Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 décembre 2022, 21-23.662, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1279 FS-B

Pourvoi n° D 21-23.662




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

M. [C] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-23.662 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Ulysse Hervé et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [J], de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Ulysse Hervé et fils, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail et Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur et Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 juillet 2021), M. [J] a été engagé, à compter du 3 mai 2004, en qualité de maçon, par la société Ulysse Hervé et fils.

2. A l'issue d'un arrêt de travail, il a été déclaré « inapte total » dans un avis du 11 avril 2017, le médecin du travail précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.

3. Le salarié a été licencié le 10 mai 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'est pas nul et qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de ses demandes relatives au licenciement, alors :

« 1°/ qu'en vertu des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs adoptés que si "la loi impose [...] au médecin du travail d'effectuer ou de faire effectuer par un membre de l'équipe pluridisciplinaire un certain nombre de diligences avant de déclarer un salarié inapte physiquement", il s'agit "d'obligations imposées au médecin du travail, sans d'ailleurs que la loi n'ait prévu de sanction en cas de non respect de ces prescriptions", qu'il n'appartient pas "à l'employeur de vérifier le travail du médecin" et que ce dernier a "en revanche [...] l'obligation de tenir compte de l'avis et des conclusions du médecin du travail", la cour d'appel a violé le principe de non discrimination, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable, le salarié, qui entend contester les éléments de nature médicale justifiant l'avis d'inaptitude, saisit dans un délai de quinze jours le conseil de prud'hommes en sa formation des référés aux fins de désignation d'un médecin expert ; qu'au prix d'une interprétation de l'article L. 4624-7 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 "à la lumière" de sa rédaction adoptée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la cour d'appel a considéré que "le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud'hommes en sa formation des référés" et estimé que "la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne p[ouvait] plus être contestée et l'avis du médecin du travail s'impos[ait]à l'employeur comme au juge" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail dans leur rédaction applicable ;

3°/ qu'en application des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin du travail se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs propres que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours de sorte que "la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne pouvait plus être contestée et [que] l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge", quand le médecin du travail ne peut conclure à l'inaptitude qu'après s'être conformé à la procédure de constatation de l'inaptitude en procédant à une étude de poste et que le non-respect de la procédure ne relève pas du champ d'application du recours contre l'avis d'inaptitude exercé devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 4624-4, L. 4624-7, dans sa rédaction applicable, et R. 4624-42 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4, il peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. L'affaire est directement portée devant la formation de référé.

8. L'article R. 4624-45 du même code, dans ses dispositions issues du décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, énonce qu'en cas de contestation portant sur les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail mentionnés à l'article L. 4624-7, la formation de référé est saisie dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail. La décision de la formation des référés se substitue aux éléments de nature médicale mentionnés au premier alinéa qui ont justifié les avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

9. Il en résulte que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant la formation de référé du conseil de prud'hommes qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, cet avis s'impose aux parties.

10. La cour d'appel, après avoir constaté que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 11 avril 2017 mentionnait les voies et délais de recours et n'avait fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de 15 jours, en a exactement déduit que la régularité de l'avis ne pouvait plus être contestée et que cet avis s'imposait aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de poste.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [J]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [J] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que son licenciement n'est pas nul et qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes relatives au licenciement.

1° ALORS QU'en vertu des articles L.4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs adoptés que si « la loi impose [...] au médecin du travail d'effectuer ou de faire effectuer par un membre de l'équipe pluridisciplinaire un certain nombre de diligences avant de déclarer un salarié inapte physiquement », il s'agit « d'obligations imposées au médecin du travail, sans d'ailleurs que la loi n'ait prévu de sanction en cas de non respect de ces prescriptions », qu'il n'appartient pas « à l'employeur de vérifier le travail du médecin » et que ce dernier a « en revanche [...] l'obligation de tenir compte de l'avis et des conclusions du médecin du travail » (jugement entrepris p. 5, §§ 2 à 5), la cour d'appel a violé le principe de non discrimination, ensemble les articles L. 1132-1, L. 132-4, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail.

2° ALORS QU'en vertu des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable, le salarié, qui entend contester les éléments de nature médicale justifiant l'avis d'inaptitude, saisit dans un délai de quinze jours le conseil de prud'hommes en sa formation des référés aux fins de désignation d'un médecin expert ; qu'au prix d'une interprétation de l'article L. 4624-7 dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 « à la lumière » de sa rédaction adoptée par l'ordonnance du 22 septembre 2017, la cour d'appel a considéré que « le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud'hommes en sa formation des référés » (arrêt attaqué p. 6, § 4) et estimé que « la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne p[ouvait] plus être contestée et l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge » (arrêt attaqué p. 6, § 6) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail dans leur rédaction applicable.

3° ALORS QU'en application des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin du travail se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs propres que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours de sorte que « la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne pouvait plus être contestée et [que] l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge » (arrêt attaqué p. 6, § 6), quand le médecin du travail ne peut conclure à l'inaptitude qu'après s'être conformé à la procédure de constatation de l'inaptitude en procédant à une étude de poste et que le non-respect de la procédure ne relève pas du champ d'application du recours contre l'avis d'inaptitude exercé devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 4624-4, L. 4624-7, dans sa rédaction applicable, et R. 4624-42 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

M. [J] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes relatives au licenciement.

1° ALORS QUE conformément à l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4 ; qu'en retenant que l'employeur avait respecté son obligation de sécurité aux motifs que l'avis d'aptitude avec aménagement du 20 janvier 2015 émis lors de la visite de reprise ne précisait pas les aménagements envisagés, quand il appartenait à l'employeur d'interroger le médecin du travail sur les préconisations requises par celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 4121 dans sa rédaction en vigueur, L. 4121-2 et L. 4624-6 du code du travail.

2° ALORS QUE conformément à l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4 ; qu'en retenant que l'employeur avait respecté son obligation de sécurité aux motifs qu'il n'était pas établi de lien entre la visite de reprise du 20 janvier 2015 et le nouvel accident du travail survenu le 18 novembre 2016, quand cette circonstance est radicalement inopérante à établir que l'employeur s'est conformé aux préconisations du médecin du travail émise lors de la visite de reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 4121 dans sa rédaction en vigueur, L. 4121-2 et L. 4624-6 du code du travail ECLI:FR:CCASS:2022:SO01279
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