Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 septembre 2022, 21-12.602, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation partielle désignation d'un médiateur
sursis à statuer sur la question du renvoi


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 470 F-D

Pourvoi n° H 21-12.602



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société [C], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° H 21-12.602 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [C], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société La Maison des pierres, société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société [C], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [K] [C] et de la société La Maison des pierres, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020), la société [C], immatriculée en 1954, qui a pour activité la production d'eaux-de-vie, et notamment de cognac, est titulaire d'une marque française verbale « [C] », enregistrée le 15 février 1978, et régulièrement renouvelée depuis lors, sous le n° 1 426 950, pour désigner, notamment en classe 33, des boissons alcooliques (à l'exception des bières).

2. M. [K] [C], appartenant à une famille exploitant depuis huit générations une activité de distillation de cognac sous le nom de famille « [C] », fils de [Z] [C] qui a continué cette exploitation à partir des années 1970 sous la dénomination « [Z] [C] », a créé, en 2008, la société [C] Vins Spiritueux Cognac, devenue, en 2011, Maison [Z] [C], puis, en 2017, Maison des pierres, laquelle exerce une activité de distillation des vins à destination de cognac, sous l'enseigne « [Z] [C] » et exploite le nom de domaine « [06].com » enregistré en 2000.

3. Après mises en demeures restées infructueuses de cesser tout emploi du nom [C] isolé pour désigner des boissons alcooliques et d'effectuer le transfert, à son profit, du nom de domaine « [06].com », la société [C] a, le 2 mai 2017, assigné la société La Maison des pierres et M. [K] [C] en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire, en demandant notamment le transfert du nom de domaine.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le moyen, pris en sa troisième branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande au titre de la contrefaçon par reproduction de la marque n° 1 426 950


Enoncé du moyen

4. La société [C] fait grief à l'arrêt de dire que M. [K] [C] et la société La Maison des pierres font un usage de bonne foi de leur nom patronymique et de rejeter, en conséquence, ses demandes au titre de la contrefaçon de marque, de la concurrence déloyale et parasitaire et de la tromperie commerciale et de limiter seulement l'utilisation par la société La Maison des pierres et M. [K] [C] du terme « [C] » pour l'exploitation de boissons alcooliques en disant qu'il doit être systématiquement précédé du prénom « [Z] » dans une taille de caractère similaire, alors :

« 1°/ que les exceptions s'interprètent strictement ; que l'article L. 713-6, a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit une exception au droit exclusif de marque en faveur de l'homonyme ; qu'en vertu de cette disposition, le titulaire de la marque ne peut pas interdire l'utilisation d'un signe identique ou similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ; qu'en jugeant que l'utilisation dans un nom de domaine du nom patronymique n'était pas exclue du bénéfice de l'exception, la cour d'appel a violé l'article L. 713-6, a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, ensemble le principe d'interprétation stricte des exceptions ;

2°/ que l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, doit être interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenu l'article 6 § 1, de la directive n° 2008/95/CE du 20 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, qui dispose que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, de son nom pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale ; que la Cour de justice a dit pour droit que le respect de la condition d'usage honnête doit être apprécié en tenant compte de la mesure dans laquelle, d'une part, l'usage de son nom par le tiers est compris par le public visé ou au moins une partie significative de ce public, comme indiquant un lien entre les produits ou les services du tiers et le titulaire de la marque ou d'une personne habilitée à utiliser la marque et, d'autre part, le tiers aurait dû en être conscient ; que la cour d'appel a constaté que l'exploitation du nom de domaine "[06].com" sans l'adjonction du prénom [Z], et ce aux fins de vendre des vins de Cognac en redirigeant les internautes vers le site "[09].com", porte atteinte à la marque antérieure "[C]", déposée notamment pour des boissons alcooliques et que le défaut de mention du prénom dans le nom de domaine peut laisser penser au consommateur que les produits "[C]" ou "[Z] [C]" proviennent de la même maison ou de maisons économiquement liées ; qu'en jugeant néanmoins que la société La Maison des Pierres et M. [K] [C] faisaient un usage de bonne foi du signe "[C]", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, desquelles il résulte que, le public étant amené à établir un lien entre les produits de la société La Maison des Pierres et la marque "[C]", la condition de conformité aux usages honnêtes n'est pas remplie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tel qu'il doit être interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenu l'article 6 § 1, de la directive 2008/95/CE du 20 octobre 2008 ;

3°/ que l'exception d'homonymie prévue par l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, ne couvre pas l'usage du patronyme à titre de marque ; qu'en l'espèce, la société [C] faisait valoir que la société La Maison des Pierres et M. [K] [C] utilisaient le signe "[C]" à titre de marque sur les bouteilles et sur le site internet "[06].com" pour vendre des vins de Cognac ; qu'en énonçant que M. [K] [C] et la société La Maison des Pierres font un usage de bonne foi du patronyme [C] et en rejetant les demandes de la société [C] pour contrefaçon de sa marque sans rechercher comme elle y était pourtant expressément invitée, si le signe "[C]" n'était pas utilisé à titre de marque et sans apprécier en conséquence l'action en contrefaçon de la société [C] au regard d'un usage à titre de marque du signe "[C]", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt énonce que l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle doit s'interpréter à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, qui dispose que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, de son nom, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, de sorte que, si l'article L. 713-6 précité vise la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne, il ne peut en être déduit que l'utilisation du nom de famille dans un nom de domaine en est exclue, s'agissant d'un usage dans la vie des affaires.

6. Après avoir constaté que le patronyme « [C] », utilisé dans le nom de domaine « [C].com », constitue le nom de famille de M. [K] [C], qui est le fondateur et gérant de la société [Z] [C], devenue La Maison des pierres, l'arrêt retient que ce nom de domaine a été créé en 2000, près de 17 ans avant les faits incriminés, et que la société [C], qui ne conteste pas qu'elle en avait connaissance, s'agissant de deux maisons anciennes de Cognac coexistant depuis de nombreuses années, ne justifie d'aucune difficulté jusqu'au courrier de mise en demeure du 26 octobre 2011 adressé à M. [K] [C], à la suite duquel a été créé le nom de domaine « [09].com », vers lequel sont dirigés les internautes à partir de la page d'accueil accessible par le nom de domaine « [06].com », sans que la société [C] ne fasse part de difficulté jusqu'à sa lettre de mise en demeure du 27 février 2017. Il ajoute que le nom de domaine « [06].com » dans les recherches Google est toujours surmonté de la mention « Cognac [Z] [C] ».

7. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est justement que la cour d'appel a retenu qu'il avait été fait un usage de bonne foi du nom de famille « [C] » dans la vie des affaires par M. [K] [C] et la société La Maison des pierres, ce dont elle a déduit que l'action en contrefaçon par reproduction de la marque, du fait de l'usage du nom de domaine « [C] », devait être rejetée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande au titre de la contrefaçon par imitation de la marque n° 1 426 950

Enoncé du moyen

9. La société [C] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'exception d'homonymie prévue par l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, ne couvre pas l'usage du patronyme à titre de marque ; qu'en l'espèce, la société [C] faisait valoir que la société La Maison des Pierres et M. [K] [C] utilisaient le signe "[C]" à titre de marque sur les bouteilles et sur le site internet [06].com pour vendre des vins de Cognac ; qu'en énonçant que M. [K] [C] et la société La Maison des Pierres font un usage de bonne foi du patronyme [C] et en rejetant les demandes de la société [C] pour contrefaçon de sa marque sans rechercher comme elle y était pourtant expressément invitée, si le signe "[C]" n'était pas utilisé à titre de marque et sans apprécier en conséquence l'action en contrefaçon de la société [C] au regard d'un usage à titre de marque du signe "[C]", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. »

Réponse de la cour

Vu l'article L. 713-6 a) du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tel qu'interprété à la lumière de l'article 6 § 1, sous a) de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988 :

10. Il ressort de ce texte que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique. L'usage d'un tel signe à titre de marque n'entre donc pas dans les prévisions de ce texte.

11. Pour rejeter la demande en contrefaçon par imitation de la marque « [C] » n° 1 426 950 pour désigner des boissons alcooliques formée par la société [C], l'arrêt retient que M. [K] [C] et la société La Maison des pierres, qui utilisent le nom patronymique [C] précédé du prénom « [Z] » et accompagné le plus souvent d'un emblème spécifique, ont fait un usage de bonne foi de ce patronyme [C] au sens de l'article L. 713-6 précité.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le signe incriminé « [Z] [C] » n'était pas utilisé à titre de marque et sans apprécier, par conséquent, la demande au regard d'un tel usage du signe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

13. La société [C] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en concurrence déloyale, qui trouve son fondement dans les dispositions de l'article 1240 du code civil, ne requiert pas d'élément intentionnel ; qu'en retenant, pour débouter la société [C] de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitaire, que "l'action en concurrence déloyale ne peut prospérer que si le demandeur rapporte la preuve d'une faute intentionnelle dommageable" et qu' "il a été démontré que M. [K] [C] et la société La Maison des Pierres ont usé de bonne foi du patronyme [Z] [C] sans que la société [C] ne rapporte la preuve d'un comportement fautif visant à rechercher la confusion ou à déloyalement détourner la clientèle", la cour d'appel a violé l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :


14. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il en résulte que la caractérisation d'une faute de concurrence déloyale n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel.

15. Pour rejeter la demande formée par la société [C], l'arrêt, après avoir énoncé que l'action en concurrence déloyale ne peut prospérer que si le demandeur rapporte la preuve d'une faute intentionnelle dommageable, retient que la preuve d'un comportement fautif visant à rechercher la confusion ou à déloyalement détourner la clientèle n'est pas rapportée.

16. En statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale suppose seulement l'existence d'une faute, sans requérir un élément intentionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation est limitée aux chefs de dispositif rejetant l'action en contrefaçon de marque par imitation et en concurrence déloyale, ceux rejetant les demandes au titre de la concurrence parasitaire et de la tromperie commerciale n'étant pas atteints par la cassation, pas plus que celui qui limite l'usage du nom de famille [C].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes présentées par la société [C] au titre de la contrefaçon de marque par imitation et de la concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Ordonne une médiation ;

Désigne en qualité de médiateur :
la Chambre Arbitrale Internationale de Paris
[Adresse 4]
+ 33 (0) 1 42 36 99 64
www.arbitrage.org

Agrée [L] [U], médiateur ([Courriel 8], [XXXXXXXX01]) ([XXXXXXXX02] - [Courriel 7]) pour y procéder ;

Dit que le médiateur, connaissance prise du dossier, devra convoquer les parties et leurs conseils dans les meilleurs délais afin de les entendre et leur permettre de trouver une solution amiable au litige qui les oppose ;

Fixe la durée de la médiation à 3 mois, à compter de la date du versement de la provision et dit que la mission pourra être renouvelée une fois, pour la même durée, à la demande du médiateur ;

Rappelle qu'en application des articles 131-2, 131-9 et 131-10 du code de procédure civile, la médiation ne dessaisit pas le juge qui, dans le cadre du contrôle de la mesure, peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur à l'initiative de ce dernier, sur demande d'une partie ou d'office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet ;

Dit que la médiation devra régler la question de la répartition de son coût entre les parties ;

Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer le juge de l'accord intervenu entre les parties ou de l'échec de la mesure ;

Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir le juge d'une demande d'homologation de cet accord par voie judiciaire ;

Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 3 500 euros HT, qui sera versée pour moitié par la société [C] et pour moitié par M. [K] [C] et la société La Maison des pierres ensemble, directement entre les mains du médiateur au plus tard le jour de la première réunion ;

Dit que, faute de versement de la provision dans ce délai, la désignation du médiateur sera caduque, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ;

Sursoit à statuer, dans l'attente de l'issue de la mesure de médiation, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'audience de formation restreinte du 6 décembre 2022 ;

Réserve les dépens et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit qu'une copie de la présente décision sera notifiée par lettre simple par le greffe aux parties et à la Chambre Arbitrale Internationale de Paris pour saisine ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société [C].


La société [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant la décision entreprise, dit que M. [K] [C] et la société La Maison des Pierres font un usage de bonne foi de leur nom patronymique et d'avoir rejeté, en conséquence, ses demandes au titre de la contrefaçon de marque, de la concurrence déloyale et parasitaire et de la tromperie commerciale et seulement limité l'utilisation par la société La Maison des Pierres et M. [K] [C] du terme « [C] » pour l'exploitation de boissons alcooliques en disant qu'il doit être systématiquement précédé du prénom [Z] dans une taille de caractère similaire.

1°/ ALORS QUE les exceptions s'interprètent strictement ; que l'article L. 713-6, a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit une exception au droit exclusif de marque en faveur de l'homonyme ; qu'en vertu de cette disposition, le titulaire de la marque ne peut pas interdire l'utilisation d'un signe identique ou similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ; qu'en jugeant que l'utilisation dans un nom de domaine du nom patronymique n'était pas exclue du bénéfice de l'exception, la cour d'appel a violé l'article L. 713-6, a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, ensemble le principe d'interprétation stricte des exceptions ;

2°/ ALORS EN OUTRE QUE l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, doit être interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive n°89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenu l'article 6 § 1, de la directive n°2008/95/CE du 20 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, qui dispose que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, de son nom pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale ; que la Cour de justice a dit pour droit que le respect de la condition d'usage honnête doit être apprécié en tenant compte de la mesure dans laquelle, d'une part, l'usage de son nom par le tiers est compris par le public visé ou au moins une partie significative de ce public, comme indiquant un lien entre les produits ou les services du tiers et le titulaire de la marque ou d'une personne habilitée à utiliser la marque et, d'autre part, le tiers aurait dû en être conscient ; que la cour d'appel a constaté que l'exploitation du nom de domaine [06].com sans l'adjonction du prénom [Z], et ce aux fins de vendre des vins de Cognac en redirigeant les internautes vers le site [09].com, porte atteinte à la marque antérieure « [C] », déposée notamment pour des boissons alcooliques et que le défaut de mention du prénom dans le nom de domaine peut laisser penser au consommateur que les produits « [C] » ou « [Z] [C] » proviennent de la même maison ou de maisons économiquement liées ; qu'en jugeant néanmoins que la société La Maison des Pierres et M. [K] [C] faisaient un usage de bonne foi du signe « [C] », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, desquelles il résulte que, le public étant amené à établir un lien entre les produits de la société La Maison des Pierres et la marque « [C] », la condition de conformité aux usages honnêtes n'est pas remplie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, tel qu'il doit être interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive n°89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenu l'article 6 § 1, de la directive 2008/95/CE du 20 octobre 2008 ;

3°/ ALORS QUE l'exception d'homonymie prévue par l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, ne couvre pas l'usage du patronyme à titre de marque ; qu'en l'espèce, la société [C] faisait valoir que la société La Maison des Pierres et M. [K] [C] utilisaient le signe « [C] » à titre de marque sur les bouteilles et sur le site internet [06].com pour vendre des vins de Cognac; qu'en énonçant que M. [K] [C] et la société La Maison des Pierres font un usage de bonne foi du patronyme [C] et en rejetant les demandes de la société [C] pour contrefaçon de sa marque sans rechercher comme elle y était pourtant expressément invitée, si le signe « [C] » n'était pas utilisé à titre de marque et sans apprécier en conséquence l'action en contrefaçon de la société [C] au regard d'un usage à titre de marque du signe « [C] », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-6 a), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

4°/ ALORS QUE l'action en concurrence déloyale, qui trouve son fondement dans les dispositions de l'article 1240 du code civil, ne requiert pas d'élément intentionnel ; qu'en retenant, pour débouter la société [C] de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitaire, que « l'action en concurrence déloyale ne peut prospérer que si le demandeur rapporte la preuve d'une faute intentionnelle dommageable » et qu' « il a été démontré que M. [K] [C] et la société La Maison des Pierres ont usé de bonne foi du patronyme [Z] [C] sans que la société [C] ne rapporte la preuve d'un comportement fautif visant à rechercher la confusion ou à déloyalement détourner la clientèle », la cour d'appel a violé l'article susvisé.ECLI:FR:CCASS:2022:CO00470
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