Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2022, 21-87.313, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2022, 21-87.313, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 21-87.313
- ECLI:FR:CCASS:2022:CR01431
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 22 novembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 08 octobre 2021- Président
- M. Bonnal (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 21-87.313 F-D
N° 01431
SL2
22 NOVEMBRE 2022
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 NOVEMBRE 2022
M. [F] [E], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 8 octobre 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [C] [X] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [F] [E], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C] [X] et de la société [1], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [F] [E], motocycliste, a été victime d'un accident de la circulation causé par le véhicule automobile conduit par M. [C] [X].
3. Ce dernier a été poursuivi du chef de blessures involontaires.
4. Le tribunal a déclaré le prévenu coupable, l'a dit entièrement responsable du préjudice et, après renvoi sur les intérêts civils, l'a condamné à payer à M. [E] une somme totale de 716 912,96 euros en indemnisation de son préjudice.
5. MM. [E] et [X], ainsi que la société [1], assureur de ce dernier, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à M. [E] la somme de 740 851,86 euros en deniers ou quittances valables, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 587 912,96 euros et à compter de son arrêt sur le reliquat, alors :
« 1°/ que dès lors que la partie civile n'est plus, depuis la date de consolidation fixée par l'expert, en mesure d'exercer une activité professionnelle dans les conditions antérieures, elle subit un préjudice de pertes professionnelles futurs que les juges du fond ne peuvent refuser d'indemniser au motif qu'il ne serait justifié d'une recherche d'emploi ; que pour juger que la perte de gains professionnels futurs pour la période postérieure au prononcé de son arrêt n'était pas établie, la cour d'appel retient que s'il est certain que M. [E] ne pourra pas exercer un emploi d'artisan peintre ou tout emploi tels ceux du bâtiment, nécessitant le port de charges ou des positions fatigantes, aucun élément n'est produit par l'intéressé pour justifier qu'il était dans l'incapacité « dès demain, à la faveur d'un emploi retrouvé, de se procurer des gains professionnels à hauteur de ceux qu'il percevait avant l'accident ni d'ailleurs », aucune incapacité professionnelle générale n'ayant été reconnue par les experts et « qu'en l'absence de tout bilan de compétence ou autres pièces justificatives, rien n'établit qu'[F] [E] soit dans l'incapacité d'exercer un métier requérant des compétences dites intellectuelles ou artistiques non « physiques » » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 janvier 1985, ensemble le principe de réparation du préjudice sans ans perte ni profit pour aucune des parties ;
2°/ qu'en ne recherchant pas si, comme l'avait retenu le tribunal, M. [E] n'avait pas subi une perte de chance de percevoir des revenus de l'exercice d'une nouvelle activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 janvier 1985, ensemble le principe de réparation du préjudice sans ans perte ni profit pour aucune des parties ;
3°/ qu'après avoir retenu que M. [E] avait subi une privation de revenus depuis l'accident le 4 avril 2006 jusqu'au 30 septembre 2021, l'arrêt énonce que la réduction des droits à la retraite n'est pas établie ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que M. [E] avait nécessairement subi une perte de droit à la retraite corrélative à la période pendant à laquelle il avait été privé de revenus, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 janvier 1985, ensemble le principe de réparation du préjudice sans ans perte ni profit pour aucune des parties. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
8. Selon ce texte, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.
9. Pour fixer à la somme de 436 090,10 euros l'indemnisation due au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt attaqué énonce que si M. [E] est inapte à exercer le métier de peintre qui était le sien avant son accident, ainsi que toute autre activité nécessitant le port de charges lourdes ou le maintien de positions fatigantes, aucune incapacité professionnelle générale n'est établie.
10. Le juge relève que M. [E] ne produit aucun bilan de compétence ni aucun élément de nature à justifier de son incapacité de trouver un éventuel emploi qui, sans demander d'aptitudes intellectuelles particulières, n'exigerait pas non plus d'efforts physiques excédant ses capacités telles qu'elles ressortent des pièces médicales produites.
11. Il en déduit qu'aucune perte de gains professionnels futurs n'est établie pour la période postérieure à la décision et que le montant de ce poste de préjudice doit être fixé à la somme proposée amiablement par l'assureur du prévenu.
12. En se déterminant ainsi, alors que, d'une part, il résulte de ses propres constatations que la victime n'est pas apte à reprendre son activité professionnelle dans les conditions antérieures, d'autre part, elle n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 8 octobre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Reims, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux novembre deux mille vingt-deux.ECLI:FR:CCASS:2022:CR01431
N° Q 21-87.313 F-D
N° 01431
SL2
22 NOVEMBRE 2022
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 NOVEMBRE 2022
M. [F] [E], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 8 octobre 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [C] [X] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [F] [E], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C] [X] et de la société [1], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [F] [E], motocycliste, a été victime d'un accident de la circulation causé par le véhicule automobile conduit par M. [C] [X].
3. Ce dernier a été poursuivi du chef de blessures involontaires.
4. Le tribunal a déclaré le prévenu coupable, l'a dit entièrement responsable du préjudice et, après renvoi sur les intérêts civils, l'a condamné à payer à M. [E] une somme totale de 716 912,96 euros en indemnisation de son préjudice.
5. MM. [E] et [X], ainsi que la société [1], assureur de ce dernier, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à M. [E] la somme de 740 851,86 euros en deniers ou quittances valables, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 587 912,96 euros et à compter de son arrêt sur le reliquat, alors :
« 1°/ que dès lors que la partie civile n'est plus, depuis la date de consolidation fixée par l'expert, en mesure d'exercer une activité professionnelle dans les conditions antérieures, elle subit un préjudice de pertes professionnelles futurs que les juges du fond ne peuvent refuser d'indemniser au motif qu'il ne serait justifié d'une recherche d'emploi ; que pour juger que la perte de gains professionnels futurs pour la période postérieure au prononcé de son arrêt n'était pas établie, la cour d'appel retient que s'il est certain que M. [E] ne pourra pas exercer un emploi d'artisan peintre ou tout emploi tels ceux du bâtiment, nécessitant le port de charges ou des positions fatigantes, aucun élément n'est produit par l'intéressé pour justifier qu'il était dans l'incapacité « dès demain, à la faveur d'un emploi retrouvé, de se procurer des gains professionnels à hauteur de ceux qu'il percevait avant l'accident ni d'ailleurs », aucune incapacité professionnelle générale n'ayant été reconnue par les experts et « qu'en l'absence de tout bilan de compétence ou autres pièces justificatives, rien n'établit qu'[F] [E] soit dans l'incapacité d'exercer un métier requérant des compétences dites intellectuelles ou artistiques non « physiques » » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 janvier 1985, ensemble le principe de réparation du préjudice sans ans perte ni profit pour aucune des parties ;
2°/ qu'en ne recherchant pas si, comme l'avait retenu le tribunal, M. [E] n'avait pas subi une perte de chance de percevoir des revenus de l'exercice d'une nouvelle activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 janvier 1985, ensemble le principe de réparation du préjudice sans ans perte ni profit pour aucune des parties ;
3°/ qu'après avoir retenu que M. [E] avait subi une privation de revenus depuis l'accident le 4 avril 2006 jusqu'au 30 septembre 2021, l'arrêt énonce que la réduction des droits à la retraite n'est pas établie ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que M. [E] avait nécessairement subi une perte de droit à la retraite corrélative à la période pendant à laquelle il avait été privé de revenus, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 janvier 1985, ensemble le principe de réparation du préjudice sans ans perte ni profit pour aucune des parties. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
8. Selon ce texte, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.
9. Pour fixer à la somme de 436 090,10 euros l'indemnisation due au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt attaqué énonce que si M. [E] est inapte à exercer le métier de peintre qui était le sien avant son accident, ainsi que toute autre activité nécessitant le port de charges lourdes ou le maintien de positions fatigantes, aucune incapacité professionnelle générale n'est établie.
10. Le juge relève que M. [E] ne produit aucun bilan de compétence ni aucun élément de nature à justifier de son incapacité de trouver un éventuel emploi qui, sans demander d'aptitudes intellectuelles particulières, n'exigerait pas non plus d'efforts physiques excédant ses capacités telles qu'elles ressortent des pièces médicales produites.
11. Il en déduit qu'aucune perte de gains professionnels futurs n'est établie pour la période postérieure à la décision et que le montant de ce poste de préjudice doit être fixé à la somme proposée amiablement par l'assureur du prévenu.
12. En se déterminant ainsi, alors que, d'une part, il résulte de ses propres constatations que la victime n'est pas apte à reprendre son activité professionnelle dans les conditions antérieures, d'autre part, elle n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 8 octobre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Reims, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux novembre deux mille vingt-deux.