Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2022, 21-24.539, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 888 FS-B

Pourvoi n° H 21-24.539




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [T] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-24.539 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [H],

2°/ à Mme [L] [B],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ à la société Privilège Courtage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société [O] [O]-[C] Chevallier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [M], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], de Mme [B] et de la société [O] [O]-[C] Chevallier, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Privilège Courtage, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2021), par acte du 22 mai 2018 reçu par M. [O], notaire, M. [M] (le vendeur) a conclu avec M. [H] et Mme [B] (les acquéreurs), par l'intermédiaire de la société Terraza immobilier, agence immobilière, une promesse de vente d'un appartement.

2. La promesse contenait une condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant de 414 000 euros maximum remboursable sur vingt-cinq ans au taux de 2 % l'an hors assurance.

3. Le 20 juillet 2018 les acquéreurs ont notifié au vendeur leur renonciation à cette acquisition.

4. Assignés en paiement de sa commission par l'agence immobilière, ils ont appelé en intervention forcée le vendeur, la société Privilège courtage, qu'ils avaient mandatée pour l'obtention d'un prêt, ainsi que la société civile professionnelle [O] et [O]-[C] afin d'obtenir, principalement, la restitution par le vendeur de la somme de 10 000 euros versée au titre de l'indemnité d'immobilisation et séquestrée entre les mains du notaire, outre des dommages et intérêts.

5. Reconventionnellement, M. [M] a demandé la condamnation des acquéreurs à lui verser la somme de 38 600 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le vendeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du 22 mai 2018 prévoyait « le financement de l'acquisition par M. [H] et Mme [B] au moyen d'un prêt d'un montant maximum de 414 000 euros au taux de 2 % l'an, remboursable sur une durée de 300 mois » ; qu'il s'en déduisait que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter toute offre de prêt d'un montant de 414 000 euros ou inférieur ; qu'en jugeant, pour déclarer la promesse de vente caduque et rejeter la demande de M. [M] tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation, que « M. [H] et Mme [B] ayant déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur, la condition n'a pu être réalisée sans que cette défaillance puisse être imputée à M. [H] et Mme [B] qui n'étaient pas tenus d'accepter un financement d'un montant inférieur à celui qu'ils avaient estimé nécessaire à l'acquisition du bien » et que « l'indication dans la promesse que le montant du prêt que M. [H] et Mme [B] se sont engagés à sollicier était d'un montant maximum de 414 000 n'était en effet pas de nature à les contraindre à accepter toute offre de prêt d'un montant inférieur », tandis que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter l'offre de prêt d'un montant de 407 000 euros faite à leur courtier puisque celle-ci était conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, dont elle ne dépassait pas le montant maximum, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a relevé que les acquéreurs avaient fait une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, pour le montant maximal de 414 000 euros, qui leur avait été refusé par la banque qui n'avait consenti à leur accorder qu'un prêt de 407 000 euros.

9. Elle a retenu à bon droit que l'indication, dans la promesse, d'un montant maximal du prêt n'était pas de nature à contraindre les acquéreurs à accepter toute offre d'un montant inférieur.

10. Elle en a exactement déduit que, la défaillance de la condition n'étant pas imputable aux acquéreurs, la promesse était devenue caduque.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [M]

M. [M] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 38.600 € dirigée contre M. [H] et Mme [B] ;

1°) Alors que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du 22 mai 2018 prévoyait « le financement de l'acquisition par M. [H] et Mme [B] au moyen d'un prêt d'un montant maximum de 414.000 € au taux de 2% l'an, remboursable sur une durée de 300 mois » (arrêt, p. 4, § 3) ; qu'il s'en déduisait que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter toute offre de prêt d'un montant de 414.000 € ou inférieur ; qu'en jugeant, pour déclarer la promesse de vente caduque et rejeter la demande de M. [M] tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation, que « M. [H] et Mme [B] ayant déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur, la condition n'a pu être réalisée sans que cette défaillance puisse être imputée à M. [H] et Mme [B] qui n'étaient pas tenus d'accepter un financement d'un montant inférieur à celui qu'ils avaient estimé nécessaire à l'acquisition du bien » et que « l'indication dans la promesse que le montant du prêt que M. [H] et Mme [B] se sont engagés à solliciter était d'un montant maximum de 414.000 € n'était en effet pas de nature à les contraindre à accepter toute offre de prêt d'un montant inférieur » (arrêt, p. 4, § 3), tandis que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter l'offre de prêt d'un montant de 407.000 € faite à leur courtier puisque celle-ci était conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, dont elle ne dépassait pas le montant maximum, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil ;

2°) Alors que, subsidiairement, M. [H] et Mme [B] avaient soutenu qu'« aucune demande de prêt à hauteur de 414.000 € ne fut jamais faite » et que le courtier, la société Privilège Courtage, avait formulé « une demande de prêt à hauteur de 407.000 € auprès de la Banque Populaire Val de France, pour laquelle il recevait un accord de financement » (concl., p. 5, §§ 3 et 4) ; que la société Privilège Courtage soutenait qu'« après transmission des éléments non conformes aux déclarations faites, les consorts [H]-[B] ne pouvaient bénéficier de l'assistance bancaire sollicitée » et qu'elle avait « alors proposé une offre conforme à leur capacité d'endettement » (concl., p. 6, §§ 8 et 9) ; que la société Privilège Courtage ne soutenait donc pas avoir déposé auprès des banques des demandes de prêt à hauteur de 414.000 €, mais faisait valoir qu'elle avait estimé que de telles demandes étaient vouées à l'échec au regard des revenus et charges des emprunteurs et avait donc formé des demandes à hauteur de 407.000 € ; qu'en jugeant que M. [H] et Mme [B] avaient « déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur » (arrêt, p. 4, § 3), tandis qu'aucune des parties ne soutenait que la société Privilège Courtage, mandataire des consorts [H] et [B], avait déposé auprès des banques des demandes de prêt à hauteur de 414.000 € qui avaient été refusées, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2022:C300888
Retourner en haut de la page