Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 janvier 2023, 21-23.735, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 janvier 2023, 21-23.735, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-23.735
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300024
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 11 janvier 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 08 juillet 2021- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 janvier 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 24 F-D
Pourvoi n° G 21-23.735
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023
Mme [W] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-23.735 contre l'arrêt rendu le 8 juillet 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [K] [M], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société Liberté 25, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [J], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [M] et de la société Liberté 25, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 juillet 2021), par acte du 14 novembre 2014, Mme [M] a donné à bail commercial un local à usage de bureaux à Mme [J], agissant tant à titre personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation que celle-ci se réservait de constituer ultérieurement, le bail comportant une clause de substitution au bénéfice de la société dès son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et Mme [J] se portant caution solidaire des engagements de la société Esthetic formation à l'égard de la bailleresse.
2. La société Esthetic formation a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015.
3. Le 17 mai 2018, la bailleresse a délivré à la société Esthetic formation un commandement de payer les loyers échus, visant la clause résolutoire, dénoncé à Mme [J] en sa qualité de caution.
4. Par jugement du 11 juin 2018, la société Esthetic formation a été mise en redressement judiciaire.
5. Le 24 juillet 2018, un second commandement de payer, visant la clause résolutoire, a été délivré à M. [N], pris en sa qualité de mandataire judiciaire.
6. Par jugement du 14 novembre 2018, la procédure ouverte à l'égard de la société Esthetic formation a été convertie en liquidation judiciaire et M. [N], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire, a notifié à la bailleresse la résiliation du bail commercial pour le compte exclusif de la société sous procédure collective.
7. Par lettre du 15 novembre 2018, Mme [J], se prévalant de la qualité de preneur du local commercial, a revendiqué le bénéfice du pacte de préférence stipulé au contrat de bail, en cas de vente de l'immeuble.
8. Le 10 janvier 2019, Mme [J] a été expulsée des locaux donnés à bail.
9. Sur assignation en référé délivrée par Mme [J] aux fins de voir constater sa qualité de locataire et la voie de fait dont elle s'estimait victime, par arrêt infirmatif du 23 mai 2019, la cour d'appel a dit que la qualité de locataire de celle-ci se heurtait à une contestation sérieuse, que son expulsion constituait une voie de fait et a ordonné sa réintégration sous astreinte.
10. Par acte du 5 juin 2019, Mme [M] et la société civile immobilière Liberté 25, qui avait acquis les locaux litigieux par acte du 22 mars 2019, ont assigné Mme [J] aux fins, notamment, de voir juger que seule la société Esthetic formation était titulaire du bail commercial et bénéficiaire du pacte de préférence. Mme [J] a sollicité, reconventionnellement, la nullité de la vente intervenue en méconnaissance du pacte de préférence stipulé en sa faveur et réparation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Mme [J] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas la qualité de preneur ou de co-preneur, de dire, en conséquence, qu'elle ne peut revendiquer à son profit le pacte de préférence stipulé au contrat de bail et de rejeter ses demandes reconventionnelles relatives à la nullité de la vente, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, qu' aux termes de l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 : « Les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Mme [W] [Z] aura priorité et préférence pour l'acquisition dudit immeuble, à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptés par eux. L'offre obtenue devra être signifiée à Mme [W] [Z] ou ses ayants-droit, preneur aux présentes, par lettre recommandée avec accusé de réception, dont copie sera adressée également à la société Sergic, négociateur et rédacteur des présentes, ou par ministère d'huissier de justice. Mme [W] [Z], preneur, aura un délai de quinze jours à compter de la date d'expédition de la lettre recommandée ou de la signification par acte extrajudiciaire pour prendre parti, tant directement qu'indirectement. En cas de non réponse dans le délai indiqué, Mme [W] [Z] sera réputée ne pas donner suite et renoncer à cet achat et Mme [K] [M] ou ses représentants pourraient réaliser la vente de l'immeuble à qui bon leur semblerait au prix signifié. En cas d'acceptation soit par lettre recommandée avec accusé de réception, postée dans les délais, soit par ministère d'huissier de justice dans les délais également, Mme [W] [Z] alors acquéreur, devra consigner dans le délai de dix jours de leur acceptation chez le notaire désigné par Mme [K] [M] dans leur signification, une somme égale à 10 % du prix et ce, à titre d'arrhes, dans les termes de l'article 1590 du code civil, le solde du prix et la totalité des frais d'actes seront régularisés à première demande du notaire. Les honoraires de négociation, qui seront dans ce cas dus à la société Sergic Entreprises, seront à la charge de l'acquéreur à hauteur de 5 % hors taxes du prix de vente et payables à la signature des actes authentiques » ; qu'en énonçant que « certes, Mme [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence, ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » quand Mme [W] [J], épouse [Z], était expressément désignée comme bénéficiaire du pacte de préférence, la cour d'appel a dénaturé la clause B-21 du bail conclu le 14 novembre 2014 et a violé le principe susvisé ;
2°/ qu'en matière de bail commercial la cotitularité du bail n'est subordonnée à aucune stipulation expresse en ce sens ; qu'en déniant à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs « qu'en l'absence de disposition légale relative à la cotitularité dans le régime des baux commerciaux, celle-ci ne peut résulter que d'une disposition expresse du bail », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code ;
3°/ qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » et qu'en page 2 du bail il était précisé : « Par la présente, Mme [K] [M] accorde un bail à loyer à Mme [W] [Z] née [J] qui accepte en son nom et pour le compte de la société Esthetic formation en cours de constitution les lieux ci-après désignés (...) ; qu'il s'évince encore des constatations de l'arrêt que la société Esthetic formation a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015 avec un début d'activité déclaré au 28 avril 2015 ; qu'en déniant néanmoins à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs qu'en l'espèce, aucun élément n'indique que la bailleresse a entendu louer son bien à plusieurs personnes cotitulaires du bail, l'acte étant intégralement rédigé en se référant à la mention « le preneur » quand, à la date de la conclusion du bail, le 14 novembre 2014, Mme [W] [J], épouse [Z], « agissant en son nom personnel » se voyait reconnaître la qualité de preneur et bénéficiait à ce titre du pacte de préférence institué dans le contrat de bail et qu'il ne résultait d'aucune autre stipulation du bail que la constitution ultérieure de la société Esthetic formation lui aurait fait perdre cette qualité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code,
4°/ que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; que la reprise des engagements par la société ne prive pas le preneur, qui conclut le bail commercial tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société, du bénéfice du pacte de préférence stipulé dans le bail en sa qualité de preneur ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt qu'il était stipulé à l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 que « les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Mme [W] [Z], preneur, aura la priorité et préférence pour l'acquisition de l'immeuble à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptée par eux » ; qu'en relevant que « certes, Mme [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence ; ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » puis en ajoutant que la société Esthetic formation a été constituée le 20 mai 2015 sous forme de SAS dirigée par Mme [J], et qu'à compter de ce jour, la société Esthetic Formation est réputée avoir été la seule titulaire du bail pour en déduire que « Mme [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » quand la reprise des engagements par la société Esthetic formation, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015, n'avait pas eu pour effet de priver Mme [W] [J], épouse [Z], du bénéfice du droit de préférence qui lui était reconnu en sa qualité de preneur par l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 210-6 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
5°/ qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » ; qu'en énonçant que « Mme [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » aux motifs qu' « il sera relevé que l'engagement de caution solidaire de Mme [Z] garantit les sommes dues par la société Esthetic formation et porte sur la totalité des loyers, inversement, aucune garantie n'est prise par la bailleresse à l'égard de Mme [Z], qu'il s'en déduit que celle-ci n'est débitrice d'aucun loyer envers Mme [M], qu'aucune disposition n'a été prise pour envisager sa contribution au paiement du loyer en cas de défaillance de la société Esthetic formation hormis l'hypothèse où celle-ci ne serait pas formée, qu'il y a lieu d'en déduire que la bailleresse n'a pas entendu accorder le bail à deux copreneurs, qu'au surplus, entre la signature du bail le 14 novembre 2014 et le 15 novembre 2018, durant quatre années d'exécution du bail, Mme [Z] n'a manifesté aucune volonté d'être prise en compte comme cotitulaire de bail dans l'exécution du contrat et qu'en outre, l'état des lieux d'entrée a été dressé par huissier de justice le 21 novembre 2014 entre Mme [M] et la société « Esthetic formation », quand le bénéfice du pacte de préférence institué au profit de Mme [W] [J], épouse [Z], en sa qualité de preneur à la date de la conclusion du bail ne pouvait être atteint d'une manière quelconque par la constitution ultérieure de la société Esthetic formation et la reprise des engagements nés de la convention de bail, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel a constaté que le bail commercial régularisé entre Mme [M] et Mme [J], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle » indiquait, dans une clause B-26, que Mme [J] s'engageait « à faire toutes diligences pour requérir dans les meilleurs délais l'immatriculation de ladite société au registre du commerce et des sociétés » et que, dès sa constitution et son immatriculation, les engagements seraient réputés avoir été souscrits par celle-ci à la date de la signature.
13. Elle a encore constaté que le contrat avait été intégralement rédigé en se référant au preneur au singulier ("le preneur") sans qu'aucune de ses clauses n'évoque l'existence de deux cotitulaires du bail ou celle d'une obligation conjointe et solidaire entre eux.
14. Elle a relevé, en outre, que la stipulation suivant laquelle Mme [J] serait tenue d'exécuter le contrat dans le cas où, pour une raison quelconque, la société en cours de constitution ne serait pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans un délai de six mois, serait privée d'intérêt dans l'hypothèse d'une cotitularité du bail bénéficiant à la société Esthetic formation et à Mme [J] à titre personnel.
15. Elle a pu déduire de ses constatations et énonciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, par une interprétation souveraine du contrat, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté née du rapprochement de ses clauses rendait nécessaire, qu'il résultait de la commune volonté des parties que les locaux ne fussent donnés à bail qu'à un seul preneur, la société Esthetic formation se substituant, dès son immatriculation, à Mme [J], intervenue à l'acte sous le régime juridique des sociétés en formation, et que la clause B-21 du bail, stipulant un pacte de préférence en cas de vente de l'immeuble, ne pouvait bénéficier, une fois celle-ci immatriculée, qu'à la société preneuse, prise en la personne de sa dirigeante, et non à Mme [J], prise à titre personnel, de sorte que les demandes de celles-ci ne pouvaient être accueillies.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
17. Mme [J] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation formées contre Mme [M], alors « que la seule constatation d'une expulsion constitutive d'une voie de fait ouvre droit à réparation ; qu'il s'évince des motifs de l'arrêt qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel du 23 mai 2019 que l'expulsion de Mme [Z] par Mme [M] et par la SCI Liberté 25 le 10 janvier 2019 est constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ; qu'en déboutant néanmoins Mme [J], épouse [Z], de sa demande en réparation des différents préjudices subis, consécutifs à cette expulsion, constitués de la perte d'exploitation, de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires sur la période de janvier 2019 à décembre 2019, de la perte liée à la reconstitution du carnet de commandes et des frais engagés pour réaménager les lieux loués, aux motifs que le bail avait été résilié le 22 novembre 2018 par le mandataire judiciaire de la société Esthetic formation, que les locaux étaient redevenus libres de tout locataire et que Mme [J], épouse [Z], n'avait aucun titre pour s'y maintenir, quand il était constaté que l'expulsion de Mme [J], épouse [Z], effectuée le 10 janvier 2019 à l'initiative de Mme [K] [M] et de la SCI Liberté 25, était constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ainsi qu'il résultait des énonciations de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 23 mai 2019, d'où il résultait que Mme [J], épouse [Z], était fondée à obtenir réparation des préjudices générés par cette voie de fait, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
18. La cour d'appel a, d'une part, constaté que l'arrêt rendu en référé le 23 mai 2019 avait ordonné, sous astreinte, la réintégration de Mme [J] des locaux dont elle avait été expulsée le 10 janvier 2019, faisant ainsi ressortir que le préjudice résultant de la voie de fait avait été réparé en nature, et, d'autre part, retenu que Mme [J] ne disposait d'aucun titre pour se maintenir dans les lieux après la résiliation du bail par le liquidateur judiciaire de la société Esthectic formation, de sorte qu'aucune demande de réparation d'un préjudice en lien avec une perte d'activité commerciale dans les locaux redevenus libres de tout locataire et sur lesquels elle ne disposait d'aucun droit, ne pouvait être accueillie.
19. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [J], épouse [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] épouse [Z] et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme [M] et à la société civile immobilière Liberté 25 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour Mme [J]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [W] [J], épouse [Z], fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lille, en toutes ses dispositions sauf celles relatives à l'expulsion de Mme [W] [J], épouse [Z], aux indemnités d'occupation et aux dépens de l'instance de référé, et donc de l'avoir confirmé en ce que le tribunal de grande instance de Lille a dit que Mme [W] [J], épouse [Z], n'a pas la qualité de preneur ou de copreneur du bail consenti par Mme [K] [M] le 14 novembre 2014, dit en conséquence que Mme [W] [J], épouse [Z], ne peut revendiquer à son profit le pacte de préférence stipulé au contrat de bail du 14 novembre 2014, et débouté en conséquence Mme [W] [J], épouse [Z], de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles relatives à la nullité de la vente,
1° Alors en premier lieu que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, qu'aux termes de l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 : « Les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Mme [W] [Z] aura priorité et préférence pour l'acquisition dudit immeuble, à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptés par eux. L'offre obtenue devra être signifiée à Mme [W] [Z] ou ses ayants-droit, preneur aux présentes, par lettre recommandée avec accusé de réception, dont copie sera adressée également à la société Sergic, négociateur et rédacteur des présentes, ou par ministère d'huissier de justice. Mme [W] [Z], preneur, aura un délai de quinze jours à compter de la date d'expédition de la lettre recommandée ou de la signification par acte extrajudiciaire pour prendre parti, tant directement qu'indirectement. En cas de non réponse dans le délai indiqué, Mme [W] [Z] sera réputée ne pas donner suite et renoncer à cet achat et Mme [K] [M] ou ses représentants pourraient réaliser la vente de l'immeuble à qui bon leur semblerait au prix signifié. En cas d'acceptation soit par lettre recommandée avec accusé de réception, postée dans les délais, soit par ministère d'huissier de justice dans les délais également, Mme [W] [Z] alors acquéreur, devra consigner dans le délai de dix jours de leur acceptation chez le notaire désigné par Mme [K] [M] dans leur signification, une somme égale à 10 % du prix et ce, à titre d'arrhes, dans les termes de l'article 1590 du code civil, le solde du prix et la totalité des frais d'actes seront régularisés à première demande du notaire. Les honoraires de négociation, qui seront dans ce cas dus à la société Sergic Entreprises, seront à la charge de l'acquéreur à hauteur de 5 % hors taxes du prix de vente et payables à la signature des actes authentiques » ; qu'en énonçant que « certes, Mme [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence, ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic Formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » quand Mme [W] [J], épouse [Z], était expressément désignée comme bénéficiaire du pacte de préférence, la cour d'appel a dénaturé la clause B-21 du bail conclu le 14 novembre 2014 et a violé le principe susvisé,
2° Alors en deuxième lieu qu'en matière de bail commercial la cotitularité du bail n'est subordonnée à aucune stipulation expresse en ce sens ; qu'en déniant à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs qu'en l'absence de disposition légale relative à la cotitularité dans le régime des baux commerciaux, celle-ci ne peut résulter que d'une disposition expresse du bail », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code,
3° Alors en troisième lieu qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic Formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » et qu'en page 2 du bail il était précisé : « Par la présente, Madame [K] [M] accorde un bail à loyer à Madame [W] [Z] née [J] qui accepte en son nom et pour le compte de la société Esthetic Formation en cours de constitution les lieux ci-après désignés (...) ; qu'il s'évince encore des constatations de l'arrêt que la société Esthetic Formation a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015 avec un début d'activité déclaré au 28 avril 2015 ; qu'en déniant néanmoins à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs qu'en l'espèce, aucun élément n'indique que la bailleresse a entendu louer son bien à plusieurs personnes cotitulaires du bail, l'acte étant intégralement rédigé en se référant à la mention « le preneur » quand, à la date de la conclusion du bail, le 14 novembre 2014, Mme [W] [J], épouse [Z], « agissant en son nom personnel » se voyait reconnaître la qualité de preneur et bénéficiait à ce titre du pacte de préférence institué dans le contrat de bail et qu'il ne résultait d'autre autre stipulation du bail que la constitution ultérieure de la société Esthetic Formation lui aurait fait perdre cette qualité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code,
4° Alors en quatrième lieu que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; que la reprise des engagements par la société ne prive pas le preneur, qui conclut le bail commercial tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société, du bénéfice du pacte de préférence stipulé dans le bail en sa qualité de preneur ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt qu'il était stipulé à l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 que « les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Madame [W] [Z], preneur, aura la priorité et préférence pour l'acquisition de l'immeuble à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptée par eux » ; qu'en relevant que « certes, Madame [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence ; ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic Formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » puis en ajoutant que la société Esthetic Formation a été constituée le 20 mai 2015 sous forme de SAS dirigée par Mme [J], et qu'à compter de ce jour, la société Esthetic Formation est réputée avoir été la seule titulaire du bail pour en déduire que « Madame [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » quand la reprise des engagements par la société Esthetic Formation, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015, n'avait pas eu pour effet de priver Mme [W] [J], épouse [Z], du bénéfice du droit de préférence qui lui était reconnu en sa qualité de preneur par l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014, la cour d'appel a violé l'article L 210-6 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.
5° Alors en cinquième lieu qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic Formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » ; qu'en énonçant que « Madame [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » aux motifs qu'«il sera relevé que l'engagement de caution solidaire de Mme [Z] garantit les sommes dues par la société Esthetic Formation et porte sur la totalité des loyers, inversement, aucune garantie n'est prise par la bailleresse à l'égard de Mme [Z], qu'il s'en déduit que celle-ci n'est débitrice d'aucun loyer envers Mme [M], qu'aucune disposition n'a été prise pour envisager sa contribution au paiement du loyer en cas de défaillance de la société Esthetic Formation hormis l'hypothèse où celle-ci ne serait pas formée, qu'il y a lieu d'en déduire que la bailleresse n'a pas entendu accorder le bail à deux copreneurs, qu'au surplus, entre la signature du bail le 14 novembre 2014 et le 15 novembre 2018, durant quatre années d'exécution du bail, Mme [Z] n'a manifesté aucune volonté d'être prise en compte comme cotitulaire de bail dans l'exécution du contrat et qu'en outre, l'état des lieux d'entrée a été dressé par huissier de justice le 21 novembre 2014 entre Mme [M] et la société « Esthetic Formation » (sic) », quand le bénéfice du pacte de préférence institué au profit de Mme [W] [J], épouse [Z], en sa qualité de preneur à la date de la conclusion du bail ne pouvait être atteint d'une manière quelconque par la constitution ultérieure de la société Esthetic Formation et la reprise des engagements nés de la convention de bail, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [W] [J], épouse [Z], fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lille, en toutes ses dispositions sauf celles relatives à l'expulsion de Mme [W] [J], épouse [Z], aux indemnités d'occupation et aux dépens de l'instance de référé, et donc de l'avoir confirmé en ce que le tribunal de grande instance de Lille l'a débouté de sa demande en réparation dirigée à l'encontre de Mme [K] [M],
Alors que la seule constatation d'une expulsion constitutive d'une voie de fait ouvre droit à réparation ; qu'il s'évince des motifs de l'arrêt qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel du 23 mai 2019 que l'expulsion de Mme [Z] par Mme [M] et par la SCI Liberté 25 le 10 janvier 2019 est constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ; qu'en déboutant néanmoins Mme [J], épouse [Z], de sa demande en réparation des différents préjudices subis, consécutifs à cette expulsion, constitués de la perte d'exploitation, de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires sur la période de janvier 2019 à décembre 2019, de la perte liée à la reconstitution du carnet de commandes et des frais engagés pour réaménager les lieux loués, aux motifs que le bail avait été résilié le 22 novembre 2018 par le mandataire judiciaire de la société Esthetic Formation, que les locaux étaient redevenus libres de tout locataire et que Mme [J], épouse [Z], n'avait aucun titre pour s'y maintenir, quand il était constaté que l'expulsion de Mme [J], épouse [Z], effectuée le 10 janvier 2019 à l'initiative de Mme [K] [M] et de la SCI Liberté 25, était constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ainsi qu'il résultait des énonciations de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 23 mai 2019, d'où il résultait que Mme [J], épouse [Z], était fondée à obtenir réparation des préjudices générés par cette voie de fait, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2023:C300024
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 janvier 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 24 F-D
Pourvoi n° G 21-23.735
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023
Mme [W] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-23.735 contre l'arrêt rendu le 8 juillet 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [K] [M], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société Liberté 25, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [J], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [M] et de la société Liberté 25, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 juillet 2021), par acte du 14 novembre 2014, Mme [M] a donné à bail commercial un local à usage de bureaux à Mme [J], agissant tant à titre personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation que celle-ci se réservait de constituer ultérieurement, le bail comportant une clause de substitution au bénéfice de la société dès son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et Mme [J] se portant caution solidaire des engagements de la société Esthetic formation à l'égard de la bailleresse.
2. La société Esthetic formation a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015.
3. Le 17 mai 2018, la bailleresse a délivré à la société Esthetic formation un commandement de payer les loyers échus, visant la clause résolutoire, dénoncé à Mme [J] en sa qualité de caution.
4. Par jugement du 11 juin 2018, la société Esthetic formation a été mise en redressement judiciaire.
5. Le 24 juillet 2018, un second commandement de payer, visant la clause résolutoire, a été délivré à M. [N], pris en sa qualité de mandataire judiciaire.
6. Par jugement du 14 novembre 2018, la procédure ouverte à l'égard de la société Esthetic formation a été convertie en liquidation judiciaire et M. [N], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire, a notifié à la bailleresse la résiliation du bail commercial pour le compte exclusif de la société sous procédure collective.
7. Par lettre du 15 novembre 2018, Mme [J], se prévalant de la qualité de preneur du local commercial, a revendiqué le bénéfice du pacte de préférence stipulé au contrat de bail, en cas de vente de l'immeuble.
8. Le 10 janvier 2019, Mme [J] a été expulsée des locaux donnés à bail.
9. Sur assignation en référé délivrée par Mme [J] aux fins de voir constater sa qualité de locataire et la voie de fait dont elle s'estimait victime, par arrêt infirmatif du 23 mai 2019, la cour d'appel a dit que la qualité de locataire de celle-ci se heurtait à une contestation sérieuse, que son expulsion constituait une voie de fait et a ordonné sa réintégration sous astreinte.
10. Par acte du 5 juin 2019, Mme [M] et la société civile immobilière Liberté 25, qui avait acquis les locaux litigieux par acte du 22 mars 2019, ont assigné Mme [J] aux fins, notamment, de voir juger que seule la société Esthetic formation était titulaire du bail commercial et bénéficiaire du pacte de préférence. Mme [J] a sollicité, reconventionnellement, la nullité de la vente intervenue en méconnaissance du pacte de préférence stipulé en sa faveur et réparation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Mme [J] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas la qualité de preneur ou de co-preneur, de dire, en conséquence, qu'elle ne peut revendiquer à son profit le pacte de préférence stipulé au contrat de bail et de rejeter ses demandes reconventionnelles relatives à la nullité de la vente, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, qu' aux termes de l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 : « Les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Mme [W] [Z] aura priorité et préférence pour l'acquisition dudit immeuble, à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptés par eux. L'offre obtenue devra être signifiée à Mme [W] [Z] ou ses ayants-droit, preneur aux présentes, par lettre recommandée avec accusé de réception, dont copie sera adressée également à la société Sergic, négociateur et rédacteur des présentes, ou par ministère d'huissier de justice. Mme [W] [Z], preneur, aura un délai de quinze jours à compter de la date d'expédition de la lettre recommandée ou de la signification par acte extrajudiciaire pour prendre parti, tant directement qu'indirectement. En cas de non réponse dans le délai indiqué, Mme [W] [Z] sera réputée ne pas donner suite et renoncer à cet achat et Mme [K] [M] ou ses représentants pourraient réaliser la vente de l'immeuble à qui bon leur semblerait au prix signifié. En cas d'acceptation soit par lettre recommandée avec accusé de réception, postée dans les délais, soit par ministère d'huissier de justice dans les délais également, Mme [W] [Z] alors acquéreur, devra consigner dans le délai de dix jours de leur acceptation chez le notaire désigné par Mme [K] [M] dans leur signification, une somme égale à 10 % du prix et ce, à titre d'arrhes, dans les termes de l'article 1590 du code civil, le solde du prix et la totalité des frais d'actes seront régularisés à première demande du notaire. Les honoraires de négociation, qui seront dans ce cas dus à la société Sergic Entreprises, seront à la charge de l'acquéreur à hauteur de 5 % hors taxes du prix de vente et payables à la signature des actes authentiques » ; qu'en énonçant que « certes, Mme [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence, ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » quand Mme [W] [J], épouse [Z], était expressément désignée comme bénéficiaire du pacte de préférence, la cour d'appel a dénaturé la clause B-21 du bail conclu le 14 novembre 2014 et a violé le principe susvisé ;
2°/ qu'en matière de bail commercial la cotitularité du bail n'est subordonnée à aucune stipulation expresse en ce sens ; qu'en déniant à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs « qu'en l'absence de disposition légale relative à la cotitularité dans le régime des baux commerciaux, celle-ci ne peut résulter que d'une disposition expresse du bail », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code ;
3°/ qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » et qu'en page 2 du bail il était précisé : « Par la présente, Mme [K] [M] accorde un bail à loyer à Mme [W] [Z] née [J] qui accepte en son nom et pour le compte de la société Esthetic formation en cours de constitution les lieux ci-après désignés (...) ; qu'il s'évince encore des constatations de l'arrêt que la société Esthetic formation a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015 avec un début d'activité déclaré au 28 avril 2015 ; qu'en déniant néanmoins à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs qu'en l'espèce, aucun élément n'indique que la bailleresse a entendu louer son bien à plusieurs personnes cotitulaires du bail, l'acte étant intégralement rédigé en se référant à la mention « le preneur » quand, à la date de la conclusion du bail, le 14 novembre 2014, Mme [W] [J], épouse [Z], « agissant en son nom personnel » se voyait reconnaître la qualité de preneur et bénéficiait à ce titre du pacte de préférence institué dans le contrat de bail et qu'il ne résultait d'aucune autre stipulation du bail que la constitution ultérieure de la société Esthetic formation lui aurait fait perdre cette qualité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code,
4°/ que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; que la reprise des engagements par la société ne prive pas le preneur, qui conclut le bail commercial tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société, du bénéfice du pacte de préférence stipulé dans le bail en sa qualité de preneur ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt qu'il était stipulé à l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 que « les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Mme [W] [Z], preneur, aura la priorité et préférence pour l'acquisition de l'immeuble à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptée par eux » ; qu'en relevant que « certes, Mme [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence ; ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » puis en ajoutant que la société Esthetic formation a été constituée le 20 mai 2015 sous forme de SAS dirigée par Mme [J], et qu'à compter de ce jour, la société Esthetic Formation est réputée avoir été la seule titulaire du bail pour en déduire que « Mme [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » quand la reprise des engagements par la société Esthetic formation, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015, n'avait pas eu pour effet de priver Mme [W] [J], épouse [Z], du bénéfice du droit de préférence qui lui était reconnu en sa qualité de preneur par l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 210-6 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
5°/ qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » ; qu'en énonçant que « Mme [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » aux motifs qu' « il sera relevé que l'engagement de caution solidaire de Mme [Z] garantit les sommes dues par la société Esthetic formation et porte sur la totalité des loyers, inversement, aucune garantie n'est prise par la bailleresse à l'égard de Mme [Z], qu'il s'en déduit que celle-ci n'est débitrice d'aucun loyer envers Mme [M], qu'aucune disposition n'a été prise pour envisager sa contribution au paiement du loyer en cas de défaillance de la société Esthetic formation hormis l'hypothèse où celle-ci ne serait pas formée, qu'il y a lieu d'en déduire que la bailleresse n'a pas entendu accorder le bail à deux copreneurs, qu'au surplus, entre la signature du bail le 14 novembre 2014 et le 15 novembre 2018, durant quatre années d'exécution du bail, Mme [Z] n'a manifesté aucune volonté d'être prise en compte comme cotitulaire de bail dans l'exécution du contrat et qu'en outre, l'état des lieux d'entrée a été dressé par huissier de justice le 21 novembre 2014 entre Mme [M] et la société « Esthetic formation », quand le bénéfice du pacte de préférence institué au profit de Mme [W] [J], épouse [Z], en sa qualité de preneur à la date de la conclusion du bail ne pouvait être atteint d'une manière quelconque par la constitution ultérieure de la société Esthetic formation et la reprise des engagements nés de la convention de bail, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel a constaté que le bail commercial régularisé entre Mme [M] et Mme [J], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle » indiquait, dans une clause B-26, que Mme [J] s'engageait « à faire toutes diligences pour requérir dans les meilleurs délais l'immatriculation de ladite société au registre du commerce et des sociétés » et que, dès sa constitution et son immatriculation, les engagements seraient réputés avoir été souscrits par celle-ci à la date de la signature.
13. Elle a encore constaté que le contrat avait été intégralement rédigé en se référant au preneur au singulier ("le preneur") sans qu'aucune de ses clauses n'évoque l'existence de deux cotitulaires du bail ou celle d'une obligation conjointe et solidaire entre eux.
14. Elle a relevé, en outre, que la stipulation suivant laquelle Mme [J] serait tenue d'exécuter le contrat dans le cas où, pour une raison quelconque, la société en cours de constitution ne serait pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans un délai de six mois, serait privée d'intérêt dans l'hypothèse d'une cotitularité du bail bénéficiant à la société Esthetic formation et à Mme [J] à titre personnel.
15. Elle a pu déduire de ses constatations et énonciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, par une interprétation souveraine du contrat, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté née du rapprochement de ses clauses rendait nécessaire, qu'il résultait de la commune volonté des parties que les locaux ne fussent donnés à bail qu'à un seul preneur, la société Esthetic formation se substituant, dès son immatriculation, à Mme [J], intervenue à l'acte sous le régime juridique des sociétés en formation, et que la clause B-21 du bail, stipulant un pacte de préférence en cas de vente de l'immeuble, ne pouvait bénéficier, une fois celle-ci immatriculée, qu'à la société preneuse, prise en la personne de sa dirigeante, et non à Mme [J], prise à titre personnel, de sorte que les demandes de celles-ci ne pouvaient être accueillies.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
17. Mme [J] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation formées contre Mme [M], alors « que la seule constatation d'une expulsion constitutive d'une voie de fait ouvre droit à réparation ; qu'il s'évince des motifs de l'arrêt qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel du 23 mai 2019 que l'expulsion de Mme [Z] par Mme [M] et par la SCI Liberté 25 le 10 janvier 2019 est constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ; qu'en déboutant néanmoins Mme [J], épouse [Z], de sa demande en réparation des différents préjudices subis, consécutifs à cette expulsion, constitués de la perte d'exploitation, de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires sur la période de janvier 2019 à décembre 2019, de la perte liée à la reconstitution du carnet de commandes et des frais engagés pour réaménager les lieux loués, aux motifs que le bail avait été résilié le 22 novembre 2018 par le mandataire judiciaire de la société Esthetic formation, que les locaux étaient redevenus libres de tout locataire et que Mme [J], épouse [Z], n'avait aucun titre pour s'y maintenir, quand il était constaté que l'expulsion de Mme [J], épouse [Z], effectuée le 10 janvier 2019 à l'initiative de Mme [K] [M] et de la SCI Liberté 25, était constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ainsi qu'il résultait des énonciations de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 23 mai 2019, d'où il résultait que Mme [J], épouse [Z], était fondée à obtenir réparation des préjudices générés par cette voie de fait, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
18. La cour d'appel a, d'une part, constaté que l'arrêt rendu en référé le 23 mai 2019 avait ordonné, sous astreinte, la réintégration de Mme [J] des locaux dont elle avait été expulsée le 10 janvier 2019, faisant ainsi ressortir que le préjudice résultant de la voie de fait avait été réparé en nature, et, d'autre part, retenu que Mme [J] ne disposait d'aucun titre pour se maintenir dans les lieux après la résiliation du bail par le liquidateur judiciaire de la société Esthectic formation, de sorte qu'aucune demande de réparation d'un préjudice en lien avec une perte d'activité commerciale dans les locaux redevenus libres de tout locataire et sur lesquels elle ne disposait d'aucun droit, ne pouvait être accueillie.
19. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [J], épouse [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] épouse [Z] et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme [M] et à la société civile immobilière Liberté 25 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour Mme [J]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [W] [J], épouse [Z], fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lille, en toutes ses dispositions sauf celles relatives à l'expulsion de Mme [W] [J], épouse [Z], aux indemnités d'occupation et aux dépens de l'instance de référé, et donc de l'avoir confirmé en ce que le tribunal de grande instance de Lille a dit que Mme [W] [J], épouse [Z], n'a pas la qualité de preneur ou de copreneur du bail consenti par Mme [K] [M] le 14 novembre 2014, dit en conséquence que Mme [W] [J], épouse [Z], ne peut revendiquer à son profit le pacte de préférence stipulé au contrat de bail du 14 novembre 2014, et débouté en conséquence Mme [W] [J], épouse [Z], de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles relatives à la nullité de la vente,
1° Alors en premier lieu que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, qu'aux termes de l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 : « Les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Mme [W] [Z] aura priorité et préférence pour l'acquisition dudit immeuble, à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptés par eux. L'offre obtenue devra être signifiée à Mme [W] [Z] ou ses ayants-droit, preneur aux présentes, par lettre recommandée avec accusé de réception, dont copie sera adressée également à la société Sergic, négociateur et rédacteur des présentes, ou par ministère d'huissier de justice. Mme [W] [Z], preneur, aura un délai de quinze jours à compter de la date d'expédition de la lettre recommandée ou de la signification par acte extrajudiciaire pour prendre parti, tant directement qu'indirectement. En cas de non réponse dans le délai indiqué, Mme [W] [Z] sera réputée ne pas donner suite et renoncer à cet achat et Mme [K] [M] ou ses représentants pourraient réaliser la vente de l'immeuble à qui bon leur semblerait au prix signifié. En cas d'acceptation soit par lettre recommandée avec accusé de réception, postée dans les délais, soit par ministère d'huissier de justice dans les délais également, Mme [W] [Z] alors acquéreur, devra consigner dans le délai de dix jours de leur acceptation chez le notaire désigné par Mme [K] [M] dans leur signification, une somme égale à 10 % du prix et ce, à titre d'arrhes, dans les termes de l'article 1590 du code civil, le solde du prix et la totalité des frais d'actes seront régularisés à première demande du notaire. Les honoraires de négociation, qui seront dans ce cas dus à la société Sergic Entreprises, seront à la charge de l'acquéreur à hauteur de 5 % hors taxes du prix de vente et payables à la signature des actes authentiques » ; qu'en énonçant que « certes, Mme [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence, ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic Formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » quand Mme [W] [J], épouse [Z], était expressément désignée comme bénéficiaire du pacte de préférence, la cour d'appel a dénaturé la clause B-21 du bail conclu le 14 novembre 2014 et a violé le principe susvisé,
2° Alors en deuxième lieu qu'en matière de bail commercial la cotitularité du bail n'est subordonnée à aucune stipulation expresse en ce sens ; qu'en déniant à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs qu'en l'absence de disposition légale relative à la cotitularité dans le régime des baux commerciaux, celle-ci ne peut résulter que d'une disposition expresse du bail », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code,
3° Alors en troisième lieu qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic Formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » et qu'en page 2 du bail il était précisé : « Par la présente, Madame [K] [M] accorde un bail à loyer à Madame [W] [Z] née [J] qui accepte en son nom et pour le compte de la société Esthetic Formation en cours de constitution les lieux ci-après désignés (...) ; qu'il s'évince encore des constatations de l'arrêt que la société Esthetic Formation a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015 avec un début d'activité déclaré au 28 avril 2015 ; qu'en déniant néanmoins à Mme [W] [J], épouse [Z], la qualité de preneur au bail aux motifs qu'en l'espèce, aucun élément n'indique que la bailleresse a entendu louer son bien à plusieurs personnes cotitulaires du bail, l'acte étant intégralement rédigé en se référant à la mention « le preneur » quand, à la date de la conclusion du bail, le 14 novembre 2014, Mme [W] [J], épouse [Z], « agissant en son nom personnel » se voyait reconnaître la qualité de preneur et bénéficiait à ce titre du pacte de préférence institué dans le contrat de bail et qu'il ne résultait d'autre autre stipulation du bail que la constitution ultérieure de la société Esthetic Formation lui aurait fait perdre cette qualité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1714 du même code,
4° Alors en quatrième lieu que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; que la reprise des engagements par la société ne prive pas le preneur, qui conclut le bail commercial tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société, du bénéfice du pacte de préférence stipulé dans le bail en sa qualité de preneur ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt qu'il était stipulé à l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014 que « les parties conviennent qu'en cas de mise en vente par Mme [K] [M], propriétaire de l'immeuble objet des présentes, Madame [W] [Z], preneur, aura la priorité et préférence pour l'acquisition de l'immeuble à prix égal à toute offre sincère et réelle qui serait faite à Mme [K] [M] ou ses représentants, et acceptée par eux » ; qu'en relevant que « certes, Madame [Z] a pu tirer de cette formulation la conclusion que le bail lui offrait le bénéfice du pacte de préférence ; ceci est cependant en contradiction avec la commune intention des parties d'investir la société Esthetic Formation seule du bénéfice du bail après son immatriculation et incompatible avec l'absence de qualité de copreneur » puis en ajoutant que la société Esthetic Formation a été constituée le 20 mai 2015 sous forme de SAS dirigée par Mme [J], et qu'à compter de ce jour, la société Esthetic Formation est réputée avoir été la seule titulaire du bail pour en déduire que « Madame [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » quand la reprise des engagements par la société Esthetic Formation, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2015, n'avait pas eu pour effet de priver Mme [W] [J], épouse [Z], du bénéfice du droit de préférence qui lui était reconnu en sa qualité de preneur par l'article B-21 du bail commercial conclu le 14 novembre 2014, la cour d'appel a violé l'article L 210-6 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.
5° Alors en cinquième lieu qu'il ressort des constatations de l'arrêt que « le bail commercial du 14 novembre 2014 a été régularisé entre, d'une part, Mme [K] [M], dénommée « le bailleur », et Mme [W] [Z], « agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la société Esthetic Formation, qu'elle se réserve de constituer ultérieurement et pour laquelle elle sera caution personnelle », dénommée « le preneur » ; qu'en énonçant que « Madame [W] [J], épouse [Z] n'a pas la qualité de preneur au bail et ne peut donc prétendre au bénéfice du pacte de préférence prévu au bail » aux motifs qu'«il sera relevé que l'engagement de caution solidaire de Mme [Z] garantit les sommes dues par la société Esthetic Formation et porte sur la totalité des loyers, inversement, aucune garantie n'est prise par la bailleresse à l'égard de Mme [Z], qu'il s'en déduit que celle-ci n'est débitrice d'aucun loyer envers Mme [M], qu'aucune disposition n'a été prise pour envisager sa contribution au paiement du loyer en cas de défaillance de la société Esthetic Formation hormis l'hypothèse où celle-ci ne serait pas formée, qu'il y a lieu d'en déduire que la bailleresse n'a pas entendu accorder le bail à deux copreneurs, qu'au surplus, entre la signature du bail le 14 novembre 2014 et le 15 novembre 2018, durant quatre années d'exécution du bail, Mme [Z] n'a manifesté aucune volonté d'être prise en compte comme cotitulaire de bail dans l'exécution du contrat et qu'en outre, l'état des lieux d'entrée a été dressé par huissier de justice le 21 novembre 2014 entre Mme [M] et la société « Esthetic Formation » (sic) », quand le bénéfice du pacte de préférence institué au profit de Mme [W] [J], épouse [Z], en sa qualité de preneur à la date de la conclusion du bail ne pouvait être atteint d'une manière quelconque par la constitution ultérieure de la société Esthetic Formation et la reprise des engagements nés de la convention de bail, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [W] [J], épouse [Z], fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lille, en toutes ses dispositions sauf celles relatives à l'expulsion de Mme [W] [J], épouse [Z], aux indemnités d'occupation et aux dépens de l'instance de référé, et donc de l'avoir confirmé en ce que le tribunal de grande instance de Lille l'a débouté de sa demande en réparation dirigée à l'encontre de Mme [K] [M],
Alors que la seule constatation d'une expulsion constitutive d'une voie de fait ouvre droit à réparation ; qu'il s'évince des motifs de l'arrêt qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel du 23 mai 2019 que l'expulsion de Mme [Z] par Mme [M] et par la SCI Liberté 25 le 10 janvier 2019 est constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ; qu'en déboutant néanmoins Mme [J], épouse [Z], de sa demande en réparation des différents préjudices subis, consécutifs à cette expulsion, constitués de la perte d'exploitation, de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires sur la période de janvier 2019 à décembre 2019, de la perte liée à la reconstitution du carnet de commandes et des frais engagés pour réaménager les lieux loués, aux motifs que le bail avait été résilié le 22 novembre 2018 par le mandataire judiciaire de la société Esthetic Formation, que les locaux étaient redevenus libres de tout locataire et que Mme [J], épouse [Z], n'avait aucun titre pour s'y maintenir, quand il était constaté que l'expulsion de Mme [J], épouse [Z], effectuée le 10 janvier 2019 à l'initiative de Mme [K] [M] et de la SCI Liberté 25, était constitutive d'une voie de fait engageant leur responsabilité à son égard ainsi qu'il résultait des énonciations de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 23 mai 2019, d'où il résultait que Mme [J], épouse [Z], était fondée à obtenir réparation des préjudices générés par cette voie de fait, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil.