §) dont la presse locale s'était déjà faite l'écho, portait atteinte à l'honneur et à la considération de l'adjoint au maire de la commune chargé de l'urbanisme, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 23, 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme :
7. La liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte.
8. Après avoir relevé, à juste titre, le caractère attentatoire à l'honneur et à la considération des propos tenus par M. [C] vis-à-vis de M. [H], l'arrêt, pour refuser au premier le bénéfice de la bonne foi, fait valoir que la déclaration de celui-ci constitue une attaque personnelle, sans mesure ni prudence, qu'elle ne poursuit pas un but légitime compte tenu de son caractère excessif et qu'elle ne repose sur aucune base factuelle dès lors que M. [H] n'a pas participé aux votes du projet débattu.
9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés.
10. En effet, le propos incriminé repose sur une base factuelle suffisante dès lors que M. [H], adjoint au maire de la commune de [Localité 1], en charge de l'urbanisme, est effectivement propriétaire d'une partie des terrains concernés par le projet de lotissement. Il était donc légitime de s'interroger sur son implication dans ledit projet.
11. Par ailleurs, le propos de M. [C] n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression d'un opposant politique, dans le contexte d'une campagne électorale marquée par une polémique concernant ce projet de lotissement.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Portée de la cassation
13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 5 avril 2022 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.