Cour d'appel de Nîmes, 15 novembre 2022, 19/040701
Cour d'appel de Nîmes, 15 novembre 2022, 19/040701
Cour d'appel de Nîmes - 4p
- N° de RG : 19/040701
- Solution : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Audience publique du mardi 15 novembre 2022
Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nîmes, du 07 octobre 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT No
No RG 19/04070 - No Portalis DBVH-V-B7D-HQ2W
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
07 octobre 2019
RG :F18/00479
[T]
C/
S.A.R.L. CRISTAL NET MONTPELLIER
S.E.L.A.R.L. BRMJ
L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS – CGEA DE [Localité 5]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 07 Octobre 2019, NoF18/00479
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [V] [T]
née le [Date naissance 2] 1979 à MAROC
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Valentine CASSAN, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
SARL CRISTAL NET MONTPELLIER, venant aux droits de la SARL CRISTAL NET [Localité 3]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Maître Pascale DELL'OVA, avocat au barreau MONTPELLIER substituée par Me Camille DUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL BRMJ Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « MJN SCOP »
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Julie REBOLLO, avocat au barreau de NIMES
L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS – CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Isabelle MIMRAN, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [V] [T] a été engagée à compter du 1er septembre 2006 en qualité de femme de ménage et affectée au nettoyage de l'Intermarché de [Localité 4] par Alter services.
Le 28 octobre 2013, la société Alter Services a informé Mme [V] [T] que la société Cristal net reprenait le chantier de l`Intermarché de [Localité 4] .
Le contrat de Mme [V] [T] a été repris par la société Cristal net le 1er novembre 2013.
Le contrat de travail de la salariée a été suspendu, des mois d'octobre 2013 à juillet 2017, en raison d'un accident de travail suivi d`un congé parental.
Le 3 juillet 2017, Mme [V] [T] a été déclarée apte à la reprise du travail.
Le jour même, le responsable de l'Intermarché a refusé l'accès à Mme [V] [T] à son poste de travail.
Mme [V] [T] s'est retrouvée en arrêt maladie à partir du 4 juillet 2017.
Le 1er août 2017, le marché portant sur le chantier de l'Intermarché de [Localité 4] a été repris par la société MJN SCOP .
Par courriers des 17 et 28 novembre 2017, la société MJN SCOP indiquait à Mme [T] qu'elle ne reprenait pas son contrat de travail.
Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 7 octobre 2019 :
- met hors de cause la société Cristal net et prononce la résiliation judiciaire du contrat de Mme [V] [T] à la date du 7 octobre 2019 aux torts exclusifs de la société MJN Scop
- fixe la créance de Mme [V] [T] à l`encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP aux sommes suivantes :
- 3 497,52 euros au titre d`indemnité compensatrice dont 349,74 euros de congés payés y afférents
- 5 343,43 euros d'indemnité légale de licenciement
- 19 236,36 euros (11 mois de salaires) à titre d'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse
- ordonne la SARL BRMJ de délivrer à Mme [V] [T] les documents sociaux de fin de contrat
- condamne la SARL MJN SCOP à 1000 euros des frais irrépétibles non opposables aux AGS
- déboute les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions
- déclare le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 5], gestionnaire de l'AGS
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans la limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.
Par acte du 22 octobre 2019, Mme [V] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 février 2022, Mme [V] [T] demande à la cour de :
- sur la reprise du contrat de travail par la SARL MJN SCOP et le rappel de salaire y afférent
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a jugé que la SARL MJN SCOP a repris le contrat de travail de Mme [T] au 1er août 2017.
- juger que la SARL MJN SCOP aurait dû reprendre le contrat de travail de Mme [T] à la date du 1er août 2017.
- fixer la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP à la somme de 14.573 euros bruts (1.748,76 euros X 8 mois + 1.748,76 euros X 10/30) à titre de rappel de salaire du 1er août 2017 au 10 avril 2018, outre la somme de 1.457,30 euros bruts de congés payés y afférents.
A titre subsidiaire
- Si la cour jugeait que la SARL MJN SCOP n'avait pas à reprendre le contrat de travail de Mme [T], elle ne pourrait que juger que la SARL Cristal net était donc restée son employeur et condamner la SARL Cristal net à lui payer un rappel de salaire jusqu'à la date de la rupture de son contrat conformément aux points 2 et 3 des présentes.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T]
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts exclusifs de la SARL MJN SCOP.
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] aux torts exclusifs de la SARL MJN SCOP à la date du 7 octobre 2019.
Statuant à nouveau, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts exclusifs de la SARL MJN SCOP à la date du 10 avril 2018 et lui donner les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 10 avril 2018.
A titre subsidiaire,
- Si la cour jugeait que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] n'a pas à être prononcée aux torts de la SARL MJN SCOP, elle ne pourrait que prononcer la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la SARL Cristal net
A titre infiniment subsidiaire
- Si la cour ne faisait pas droit aux demandes de Mme [T] , elle ne pourrait que juger que le contrat de travail de Mme [T] avec la SARL Cristal net n'a jamais pris fin, ordonner à la SARL Cristal net de réintégrer Mme [T] et condamner la SARL Cristal net à lui payer un rappel de salaire jusqu'à la date de sa réintégration.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T]
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a fixé la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP aux sommes suivantes :
- 3.497,52 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre
- 349,75 euros bruts à titre de congés payés y afférents ;
- 5.343,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 19.236,36 euros (11 mois de salaires) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a ordonné à la SARL BRMJ de délivrer à Mme [T] les documents sociaux de fin de contrat.
A titre subsidiaire
- condamner la SARL Cristal net à payer à Mme [T] les sommes suivantes :
- 3.497,52 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 349,75 euros bruts à titre de congés payés y afférents ;
- 5.343,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 19.236,36 euros (11 mois de salaires) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la SARL Cristal net à délivrer à Madame [V] [T] les documents sociaux de fin de contrat.
Sur les frais irrépétibles
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a fixé au passif de la procédure collective de la SARL MJN SCOP la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Statuant à nouveau, fixer la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP à la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
- Subsidiairement, condamner la SARL Cristal net à payer à Mme [T] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Mme [V] [T] soutient :
- concernant la reprise du contrat de travail par la société MJN SCOP au 1er août 2017 et le rappel de salaire y afférent :
- elle a toujours travaillé sur le site de l'Intermarché de [Localité 4], disposant d'une ancienneté de plus de 6 mois et n'étant pas absente depuis plus de 4 mois à la date de la reprise du chantier.
- étant restée à la disposition de la SARL Cristal net et/ou de la SARL MJN SCOP du 1er août 2017 au 10 avril 2018, un rappel de salaire est dû jusqu'à la date de la liquidation judiciaire de la SARL MJN SCOP.
- concernant la résiliation judiciaire du contrat de travail :
- elle est restée sans travail, sans rémunération aucune et sans nouvelle tant de la société Cristal net que de la société MJN SCOP. Cette situation empêche la poursuite des relations contractuelles et justifie la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
- sur la date de la résiliation judiciaire dont elle conteste la fixation au jour du jugement : le contrat a pris fin antérieurement, d'une part, dans la mesure où le mandataire judiciaire fait l'aveu dans ses conclusions de 1ère instance de ce que le contrat aurait pris fin le 17 novembre 2017, d'autre part, car la relation de travail ne pouvait plus perdurer après la liquidation judiciaire de la société MJN SCOP.
- concernant les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail, elle est fondée à percevoir :
- une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaires, en application de la convention collective, disposant de 12 ans d'ancienneté,.
- une indemnité légale de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année au-delà de dix ans.
- une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de ses 12 ans d'ancienneté.
En l'état de ses dernières écritures du 11 août 2022, contenant appel incident, la SELARL BRMJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MJN SCOP, placée en liquidation judiciaire selon décision du Tribunal de commerce de Nîmes le 10 avril 2018, sollicite :
A titre principal,
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 7octobre 2019 en ce qu'il a :
- mis hors de cause la société Cristal net
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de Mme [T] à la date du 7 octobre 2019 aux torts exclusifs de la société MJN SCOP,
- fixé la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP aux sommes suivantes :
- 3.497,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice dont 349,74 euros de congés payés y afférents,
- 5.343,43 euros d'indemnité légale de licenciement,
- 19.236,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonné à la SELARL BRMJ de délivrer à Mme [T] les documents sociaux de fin de contrat,
- condamné la SARL MJN SCOP à 1.000,00 euros de frais irrépétibles non opposables aux AGS,
- déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 5], gestionnaire de l'AGS,
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans la limite des plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective,
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à l'encontre de la Société MJN SCOP,
- mettre hors de cause la SELARL BRMJ, es qualités
- condamner la société Cristal net aux dépens, outre 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Sur la demande au titre des rappels de salaire à compter du 1er août 2017 :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 7 octobre 2019 en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions,
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [T] aux torts de la société MJN SCOP et ses conséquences indemnitaires :
-Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 7 octobre 2019
Statuant à nouveau,
A titre principal
- Dire et juger que la rupture est intervenue à l'initiative de Mme [T] au 1er août 2017
- Débouter Mme [T] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat
- Débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
A titre subsidiaire
- Dire et juger que la rupture est intervenue au 17 novembre 2017
- Débouter Mme [T] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat
- Réduire à de plus justes proportions les sommes inscrites au passif de la SCOP MJN
La SELARL BRMJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MJN SCOP, fait valoir:
- sur l'absence de transfert de plein droit du contrat de travail de Mme [T] :
- la salariée ne remplissait pas les conditions pour que son contrat soit transféré à la SARL MJN SCOP : ainsi elle ne justifiait pas d'une ancienneté d'affectation sur le marché d'au moins six mois et elle était absente depuis plus de quatre mois, à l'expiration du contrat commercial.
- Mme [T] n'a de surcroît pas accepté son transfert et elle ne s'est pas présentée à son poste de travail à la date de ce transfert.
- enfin, la société Cristal net, de mauvaise foi, a méconnu l'ensemble de ses obligations conventionnelles et a cru pouvoir se défausser sur le repreneur du marché.
- s'agissant de la résiliation judiciaire : le contrat de la salariée a été rompu au plus tard le 17 novembre 2017.
En l'état de ses dernières écritures du 22 avril 2020, la SARL Cristal net Montpellier, venant aux droits de la SARL Cristal net [Localité 3], sollicite :
- donner acte la SARL Cristal net Montpellier, Société à responsabilité limitée, au capital de 696130,00 euros, ayant son siège social sis [Adresse 8], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Montpellier, sous le numéro 513747584, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [L] [E], en sa qualité de Gérant non associé, domicilié ès qualités audit siège, de ce qu'elle vient aux droits de la Cristal net [Localité 3] dans cette instance.
A titre principal :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et ce faisant,
- mettre hors de cause la société Cristal net [Localité 3]
- débouter en conséquence Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à l'encontre de la société Cristal net [Localité 3]
A titre subsidiaire, et en cas de réformation du jugement dont s'agit :
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes relatives au préavis et à l'indemnité de licenciement ainsi qu'aux dommages et intérêts pour licenciement abusif sollicités à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire.
- débouter Mme [T] de sa demande au titre d'un rappel de salaires dès lors qu'elle ne s'est jamais plus présentée auprès de la société Cristal net à compter du 1er août 2017.
- en tout état de cause, la condamner à 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
La société Cristal net soutient qu'en tant entreprise sortante, elle a respecté ses obligations en matière de transfert et a adressé à la société MJN SCOP l'ensemble des documents tels qu'imposés par la convention collective.
Elle précise que la salariée était affectée sur le chantier de [Localité 4], depuis plus de six mois et qu'elle avait repris son activité conformément à la convention collective, se présentant à son poste le 3 juillet 2017, soit 3 semaines avant la reprise par la société MJN, ce qui démontre une fin de la période d'interruption de son contrat ainsi qu'une absence inférieure à quatre mois à la date du 1er août 2017. Cette reprise a cependant été entravée par l'Intermarché de [Localité 4].
Elle fait état de l'existence d'une collusion frauduleuse pour échapper aux obligations conventionnelles de transfert; le constat d'huissier du 3 juillet 2017 confronté au courrier que la société MJN lui a adressé le 26 juillet 2017 permettant de caractériser la tentative de fraude.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 5], dans ses conclusions transmises le 4 août 2020, demande à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu‘il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts de la société MJN SCOP,
- prendre acte de ce que l'UNEDlC reprend et fait sienne l'argumentation soutenue par la SELARL BRMJ, ès qualité de mandataire liquidateur de la société MJN SCOP,
En conséquence,
- prononcer la mise hors de cause de l'UNEDlC,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société MJN SCOP,
- la condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- constater que la rupture du contrat de travail est intervenue plus de 15 jours après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société MJN SCOP.
En conséquence,
- dire et juger les demandes de Mme [T] hors champ de garantie de l'UNEDlC
En tout état de cause
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l''avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17, L. 3253-19 et suivants du code du travail
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire I'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
- faire application des dispositions du code de commerce et du décret
- donner acte à l'UNEDlC et l'AGS de ce qu‘ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 16 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 août 2022.
MOTIFS
Sur le transfert conventionnel du contrat de travail
Aux termes de l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté :
"Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :
(...)
B. Etre titulaire :
a) Soit d'un contrat de travail à durée indéterminée et,
-justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.
-ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. A cette date, seul(e)s les salarié(e)s en congé maternité seront repris(es) sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité compris ou période d'activité partielle compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la/le salarié(e) ne serait pas en congé de maternité ou en activité partielle à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public (...)".
Il est constant que le marché portant sur le chantier de l'Intermarché de [Localité 4] a été repris par la société MJN SCOP le 1er août 2017.
La SARL Cristal net produit le contrat de travail de Mme [V] [T] montrant qu'elle est affectée à ce chantier depuis son embauche le 2 janvier 2007 par la Sas Groupe Alter Services, prestataire initial et aucune modification n'est intervenue à la suite du transfert à la SARL Cristal net, lors de la reprise du marché.
La société MJN SCOP, par l'intermédiaire de son mandataire, fait valoir que Mme [V] [T] n'a pas signé avec la SARL Cristal net le 1er novembre 2013 un avenant à son contrat de travail mentionnant un simple changement d'employeur, comme le prescrit la convention collective mais un nouveau contrat de travail ne stipulant pas le marché sur lequel elle était affectée et que rien ne démontre qu'elle travaillait sur ce marché depuis le 1er novembre 2013.
Or, le contrat prévoit, conformément à la convention collective, la continuité de son emploi alors que le contrat précédent avec la Sas Groupe Alter Services mentionnait une affectation exclusive à temps plein sur l'intermarché de [Localité 4].
Enfin, il importe peu que Mme [V] [T] ait été arrêtée pour cause d'accident du travail puis dans le cadre de son congé parental d'éducation.
Dès lors, la condition tenant à une affectation sur ce marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial est remplie.
Par courriel du 15 mai 2017, Mme [V] [T] a informé son employeur, la SARL Cristal net, qu'elle reprenait le travail le 1er juillet 2017.
Il ressort de l'avis, établi le 3 juillet 2017, par le médecin du travail que Mme [V] [T] a été déclarée apte à reprendre son travail au sein de l'entreprise Cristal Net [Localité 3] après son congé parental d'éducation.
Le constat d'huissier de justice produit établit qu'elle s'est présentée le lundi 3 juillet 2017 à 17 heures à son poste de travail sur le site de l'intermarché de [Localité 4], mais que le responsable du magasin a refusé de la laisser rentrer.
Le bulletin de salaire du mois de juillet 2017 montre que Mme [V] [T] a perçu un salaire de 481,95 euros pour 11,67 heures travaillées, soit jusqu'au 3 juillet inclus.
Si, le 4 juillet 2017, Mme [V] [T] a produit un certificat médical initial, dans la mesure où elle était présente à son poste de travail le 3 juillet 2017, il doit être considéré qu'elle n'était pas absente depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat commercial, soit au 1er août 2017.
Il importe peu qu'elle n'ait pas repris le travail à 12 heures à [Localité 4], comme prévu par le planning mais à 17 heures, étant relevé que la visite de reprise avait lieu le matin-même, à [Localité 3], à 8 heures 30.
La société MJN SCOP reproche par ailleurs aux premiers juges de ne pas avoir vérifié que la SARL Cristal net, entreprise sortante, avait réalisé l'ensemble des obligations lui incombant vis-à-vis de l'entreprise entrante et de Mme [V] [T], ainsi que le fait que cette dernière ait consenti au transfert.
Toutefois, la SARL Cristal net produit un courrier du 25 juillet 2017 adressé à la société MJN SCOP par lequel elle a transmis les éléments conformément à l'article 7-3 de la convention collective au titre des obligations à la charge de l'ancien prestataire. Elle joignait également le procès-verbal de constat d'huissier relatif à la reprise de poste par Mme [V] [T] suite à son congé parental.
Par ailleurs, la convention collective prévoit que la carence de l'entreprise sortante dans la transmission des renseignements prévus à l'article 7.3 ne peut empêcher le changement d'employeur que dans le seul cas où cette carence met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
La société MJN SCOP ne peut sérieusement faire valoir l'absence de consentement au transfert alors que par courrier du 17 novembre 2017, la société indiquait elle-même que Mme [V] [T] s'était rendue au siège social le 10 août 2017 afin de bénéficier du transfert conventionnel, souhait réitéré ensuite par courriers des 9 et 23 novembre 2017.
En outre, la cour relève que le principe de la nécessité d'obtenir l'accord exprès du salarié est édicté dans le seul intérêt de ce dernier, lequel peut seul en invoquer sa méconnaissance.
Enfin, aucune fraude de la part de la SARL Cristal net n'est démontrée qui ferait "échec à la reprise", étant relevé que la société MJN SCOP était informée le 26 juillet 2017 du fait que Mme [V] [T] faisait partie des salariés transférables.
Dès lors, les conditions du transfert du contrat de travail sont bien remplies.
Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le transfert conventionnel du contrat de travail s'était opéré entre la SARL Cristal net et la société MJN SCOP.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Par courrier du 17 novembre 2017, la société MJN SCOP a clairement refusé le transfert du contrat de travail de Mme [V] [T] alors que ce dernier intervenait de plein droit.
Le refus par la société MJN SCOP de reprendre le contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demande de résiliation judiciaire formée devant le conseil de prud'hommes n'a donc aucun objet puisque le contrat de travail a été rompu le 17 novembre 2017. Elle ne peut donc qu'être rejetée.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il convient de statuer sur les demandes d'indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et séreuse telles que formulées par Mme [V] [T].
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Conformément à l'article 4.11 de la convention collective, Mme [V] [T] qui avait 11 ans d'ancienneté a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaires, soit 3 497,52 euros bruts, outre 349,75 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé sur ce point sauf à le rectifier en précisant que l'indemnité de congés payés est due en sus de l'indemnité compensatrice de préavis.
- Sur l'indemnité légale de licenciement
En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement est égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année au-delà de dix ans.
L'indemnité due sera fixée à 4 954,82 euros.
Le jugement sera donc ici infirmé.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, Mme [V] [T] a droit à une indemnité comprise entre 3 et 10,5 mois de salaire brut.
Mme [V] [T] ne donne aucun élément sur sa situation personnelle et sur son préjudice permettant à la cour de lui accorder davantage que le minimum légal.
Ainsi, tenant compte du montant de la rémunération de 1748,75 euros bruts et de son ancienneté de 11 ans, dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [V] [T] doit être évaluée à la somme de 5246,28 euros correspondant à l'équivalent de trois mois de salaire brut.
Le jugement sera donc infirmé.
- Sur la demande de rappel de salaires
Le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur ce point.
Le transfert du contrat de travail implique le maintien de la rémunération par la société MJN SCOP et Mme [V] [T] est restée à la disposition de l'entreprise entrante comme cela ressort de sa venue au siège de la société le 10 août 2017 et de son courrier du 9 novembre 2017.
Il convient donc de fixer sa créance à l'encontre de la procédure collective de la société MJN SCOP à la somme de 6237,24 euros bruts (1748,76 euros X 3 mois + 1748,76 euros X 17/30) à titre de rappel de salaire pour la période du 1er août 2017 au 17 novembre 2017 outre la somme de 623,72 euros bruts de congés payés afférents.
Sur la remise des documents sociaux
Il sera ordonné la remise des bulletins de paie pour la période de travail du 1er août au 17 novembre 2017, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles, sauf à préciser que cette dernière créance sera fixée à la procédure collective.
Les dépens d'appel seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.
L'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme le jugement rendu le 7 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :
-mis hors de cause la société Cristal net
-fixé à la procédure collective de la SARL MJN SCOP la somme de 3 497,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 349,74 euros au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que cette dernière somme est due en sus de la première,
-condamné la SARL MJN SCOP à 1000 euros de frais irrépétibles non opposables aux AGS, sauf à préciser que cette somme sera « fixée » à la procédure collective,
-dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure
- L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
- fixe ainsi que suit la créance de Mme [V] [T] :
- 6237,24 euros bruts au titre des rappels de salaires outre 623,72 euros au titre des congés payés afférents
- 4 954,82 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 5246,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,
- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
- Ordonne au mandataire liquidateur la remise des bulletins de paie pour la période de travail du 1er août au 17 novembre 2017, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt.
- Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,
- Rejette le surplus des demandes,
- Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT No
No RG 19/04070 - No Portalis DBVH-V-B7D-HQ2W
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
07 octobre 2019
RG :F18/00479
[T]
C/
S.A.R.L. CRISTAL NET MONTPELLIER
S.E.L.A.R.L. BRMJ
L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS – CGEA DE [Localité 5]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 07 Octobre 2019, NoF18/00479
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [V] [T]
née le [Date naissance 2] 1979 à MAROC
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Valentine CASSAN, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
SARL CRISTAL NET MONTPELLIER, venant aux droits de la SARL CRISTAL NET [Localité 3]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Maître Pascale DELL'OVA, avocat au barreau MONTPELLIER substituée par Me Camille DUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL BRMJ Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « MJN SCOP »
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Julie REBOLLO, avocat au barreau de NIMES
L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS – CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Isabelle MIMRAN, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [V] [T] a été engagée à compter du 1er septembre 2006 en qualité de femme de ménage et affectée au nettoyage de l'Intermarché de [Localité 4] par Alter services.
Le 28 octobre 2013, la société Alter Services a informé Mme [V] [T] que la société Cristal net reprenait le chantier de l`Intermarché de [Localité 4] .
Le contrat de Mme [V] [T] a été repris par la société Cristal net le 1er novembre 2013.
Le contrat de travail de la salariée a été suspendu, des mois d'octobre 2013 à juillet 2017, en raison d'un accident de travail suivi d`un congé parental.
Le 3 juillet 2017, Mme [V] [T] a été déclarée apte à la reprise du travail.
Le jour même, le responsable de l'Intermarché a refusé l'accès à Mme [V] [T] à son poste de travail.
Mme [V] [T] s'est retrouvée en arrêt maladie à partir du 4 juillet 2017.
Le 1er août 2017, le marché portant sur le chantier de l'Intermarché de [Localité 4] a été repris par la société MJN SCOP .
Par courriers des 17 et 28 novembre 2017, la société MJN SCOP indiquait à Mme [T] qu'elle ne reprenait pas son contrat de travail.
Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 7 octobre 2019 :
- met hors de cause la société Cristal net et prononce la résiliation judiciaire du contrat de Mme [V] [T] à la date du 7 octobre 2019 aux torts exclusifs de la société MJN Scop
- fixe la créance de Mme [V] [T] à l`encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP aux sommes suivantes :
- 3 497,52 euros au titre d`indemnité compensatrice dont 349,74 euros de congés payés y afférents
- 5 343,43 euros d'indemnité légale de licenciement
- 19 236,36 euros (11 mois de salaires) à titre d'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse
- ordonne la SARL BRMJ de délivrer à Mme [V] [T] les documents sociaux de fin de contrat
- condamne la SARL MJN SCOP à 1000 euros des frais irrépétibles non opposables aux AGS
- déboute les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions
- déclare le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 5], gestionnaire de l'AGS
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans la limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.
Par acte du 22 octobre 2019, Mme [V] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 février 2022, Mme [V] [T] demande à la cour de :
- sur la reprise du contrat de travail par la SARL MJN SCOP et le rappel de salaire y afférent
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a jugé que la SARL MJN SCOP a repris le contrat de travail de Mme [T] au 1er août 2017.
- juger que la SARL MJN SCOP aurait dû reprendre le contrat de travail de Mme [T] à la date du 1er août 2017.
- fixer la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP à la somme de 14.573 euros bruts (1.748,76 euros X 8 mois + 1.748,76 euros X 10/30) à titre de rappel de salaire du 1er août 2017 au 10 avril 2018, outre la somme de 1.457,30 euros bruts de congés payés y afférents.
A titre subsidiaire
- Si la cour jugeait que la SARL MJN SCOP n'avait pas à reprendre le contrat de travail de Mme [T], elle ne pourrait que juger que la SARL Cristal net était donc restée son employeur et condamner la SARL Cristal net à lui payer un rappel de salaire jusqu'à la date de la rupture de son contrat conformément aux points 2 et 3 des présentes.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T]
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts exclusifs de la SARL MJN SCOP.
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] aux torts exclusifs de la SARL MJN SCOP à la date du 7 octobre 2019.
Statuant à nouveau, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts exclusifs de la SARL MJN SCOP à la date du 10 avril 2018 et lui donner les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 10 avril 2018.
A titre subsidiaire,
- Si la cour jugeait que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] n'a pas à être prononcée aux torts de la SARL MJN SCOP, elle ne pourrait que prononcer la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la SARL Cristal net
A titre infiniment subsidiaire
- Si la cour ne faisait pas droit aux demandes de Mme [T] , elle ne pourrait que juger que le contrat de travail de Mme [T] avec la SARL Cristal net n'a jamais pris fin, ordonner à la SARL Cristal net de réintégrer Mme [T] et condamner la SARL Cristal net à lui payer un rappel de salaire jusqu'à la date de sa réintégration.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T]
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a fixé la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP aux sommes suivantes :
- 3.497,52 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre
- 349,75 euros bruts à titre de congés payés y afférents ;
- 5.343,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 19.236,36 euros (11 mois de salaires) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a ordonné à la SARL BRMJ de délivrer à Mme [T] les documents sociaux de fin de contrat.
A titre subsidiaire
- condamner la SARL Cristal net à payer à Mme [T] les sommes suivantes :
- 3.497,52 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 349,75 euros bruts à titre de congés payés y afférents ;
- 5.343,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 19.236,36 euros (11 mois de salaires) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la SARL Cristal net à délivrer à Madame [V] [T] les documents sociaux de fin de contrat.
Sur les frais irrépétibles
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu'il a fixé au passif de la procédure collective de la SARL MJN SCOP la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Statuant à nouveau, fixer la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP à la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
- Subsidiairement, condamner la SARL Cristal net à payer à Mme [T] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Mme [V] [T] soutient :
- concernant la reprise du contrat de travail par la société MJN SCOP au 1er août 2017 et le rappel de salaire y afférent :
- elle a toujours travaillé sur le site de l'Intermarché de [Localité 4], disposant d'une ancienneté de plus de 6 mois et n'étant pas absente depuis plus de 4 mois à la date de la reprise du chantier.
- étant restée à la disposition de la SARL Cristal net et/ou de la SARL MJN SCOP du 1er août 2017 au 10 avril 2018, un rappel de salaire est dû jusqu'à la date de la liquidation judiciaire de la SARL MJN SCOP.
- concernant la résiliation judiciaire du contrat de travail :
- elle est restée sans travail, sans rémunération aucune et sans nouvelle tant de la société Cristal net que de la société MJN SCOP. Cette situation empêche la poursuite des relations contractuelles et justifie la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
- sur la date de la résiliation judiciaire dont elle conteste la fixation au jour du jugement : le contrat a pris fin antérieurement, d'une part, dans la mesure où le mandataire judiciaire fait l'aveu dans ses conclusions de 1ère instance de ce que le contrat aurait pris fin le 17 novembre 2017, d'autre part, car la relation de travail ne pouvait plus perdurer après la liquidation judiciaire de la société MJN SCOP.
- concernant les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail, elle est fondée à percevoir :
- une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaires, en application de la convention collective, disposant de 12 ans d'ancienneté,.
- une indemnité légale de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année au-delà de dix ans.
- une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de ses 12 ans d'ancienneté.
En l'état de ses dernières écritures du 11 août 2022, contenant appel incident, la SELARL BRMJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MJN SCOP, placée en liquidation judiciaire selon décision du Tribunal de commerce de Nîmes le 10 avril 2018, sollicite :
A titre principal,
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 7octobre 2019 en ce qu'il a :
- mis hors de cause la société Cristal net
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de Mme [T] à la date du 7 octobre 2019 aux torts exclusifs de la société MJN SCOP,
- fixé la créance de Mme [T] à l'encontre de la procédure collective de la SARL MJN SCOP aux sommes suivantes :
- 3.497,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice dont 349,74 euros de congés payés y afférents,
- 5.343,43 euros d'indemnité légale de licenciement,
- 19.236,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonné à la SELARL BRMJ de délivrer à Mme [T] les documents sociaux de fin de contrat,
- condamné la SARL MJN SCOP à 1.000,00 euros de frais irrépétibles non opposables aux AGS,
- déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 5], gestionnaire de l'AGS,
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans la limite des plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective,
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à l'encontre de la Société MJN SCOP,
- mettre hors de cause la SELARL BRMJ, es qualités
- condamner la société Cristal net aux dépens, outre 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Sur la demande au titre des rappels de salaire à compter du 1er août 2017 :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 7 octobre 2019 en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions,
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [T] aux torts de la société MJN SCOP et ses conséquences indemnitaires :
-Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes le 7 octobre 2019
Statuant à nouveau,
A titre principal
- Dire et juger que la rupture est intervenue à l'initiative de Mme [T] au 1er août 2017
- Débouter Mme [T] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat
- Débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
A titre subsidiaire
- Dire et juger que la rupture est intervenue au 17 novembre 2017
- Débouter Mme [T] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat
- Réduire à de plus justes proportions les sommes inscrites au passif de la SCOP MJN
La SELARL BRMJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MJN SCOP, fait valoir:
- sur l'absence de transfert de plein droit du contrat de travail de Mme [T] :
- la salariée ne remplissait pas les conditions pour que son contrat soit transféré à la SARL MJN SCOP : ainsi elle ne justifiait pas d'une ancienneté d'affectation sur le marché d'au moins six mois et elle était absente depuis plus de quatre mois, à l'expiration du contrat commercial.
- Mme [T] n'a de surcroît pas accepté son transfert et elle ne s'est pas présentée à son poste de travail à la date de ce transfert.
- enfin, la société Cristal net, de mauvaise foi, a méconnu l'ensemble de ses obligations conventionnelles et a cru pouvoir se défausser sur le repreneur du marché.
- s'agissant de la résiliation judiciaire : le contrat de la salariée a été rompu au plus tard le 17 novembre 2017.
En l'état de ses dernières écritures du 22 avril 2020, la SARL Cristal net Montpellier, venant aux droits de la SARL Cristal net [Localité 3], sollicite :
- donner acte la SARL Cristal net Montpellier, Société à responsabilité limitée, au capital de 696130,00 euros, ayant son siège social sis [Adresse 8], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Montpellier, sous le numéro 513747584, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [L] [E], en sa qualité de Gérant non associé, domicilié ès qualités audit siège, de ce qu'elle vient aux droits de la Cristal net [Localité 3] dans cette instance.
A titre principal :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et ce faisant,
- mettre hors de cause la société Cristal net [Localité 3]
- débouter en conséquence Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à l'encontre de la société Cristal net [Localité 3]
A titre subsidiaire, et en cas de réformation du jugement dont s'agit :
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes relatives au préavis et à l'indemnité de licenciement ainsi qu'aux dommages et intérêts pour licenciement abusif sollicités à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire.
- débouter Mme [T] de sa demande au titre d'un rappel de salaires dès lors qu'elle ne s'est jamais plus présentée auprès de la société Cristal net à compter du 1er août 2017.
- en tout état de cause, la condamner à 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
La société Cristal net soutient qu'en tant entreprise sortante, elle a respecté ses obligations en matière de transfert et a adressé à la société MJN SCOP l'ensemble des documents tels qu'imposés par la convention collective.
Elle précise que la salariée était affectée sur le chantier de [Localité 4], depuis plus de six mois et qu'elle avait repris son activité conformément à la convention collective, se présentant à son poste le 3 juillet 2017, soit 3 semaines avant la reprise par la société MJN, ce qui démontre une fin de la période d'interruption de son contrat ainsi qu'une absence inférieure à quatre mois à la date du 1er août 2017. Cette reprise a cependant été entravée par l'Intermarché de [Localité 4].
Elle fait état de l'existence d'une collusion frauduleuse pour échapper aux obligations conventionnelles de transfert; le constat d'huissier du 3 juillet 2017 confronté au courrier que la société MJN lui a adressé le 26 juillet 2017 permettant de caractériser la tentative de fraude.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 5], dans ses conclusions transmises le 4 août 2020, demande à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 7 octobre 2019 en ce qu‘il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts de la société MJN SCOP,
- prendre acte de ce que l'UNEDlC reprend et fait sienne l'argumentation soutenue par la SELARL BRMJ, ès qualité de mandataire liquidateur de la société MJN SCOP,
En conséquence,
- prononcer la mise hors de cause de l'UNEDlC,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société MJN SCOP,
- la condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- constater que la rupture du contrat de travail est intervenue plus de 15 jours après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société MJN SCOP.
En conséquence,
- dire et juger les demandes de Mme [T] hors champ de garantie de l'UNEDlC
En tout état de cause
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l''avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17, L. 3253-19 et suivants du code du travail
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire I'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
- faire application des dispositions du code de commerce et du décret
- donner acte à l'UNEDlC et l'AGS de ce qu‘ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 16 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 août 2022.
MOTIFS
Sur le transfert conventionnel du contrat de travail
Aux termes de l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté :
"Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :
(...)
B. Etre titulaire :
a) Soit d'un contrat de travail à durée indéterminée et,
-justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.
-ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. A cette date, seul(e)s les salarié(e)s en congé maternité seront repris(es) sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité compris ou période d'activité partielle compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la/le salarié(e) ne serait pas en congé de maternité ou en activité partielle à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public (...)".
Il est constant que le marché portant sur le chantier de l'Intermarché de [Localité 4] a été repris par la société MJN SCOP le 1er août 2017.
La SARL Cristal net produit le contrat de travail de Mme [V] [T] montrant qu'elle est affectée à ce chantier depuis son embauche le 2 janvier 2007 par la Sas Groupe Alter Services, prestataire initial et aucune modification n'est intervenue à la suite du transfert à la SARL Cristal net, lors de la reprise du marché.
La société MJN SCOP, par l'intermédiaire de son mandataire, fait valoir que Mme [V] [T] n'a pas signé avec la SARL Cristal net le 1er novembre 2013 un avenant à son contrat de travail mentionnant un simple changement d'employeur, comme le prescrit la convention collective mais un nouveau contrat de travail ne stipulant pas le marché sur lequel elle était affectée et que rien ne démontre qu'elle travaillait sur ce marché depuis le 1er novembre 2013.
Or, le contrat prévoit, conformément à la convention collective, la continuité de son emploi alors que le contrat précédent avec la Sas Groupe Alter Services mentionnait une affectation exclusive à temps plein sur l'intermarché de [Localité 4].
Enfin, il importe peu que Mme [V] [T] ait été arrêtée pour cause d'accident du travail puis dans le cadre de son congé parental d'éducation.
Dès lors, la condition tenant à une affectation sur ce marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial est remplie.
Par courriel du 15 mai 2017, Mme [V] [T] a informé son employeur, la SARL Cristal net, qu'elle reprenait le travail le 1er juillet 2017.
Il ressort de l'avis, établi le 3 juillet 2017, par le médecin du travail que Mme [V] [T] a été déclarée apte à reprendre son travail au sein de l'entreprise Cristal Net [Localité 3] après son congé parental d'éducation.
Le constat d'huissier de justice produit établit qu'elle s'est présentée le lundi 3 juillet 2017 à 17 heures à son poste de travail sur le site de l'intermarché de [Localité 4], mais que le responsable du magasin a refusé de la laisser rentrer.
Le bulletin de salaire du mois de juillet 2017 montre que Mme [V] [T] a perçu un salaire de 481,95 euros pour 11,67 heures travaillées, soit jusqu'au 3 juillet inclus.
Si, le 4 juillet 2017, Mme [V] [T] a produit un certificat médical initial, dans la mesure où elle était présente à son poste de travail le 3 juillet 2017, il doit être considéré qu'elle n'était pas absente depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat commercial, soit au 1er août 2017.
Il importe peu qu'elle n'ait pas repris le travail à 12 heures à [Localité 4], comme prévu par le planning mais à 17 heures, étant relevé que la visite de reprise avait lieu le matin-même, à [Localité 3], à 8 heures 30.
La société MJN SCOP reproche par ailleurs aux premiers juges de ne pas avoir vérifié que la SARL Cristal net, entreprise sortante, avait réalisé l'ensemble des obligations lui incombant vis-à-vis de l'entreprise entrante et de Mme [V] [T], ainsi que le fait que cette dernière ait consenti au transfert.
Toutefois, la SARL Cristal net produit un courrier du 25 juillet 2017 adressé à la société MJN SCOP par lequel elle a transmis les éléments conformément à l'article 7-3 de la convention collective au titre des obligations à la charge de l'ancien prestataire. Elle joignait également le procès-verbal de constat d'huissier relatif à la reprise de poste par Mme [V] [T] suite à son congé parental.
Par ailleurs, la convention collective prévoit que la carence de l'entreprise sortante dans la transmission des renseignements prévus à l'article 7.3 ne peut empêcher le changement d'employeur que dans le seul cas où cette carence met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
La société MJN SCOP ne peut sérieusement faire valoir l'absence de consentement au transfert alors que par courrier du 17 novembre 2017, la société indiquait elle-même que Mme [V] [T] s'était rendue au siège social le 10 août 2017 afin de bénéficier du transfert conventionnel, souhait réitéré ensuite par courriers des 9 et 23 novembre 2017.
En outre, la cour relève que le principe de la nécessité d'obtenir l'accord exprès du salarié est édicté dans le seul intérêt de ce dernier, lequel peut seul en invoquer sa méconnaissance.
Enfin, aucune fraude de la part de la SARL Cristal net n'est démontrée qui ferait "échec à la reprise", étant relevé que la société MJN SCOP était informée le 26 juillet 2017 du fait que Mme [V] [T] faisait partie des salariés transférables.
Dès lors, les conditions du transfert du contrat de travail sont bien remplies.
Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le transfert conventionnel du contrat de travail s'était opéré entre la SARL Cristal net et la société MJN SCOP.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Par courrier du 17 novembre 2017, la société MJN SCOP a clairement refusé le transfert du contrat de travail de Mme [V] [T] alors que ce dernier intervenait de plein droit.
Le refus par la société MJN SCOP de reprendre le contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demande de résiliation judiciaire formée devant le conseil de prud'hommes n'a donc aucun objet puisque le contrat de travail a été rompu le 17 novembre 2017. Elle ne peut donc qu'être rejetée.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il convient de statuer sur les demandes d'indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et séreuse telles que formulées par Mme [V] [T].
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Conformément à l'article 4.11 de la convention collective, Mme [V] [T] qui avait 11 ans d'ancienneté a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaires, soit 3 497,52 euros bruts, outre 349,75 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé sur ce point sauf à le rectifier en précisant que l'indemnité de congés payés est due en sus de l'indemnité compensatrice de préavis.
- Sur l'indemnité légale de licenciement
En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement est égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année au-delà de dix ans.
L'indemnité due sera fixée à 4 954,82 euros.
Le jugement sera donc ici infirmé.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, Mme [V] [T] a droit à une indemnité comprise entre 3 et 10,5 mois de salaire brut.
Mme [V] [T] ne donne aucun élément sur sa situation personnelle et sur son préjudice permettant à la cour de lui accorder davantage que le minimum légal.
Ainsi, tenant compte du montant de la rémunération de 1748,75 euros bruts et de son ancienneté de 11 ans, dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [V] [T] doit être évaluée à la somme de 5246,28 euros correspondant à l'équivalent de trois mois de salaire brut.
Le jugement sera donc infirmé.
- Sur la demande de rappel de salaires
Le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur ce point.
Le transfert du contrat de travail implique le maintien de la rémunération par la société MJN SCOP et Mme [V] [T] est restée à la disposition de l'entreprise entrante comme cela ressort de sa venue au siège de la société le 10 août 2017 et de son courrier du 9 novembre 2017.
Il convient donc de fixer sa créance à l'encontre de la procédure collective de la société MJN SCOP à la somme de 6237,24 euros bruts (1748,76 euros X 3 mois + 1748,76 euros X 17/30) à titre de rappel de salaire pour la période du 1er août 2017 au 17 novembre 2017 outre la somme de 623,72 euros bruts de congés payés afférents.
Sur la remise des documents sociaux
Il sera ordonné la remise des bulletins de paie pour la période de travail du 1er août au 17 novembre 2017, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles, sauf à préciser que cette dernière créance sera fixée à la procédure collective.
Les dépens d'appel seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.
L'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme le jugement rendu le 7 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :
-mis hors de cause la société Cristal net
-fixé à la procédure collective de la SARL MJN SCOP la somme de 3 497,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 349,74 euros au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que cette dernière somme est due en sus de la première,
-condamné la SARL MJN SCOP à 1000 euros de frais irrépétibles non opposables aux AGS, sauf à préciser que cette somme sera « fixée » à la procédure collective,
-dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure
- L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
- fixe ainsi que suit la créance de Mme [V] [T] :
- 6237,24 euros bruts au titre des rappels de salaires outre 623,72 euros au titre des congés payés afférents
- 4 954,82 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 5246,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,
- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
- Ordonne au mandataire liquidateur la remise des bulletins de paie pour la période de travail du 1er août au 17 novembre 2017, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt.
- Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,
- Rejette le surplus des demandes,
- Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,