Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 octobre 2022, 21-10.578, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 octobre 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 735 F-D

Pourvoi n° H 21-10.578







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

Mme [W] [X], épouse [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-10.578 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [X], veuve [G], domiciliée [Adresse 2] (Maroc), défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [E], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 octobre 2020), [D] [X] est décédé le 28 mai 1992, en laissant pour lui succéder ses filles, Mmes [G] et [E].

2. Des difficultés sont survenues dans le règlement de cette succession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première et deuxième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur la quatrième branche, qui est irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Mme [E] fait grief à l'arrêt de dire que les décisions prises et les travaux réalisés par Mme [G] pour la conservation et l'amélioration du bien indivis l'ont été dans l'intérêt de l'indivision et qu'il doit lui en être tenu compte, de constater qu'elle-même a eu connaissance de ces travaux et qu'elle ne s'y est pas opposée, d'homologuer le projet d'état liquidatif établi par le notaire, de renvoyer les parties devant le notaire liquidateur afin que soit dressé l'acte liquidatif définitif de la succession de [D] [X] et de rejeter toutes autres demandes, alors « que, à la différence des dépenses de conservation, les dépenses d'amélioration ne donnent lieu à indemnité qu'à hauteur de la plus-value que les améliorations ont apporté au bien ; qu'en se bornant à relever que le montant total des travaux de conservation et d'amélioration s'élevait à 202 100,88 euros, sans distinguer la part correspondant à l'un et l'autre de ces deux postes de dépenses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-13 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil :

5. Selon ce texte, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage.

6. Pour homologuer le projet d'état liquidatif établi par le notaire et renvoyer les parties devant celui-ci afin que soit dressé l'acte liquidatif définitif, l'arrêt retient que Mme [G] justifie avoir exposé des dépenses de conservation et d'amélioration pour un montant de 202 100,88 euros, en produisant toutes les factures de travaux de maçonnerie pour la réalisation d'une extension, plomberie, pose d'un portail automatique, menuiseries, peintures, installation d'un climatiseur et d'un éclairage de la piscine, sanitaires, alarme et transformation du jardin.

7. En se déterminant ainsi, sans distinguer la part correspondant dans ce montant aux travaux d'amélioration et rechercher si et dans quelle mesure ceux-ci avaient accru la valeur du bien, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il homologue l'état liquidatif dressé par le notaire liquidateur et renvoie les parties devant celui-ci qui dressera l'acte liquidatif définitif de la succession de [D] [X], l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [X]

L'arrêt attaqué par Mme [W] [X], épouse [E], encourt la censure ;

EN CE QU'il a jugé que les décisions et travaux de Mme [G] pour la conservation et l'amélioration du bien indivis l'avaient été dans l'intérêt de l'indivision, et qu'il devait lui en être tenu compte ; en ce qu'il a jugé que Mme [W] [X], épouse [E], avait eu connaissance de ces travaux et qu'elle ne s'y était pas opposée ; en ce qu'il a homologué le projet d'état liquidatif établi par le notaire ; en ce qu'il a renvoyé les parties devant le notaire liquidateur afin que soit dressé l'acte liquidatif définitif de la succession de M. [D] [X] ; et en ce qu'il a rejeté toutes autres demandes ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; qu'en se basant en l'espèce, pour évaluer la plus-value résultant des travaux d'amélioration réalisés depuis l'ouverture de la succession en 1992, sur la plus-value qu'avait connu le bien depuis le jour de son acquisition en 1968, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; qu'en l'espèce, Mme [E] faisait valoir que la plus-value obtenue par le bien s'expliquait pour une part importante par l'évolution du marché immobilier entre 2000 et 2008, indépendamment des travaux réalisés ; qu'en s'abstenant de vérifier dans quelle proportion la plus-value constatée trouvait son origine dans les travaux d'amélioration plutôt que dans l'évolution du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légales au regard de l'article 815-13 du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, à la différence des dépenses de conservation, les dépenses d'amélioration ne donnent lieu à indemnité qu'à hauteur de la plus-value que les améliorations ont apporté au bien ; qu'en se bornant à relever que le montant total des travaux de conservation et d'amélioration s'élevait à 202.100,88 euros, sans distinguer la part correspondant à l'un et l'autre de ces deux postes de dépenses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-13 du code civil ;

ET ALORS QUE, quatrièmement, les dépenses d'entretien d'un bien indivis ne donnent pas lieu à indemnisation au profit de celui qui les a exposés, à moins qu'il s'agisse de dépenses nécessaires à la conservation du bien ; qu'en reconnaissant à Mme [G] le droit à une indemnité de 30.000 euros au titre de ses dépenses d'entretien du bien indivis, tout en retenant que cette somme n'entrait pas dans le compte des dépenses de conservation, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:C100735
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