Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 décembre 2022, 21-19.860, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 décembre 2022, 21-19.860, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 21-19.860
- ECLI:FR:CCASS:2022:CO00735
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 07 décembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 25 mai 2021- Président
- M. Vigneau
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 décembre 2022
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 735 F-B
Pourvoi n° W 21-19.860
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
La société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement dénommée Foncia GIEP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-19.860 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Valhestia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Foncia Marne-la-Vallée, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Valhestia, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2021), la société Foncia GIEP, devenue Foncia Marne-la-Vallée, qui exerce une activité d'administration d'immeubles, a assigné la société Valhestia en concurrence déloyale, reprochant à cette société, créée par deux de ses anciens salariés, MM. [I] et [W], d'avoir illicitement démarché sa clientèle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La société Foncia Marne-la-Vallée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement Foncia GIEP, a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n° 76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit ; qu'en retenant que "l'activité concurrente incriminée de la société Valhestia n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail", sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les "actes préparatoires à la constitution de la société" visés par ailleurs par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
3. Constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d'une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci.
4. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par la société Foncia GIEP sur le fondement de la concurrence déloyale, après avoir constaté que M. [I], dont le contrat de travail conclu avec la société Foncia GIEP avait pris fin le 24 février 2017, avait créé en octobre 2016 une société civile immobilière, laquelle avait ensuite acquis un local commercial puis loué ce local à la société Valhestia, que celle-ci, dont l'activité était similaire à celle de la société Foncia GIEP, avait été constituée par la soeur de la compagne de M. [I] et immatriculée le 16 janvier 2017, qu'un nom de domaine et des adresses de messagerie au nom de la société Valhestia et de M. [I] avaient été créés le 29 janvier 2017 et que M. [I] était devenu le président de la société Valhestia à compter de juillet 2017, l'arrêt retient que la désignation de la société Valhestia par des copropriétés alors clientes de la société Foncia GIEP n'a été mise au vote que lors d'assemblées générales organisées à compter du 18 avril 2017 et que le comptable de la société Valhestia a précisé que les premiers encaissements pour celle-ci n'ont débuté qu'en juin 2017, ce qui confirmait un début d'activité effectif après la fin du contrat de travail du salarié mis en cause. L'arrêt en déduit que, le contrat de travail ne stipulant pas de clause de non-concurrence, il n'existe pas de faute imputable à l'ancien salarié dont la société Valhestia se serait rendue complice.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'envoi par la société Valhestia, le 24 février 2017, d'une proposition de contrat de syndic à un membre d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP ne constituait pas un acte d'exploitation commis antérieurement au terme du contrat de travail liant M. [I] et la société Foncia GIEP, constitutif d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Foncia Marne-la-Vallée fait le même grief à l'arrêt, alors « que le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert "ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société Foncia" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil :
7. Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale.
8. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que le transfert par MM. [I] et [W] à la société Valhestia de listes de résidences gérées par la société Foncia GIEP et de listes des adresses de messagerie électronique des conseils syndicaux de résidences également gérées par cette société, obtenues alors qu'ils en étaient salariés, n'est pas fautif en l'absence de preuve de l'exploitation de ces informations par un moyen fautif de la part de ces anciens salariés de la société Foncia GIEP.
9. En statuant ainsi, alors que la seule détention par la société Valhestia d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Foncia GIEP, obtenues par d'anciens salariés de cette dernière en cours d'exécution de leurs contrats de travail et qui avaient contribué à sa création, constituait un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Valhestia aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valhestia et la condamne à payer à la société Foncia Marne-la-Vallée la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Foncia Marne-la-Vallée.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ;
1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'elle a ajouté que le fait qu'une demande de mise en concurrence, produite en pièce n°24, lui ait été adressée dès le lendemain, le 25 février 2017, confirmait que l'activité de démarchage avait bien débuté avant la fin du contrat de travail de M. [I] (conclusions du 22 janvier 2021, p. 18 ; prod. n° 5) ; que la cour d'appel, pour écarter ce moyen, a retenu que, s'agissant de la pièce produite n°24, « le seul courrier émanant d'un copropriétaire daté du 24 février 2017 demandant la mise au vote, pour une assemblée générale ultérieure, de la désignation de la société VALHESTIA est insuffisant à prouver que MM. [I] ou [W] l'aient personnellement démarché au préalable » (arrêt p. 7) ; qu'elle a ainsi dénaturé cette pièce qui, contrairement aux deux autres, n'était pas datée du 24 février 2017, mais du 25 février 2015, et ce alors que la date de ce document était essentielle à l'argumentation des parties ; la Cour d'appel a ainsi méconnu l'obligation précitée ;
2°/ ALORS QUE la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'en retenant que « l'activité concurrente incriminée de la société VALHESTIA n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail» (arrêt p. 7), sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les « actes préparatoires à la constitution de la société » visés par ailleurs par l'arrêt attaqué (arrêt p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ;
1°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
2°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; que cependant elle a relevé que ne permettait pas de caractériser « un démarchage illicite », « le seul courrier isolé de M. [S] [client de la société Foncia] faisant état d'une démarche de M. [W] le 27 juin 2017 pour lui faire signer un courrier visant à inscrire à l'ordre du jour la désignation de la société Valhestia comme nouveau syndic » (arrêt p. 8) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il ressortait que les informations détournées avaient fait l'objet d'au moins une exploitation, s'agissant du démarchage de M. [S] par M. [W], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:CO00735
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 décembre 2022
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 735 F-B
Pourvoi n° W 21-19.860
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
La société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement dénommée Foncia GIEP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-19.860 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Valhestia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Foncia Marne-la-Vallée, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Valhestia, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2021), la société Foncia GIEP, devenue Foncia Marne-la-Vallée, qui exerce une activité d'administration d'immeubles, a assigné la société Valhestia en concurrence déloyale, reprochant à cette société, créée par deux de ses anciens salariés, MM. [I] et [W], d'avoir illicitement démarché sa clientèle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La société Foncia Marne-la-Vallée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement Foncia GIEP, a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n° 76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit ; qu'en retenant que "l'activité concurrente incriminée de la société Valhestia n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail", sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les "actes préparatoires à la constitution de la société" visés par ailleurs par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
3. Constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d'une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci.
4. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par la société Foncia GIEP sur le fondement de la concurrence déloyale, après avoir constaté que M. [I], dont le contrat de travail conclu avec la société Foncia GIEP avait pris fin le 24 février 2017, avait créé en octobre 2016 une société civile immobilière, laquelle avait ensuite acquis un local commercial puis loué ce local à la société Valhestia, que celle-ci, dont l'activité était similaire à celle de la société Foncia GIEP, avait été constituée par la soeur de la compagne de M. [I] et immatriculée le 16 janvier 2017, qu'un nom de domaine et des adresses de messagerie au nom de la société Valhestia et de M. [I] avaient été créés le 29 janvier 2017 et que M. [I] était devenu le président de la société Valhestia à compter de juillet 2017, l'arrêt retient que la désignation de la société Valhestia par des copropriétés alors clientes de la société Foncia GIEP n'a été mise au vote que lors d'assemblées générales organisées à compter du 18 avril 2017 et que le comptable de la société Valhestia a précisé que les premiers encaissements pour celle-ci n'ont débuté qu'en juin 2017, ce qui confirmait un début d'activité effectif après la fin du contrat de travail du salarié mis en cause. L'arrêt en déduit que, le contrat de travail ne stipulant pas de clause de non-concurrence, il n'existe pas de faute imputable à l'ancien salarié dont la société Valhestia se serait rendue complice.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'envoi par la société Valhestia, le 24 février 2017, d'une proposition de contrat de syndic à un membre d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP ne constituait pas un acte d'exploitation commis antérieurement au terme du contrat de travail liant M. [I] et la société Foncia GIEP, constitutif d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Foncia Marne-la-Vallée fait le même grief à l'arrêt, alors « que le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert "ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société Foncia" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil :
7. Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale.
8. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que le transfert par MM. [I] et [W] à la société Valhestia de listes de résidences gérées par la société Foncia GIEP et de listes des adresses de messagerie électronique des conseils syndicaux de résidences également gérées par cette société, obtenues alors qu'ils en étaient salariés, n'est pas fautif en l'absence de preuve de l'exploitation de ces informations par un moyen fautif de la part de ces anciens salariés de la société Foncia GIEP.
9. En statuant ainsi, alors que la seule détention par la société Valhestia d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Foncia GIEP, obtenues par d'anciens salariés de cette dernière en cours d'exécution de leurs contrats de travail et qui avaient contribué à sa création, constituait un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Valhestia aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valhestia et la condamne à payer à la société Foncia Marne-la-Vallée la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Foncia Marne-la-Vallée.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ;
1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'elle a ajouté que le fait qu'une demande de mise en concurrence, produite en pièce n°24, lui ait été adressée dès le lendemain, le 25 février 2017, confirmait que l'activité de démarchage avait bien débuté avant la fin du contrat de travail de M. [I] (conclusions du 22 janvier 2021, p. 18 ; prod. n° 5) ; que la cour d'appel, pour écarter ce moyen, a retenu que, s'agissant de la pièce produite n°24, « le seul courrier émanant d'un copropriétaire daté du 24 février 2017 demandant la mise au vote, pour une assemblée générale ultérieure, de la désignation de la société VALHESTIA est insuffisant à prouver que MM. [I] ou [W] l'aient personnellement démarché au préalable » (arrêt p. 7) ; qu'elle a ainsi dénaturé cette pièce qui, contrairement aux deux autres, n'était pas datée du 24 février 2017, mais du 25 février 2015, et ce alors que la date de ce document était essentielle à l'argumentation des parties ; la Cour d'appel a ainsi méconnu l'obligation précitée ;
2°/ ALORS QUE la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'en retenant que « l'activité concurrente incriminée de la société VALHESTIA n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail» (arrêt p. 7), sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les « actes préparatoires à la constitution de la société » visés par ailleurs par l'arrêt attaqué (arrêt p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ;
1°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
2°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; que cependant elle a relevé que ne permettait pas de caractériser « un démarchage illicite », « le seul courrier isolé de M. [S] [client de la société Foncia] faisant état d'une démarche de M. [W] le 27 juin 2017 pour lui faire signer un courrier visant à inscrire à l'ordre du jour la désignation de la société Valhestia comme nouveau syndic » (arrêt p. 8) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il ressortait que les informations détournées avaient fait l'objet d'au moins une exploitation, s'agissant du démarchage de M. [S] par M. [W], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.