Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 décembre 2022, 21-20.809, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 895 F-D

Pourvoi n° C 21-20.809






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [K] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-20.809 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société DBF Bordeaux rive droite, exerçant sous l'enseigne DBF Bordeaux Premium, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société DBF Bordeaux rive droite, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 mai 2021), le 29 novembre 2013, la société DBF Bordeaux rive droite (le vendeur) a vendu à M. [U] (l'acheteur) un véhicule d'occasion, qui a subi douze pannes entre la date de son achat et le 12 juillet 2014.

2. L'acheteur a assigné le vendeur en résolution de la vente et indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses sept premières branches et en sa neuvième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

4. L'acheteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'en rejetant l'ensemble des demandes présentées par M. [U] à l'encontre de la SA DBF Bordeaux rive droite sur le fondement de la garantie des vices cachés, aux motifs que lors des essais réalisés par les experts, à la suite des travaux réalisés depuis la vente, ayant permis de remédier aux problèmes techniques rencontrés, le véhicule circulait normalement, de sorte qu'il ne présentait pas, en l'état, d'impropriété à l'usage auquel il était destiné, cependant qu'à admettre même qu'il n'ait pu plus invoquer l'action en garantie dès lors que les vices avaient disparu, M. [U] pouvait de toute façon solliciter l'indemnisation du préjudice qu'il avait subi du fait de ces vices, la cour d'appel a violé les articles 1641 et 1645 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1641 et 1645 du code civil :

5. Il résulte de ces textes que, si l'acheteur d'une chose comportant un vice caché qui accepte que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice originaire a disparu, il peut cependant solliciter l'indemnisation du préjudice éventuellement subi du fait de ce vice.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation des préjudices consécutifs aux nombreuses pannes, l'arrêt retient que les travaux de remise en état réalisés ont permis de remédier aux problèmes techniques rencontrés, qu'en l'état, le véhicule ne présente pas d'impropriété à l'usage auquel il était destiné, que dès lors l'acheteur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché et que, si le véhicule a présenté un nombre anormal d'avaries, celles-ci ont été réparées par le vendeur.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a écarté toute possibilité d'indemnisation des préjudices non réparés par la remise en état du bien, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation des préjudices du fait des nombreuses pannes, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société DBF Bordeaux rive droite aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DBF Bordeaux rive droite et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [U]

Monsieur [U] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [U] à l'encontre de la SA DBF Bordeaux Rive Droite sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Alors, d'une part, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant qu'« aucun vice caché présent à la date de cession n'a été identifié tant par M. [L] que par l'expert amiable », après avoir constaté que « depuis la date de son acquisition, Monsieur [U] a subi plusieurs pannes qui ont successivement concerné : -l'injection du carburant (et donc le moteur selon l'expert judiciaire) ; -la commande de boite de vitesse ; -les problèmes de carrosserie (portes toit ouvrant) et d'accessoire de sécurité (essuie-glaces) ; -de nouveaux problèmes moteur (culasse) ; -des anomalies au niveau du système de climatisation » soit, ainsi que l'indique l'arrêt, douze pannes en moins de huit mois, et que, comme l'avait relevé l'expert judiciaire, « ces problèmes ont pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », la Cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, subsidiairement, qu'en retenant qu'« aucun vice caché présent à la date de cession n'a été identifié tant par M. [L] que par l'expert amiable », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, selon lesquelles « depuis la date de son acquisition, Monsieur [U] a subi plusieurs pannes qui ont successivement concerné : -l'injection du carburant (et donc le moteur selon l'expert judiciaire) ; -la commande de boîte de vitesse ; -les problèmes de carrosserie (portes toit ouvrant) et d'accessoire de sécurité (essuie-glaces) ; -de nouveaux problèmes moteur (culasse) ; -des anomalies au niveau du système de climatisation » soit, ainsi que l'indique l'arrêt, douze pannes en moins de huit mois, et, comme l'avait relevé l'expert judiciaire, « ces problèmes ont pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », au regard de l'article 1641 du code civil, qu'elle a ainsi violé ;

Alors, de troisième part, et en toute hypothèse, qu'en retenant qu'« aucun vice caché présent à la date de cession n'a été identifié tant par M. [L] que par l'expert amiable », après avoir constaté que « depuis la date de son acquisition, Monsieur [U] a subi plusieurs pannes qui ont successivement concerné : -l'injection du carburant (et donc le moteur selon l'expert judiciaire) ; -la commande de boite de vitesse ; -les problèmes de carrosserie (portes toit ouvrant) et d'accessoire de sécurité (essuie-glaces) ; -de nouveaux problèmes moteur (culasse) ; -des anomalies au niveau du système de climatisation » », soit, ainsi que l'indique l'arrêt, douze pannes en moins de huit mois, et que, comme l'avait relevé l'expert judiciaire, « ces problèmes ont pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », quand, ayant elle-même mis en évidence que les « pannes », ou « problèmes », avaient « pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », ce dont s'évince l'existence de défauts antérieurs à la vente, il importait peu que les experts n'aient pas précisément identifié tel ou tel vice caché à la date de la vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Alors, de quatrième part, qu'en retenant qu'« aucun vice caché présent à la date de cession n'a été identifié tant par M. [L] que par l'expert amiable », sans réfuter les motifs du jugement entrepris selon lesquels, au regard, en particulier, de « la panne traitée deux mois avant la vente (vilebrequin et pompe à eau) », « il doit être considéré que le véhicule acheté était affecté lors de la vente de vices cachés compte tenu de la multiplication des pannes, en l'espèce 12 survenues dans les 8 mois qui ont suivi l'achat », la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, de cinquième part, qu'en retenant qu'« aucun vice caché présent à la date de cession n'a été identifié tant par M. [L] que par l'expert amiable », après avoir constaté que « depuis la date de son acquisition, Monsieur [U] a subi plusieurs pannes qui ont successivement concerné : -l'injection du carburant (et donc le moteur selon l'expert judiciaire) ; -la commande de boite de vitesse ; -les problèmes de carrosserie (portes toit ouvrant) et d'accessoire de sécurité (essuie-glaces) ; -de nouveaux problèmes moteur (culasse) ; -des anomalies au niveau du système de climatisation » soit, ainsi que l'indique l'arrêt, douze pannes en moins de huit mois, et que « ces problèmes ont pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », sans rechercher si, en l'état de ses constatations, les défauts invoqués n'existaient pas en germe à la date de la vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Alors, de sixième part, qu'en se bornant à relever que « lors des essais, les deux experts ont relevé que l'automobile circulait normalement sans difficulté particulière. Dès lors, les travaux de remise en état réalisés par les différentes concessions de la marque ont permis de remédier aux problèmes techniques rencontrés », et qu'« en l'état, l'engin ne présente pas d'impropriété à l'usage auquel il était destiné », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce véhicule, affecté de douze pannes en moins de huit mois, ayant « pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », laquelle était susceptible d'occasionner de nouvelles pannes, quoique ayant été réparé à plusieurs reprises depuis la vente et fonctionnant normalement lors des essais, n'était pas affecté de défauts cachés qui le rendaient impropre à l'usage auquel il était destiné, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Alors, de septième part, qu'en se bornant à relever que « lors des essais, les deux experts ont relevé que l'automobile circulait normalement sans difficulté particulière. Dès lors, les travaux de remise en état réalisés par les différentes concessions de la marque ont permis de remédier aux problèmes techniques rencontrés », et qu'« en l'état, l'engin ne présente pas d'impropriété à l'usage auquel il était destiné », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les défauts révélés par les douze pannes subies en moins de huit mois, ayant « pour origine la fragilité du véhicule au regard du manque de fiabilité des réparations effectuées antérieurement à la date de la vente », ne diminuaient pas de toute façon tellement l'usage qui en était attendu que Monsieur [U] n'aurait manifestement pas acquis ce véhicule, ou l'aurait acquis à un moindre prix, s'il les avait connus, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Alors, de huitième part, qu'en rejetant l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [U] à l'encontre de la SA DBF Bordeaux Rive Droite sur le fondement de la garantie des vices cachés, aux motifs que lors des essais réalisés par les experts, à la suite des travaux réalisés depuis la vente, ayant permis de remédier aux problèmes techniques rencontrés, le véhicule circulait normalement, de sorte qu'il ne présentait pas, en l'état, d'impropriété à l'usage auquel il était destiné, cependant qu'à admettre même qu'il n'ait pu plus invoquer l'action en garantie dès lors que les vices avaient disparu, Monsieur [U] pouvait de toute façon solliciter l'indemnisation du préjudice qu'il avait subi du fait de ces vices, la Cour d'appel a violé les articles 1641 et 1645 du code civil ;

Alors, de neuvième part, qu'en retenant, pour débouter Monsieur [U] de sa demande, qu'« aucun vice caché présent à la date de cession n'a été identifié tant par M. [L] que par l'expert amiable » et qu'« en l'état, l'engin ne présente pas d'impropriété à l'usage auquel il était destiné », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la SA DBF Bordeaux Rive Droite avait informé Monsieur [U] de l'existence des réparations importantes réalisées sur le véhicule avant qu'il ne l'acquière, ce qui lui aurait permis de se déterminer en toute connaissance de cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Et alors, enfin, et en tout état de cause, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la vente du véhicule avait été conclue entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle et un acheteur agissant en qualité de consommateur ; qu'il incombait dès lors aux juges du fond de faire application, au besoin d'office, des dispositions d'ordre public relatives à la garantie légale de conformité prévues par les articles L 217-1 à L du code de la consommation, en particulier de l'article L 217-7 dudit code, selon lequel le défaut de conformité qui apparaît dans un délai de six mois à partir de la délivrance d'un bien vendu d'occasion est présumé exister au moment de celle-ci, sauf preuve contraire ; qu'en s'en abstenant, la Cour d'appel a violé les textes précités, ensemble l'article 12 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2022:C100895
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