Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, 21-16.613, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, 21-16.613, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-16.613
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300622
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 07 septembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 04 mars 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 622 F-D
Pourvoi n° S 21-16.613
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Ardeeff et Carrel, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-16.613 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [H], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Mme [I] [H] épouse [V], domiciliée [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Ardeeff et Carrel, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [H], après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 26 mars 2020, pourvoi n° 19-11.012 ), M. [O], aux droits duquel se trouvent M. et Mme [H], a donné à bail des locaux commerciaux à la société civile professionnelle Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel (la SCP).
2. En 1991 et 1992, le preneur a procédé, avec l'autorisation des bailleurs, à d'importants travaux dans les lieux.
3. Le bail a été renouvelé à compter du 1er octobre 2005 pour une durée de neuf ans.
4. Le 30 septembre 2006, la SCP a cédé à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ardeeff et Carrel (la SELARL) « les droits mobiliers corporels et incorporels composant sa clinique vétérinaire », notamment son droit de présentation de clientèle de vétérinaire et son droit au bail.
5. Le 31 mars 2014, M. et Mme [H] ont signifié un congé au preneur à effet du 1er octobre 2014 avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction, puis, le 16 décembre 2015, ont exercé leur droit de repentir.
6. Le 21 septembre 2016, les bailleurs ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative au 16 décembre 2015 et en fixation d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SELARL fait grief à l'arrêt de dire que le loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative, de la condamner à payer une indemnité mensuelle d'occupation, fixée à une certaine somme, pour la période du 1er octobre 2014 au 15 décembre 2015, de fixer le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 16 décembre 2015 à une certaine somme et de la condamner au paiement des arriérés de loyer à compter de cette date, alors :
« 1°/ les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il résultait de l'acte de cession du droit de présentation de clientèle civile conclu le 30 septembre 2006 entre la SCP Ardeeff et Carrel et la SELARL Ardeeff et Carrel que la première avait cédé à la seconde les éléments corporels suivants : « - le matériel et mobilier de bureau listés dans un inventaire annexé, - les aménagements effectués dans les locaux professionnels, - l'ensemble de la documentation professionnelle, - les archives, - la cession du droit au bail portant sur les locaux sis à [Adresse 4] » ; qu'il en résultait que les aménagements litigieux réalisés dans les locaux par la SCP Ardeeff et Carrel en 1990 et 1991 avaient été cédés à la Selarl Ardeeff et Carrel ; qu'en retenant que « le 30 septembre 2006, la SCP Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel a cédé à la SELARL Ardeeff & Carrel "l'ensemble des droits mobiliers incorporels et corporels composant sa clinique vétérinaire" pour la somme de 140 000 euros ; qu'il ressort de cet acte que la SCP Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel n'a cédé que ses droits mobiliers et n'a ainsi pas transmis les constructions nouvelles, améliorations, aménagements et installations qu'elle a réalisés en 1990, 1991 », pour en déduire que le bailleur pouvait se prévaloir de l'accession à la propriété des aménagements, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé et méconnu le principe susvisé ;
2°/ qu'en tout état de cause, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le contrat de cession de droit de présentation de clientèle civile ne prévoyait pas, outre la cession des droits mobiliers corporels et incorporels, le transfert à la société cessionnaire des aménagements réalisés dans les lieux par la société cédante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Ardeeff et Carrel faisait valoir que le contrat de bail initialement conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la SCP Ardeeff et Carrel comportait la clause selon laquelle « si le preneur ne cédait pas son droit au bail, l'accession du bailleur à la propriété des constructions, améliorations, changements de distribution, aménagements ou installations édifiés par le preneur quand elle se réalisera, donnera lieu au paiement d'un indemnité au preneur » et qu'il appartenait en conséquence au bailleur prétendant à l'accession de justifier du paiement de cette indemnité, ce que les consorts [H] n'avaient jamais fait ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le contrat de bail commercial conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la SCP Ardeeff et Carrel prévoyait que « les travaux qui seraient effectués par le preneur soit à titre de constructions nouvelles, d'améliorations, de changements dans la distribution, percement de murs, de cloisons ou planchers, embellissements, installations pendant le cours du bail, resteront la propriété du preneur jusqu'à son départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance » ; qu'ainsi que le faisait valoir la SELARL Ardeeff et Carrel dans ses conclusions d'appel, l'accession du bailleur à la propriété des travaux réalisés par le preneur dans les lieux donnés à bail était soumise à la condition du départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance, et que cette condition n'était pas remplie en l'espèce dès lors que, d'une part, la SCP Ardeeff & Carrel, preneur initial, avait simplement changé sa forme juridique pour devenir la SELARL Ardeeff et Carrel et, d'autre part, que la SCP Ardeeff et Carrel devenue la SELARL Ardeeff et Carrel exerçait toujours la même activité, qu'il s'agissait des mêmes vétérinaires, des mêmes salariés et du même matériel ; qu'en se bornant, pour mettre en oeuvre la clause d'accession du bailleur à la propriété des modifications, à dire que la Selarl Ardeeff et Carrel « ne peut prétendre qu'il n'y a pas eu de cession et changement de preneur mais un simple changement de forme juridique de la société locataire, cette affirmation étant contraire aux termes de l'acte de cession du 30 septembre 2006 », sans rechercher si la condition du « départ effectif et matériel des lieux » était remplie en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-34 du code de commerce ;
5°/ que ne constituent pas des travaux d'amélioration les travaux ayant pour effet de remettre en état les équipements existants, de changer les conditions d'exploitation sans modifier des lieux loués et d'augmenter la superficie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le bail décrit comme suit les locauxloués : - au rez-de-chaussée : un local commercial avec pièce sur l'arrière, - au 1er étage : deux pièces dépendances, - jardin 250 m² et entrepôt, avec passage de côté ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2006, déposé par M. [J], lors du premier renouvellement du bail, que la locataire a : - totalement transformé la distribution intérieure du bâtiment principal, qui était dans un état médiocre, notamment en remplaçant un vieil escalier en bois par un escalier moderne en béton et en construisant une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les installations nécessaires à l'activité ; qu'elle a également procédé à la réfection complète de l'installation électrique, de la plomberie, des installations sanitaires ainsi qu'au remplacement des portes et des fenêtres, - construit un bâtiment neuf à la place d'un ancien poulailler et d'une vieille remise qui étaient presque en ruine et inutilisables, - débroussaillé le terrain et créé un parking avec une allée d'accès susceptible de supporter la circulation de véhicules, - refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l'ensemble des façades des locaux ; que l'expert souligne que ces travaux ont agrandi la surface des locaux affectés à l'activité (hors auvent et parking) de 125,33 m² à 187,44 m² dont 54,13 m² résultent de la reconstruction des dépendances accolées au bâtiment principal et communiquant à l'intérieur, le tout constituant le corps principal des bâtiments » ; qu'il résultait de ces constatations que les travaux d'aménagements constituaient des modifications notables donnant lieu à déplafonnement lors du premier renouvellement du bail ; qu'en retenant que les travaux réalisés constituaient des améliorations significatives donnant lieu à déplafonnement lors du second renouvellement, la cour d'appel a méconnu l'article L. 145-34 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, la cour d'appel, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'acte de cession conclu le 30 septembre 2006 entre la SCP et la SELARL, qui transférait à la cessionnaire les éléments incorporels et corporels, au titre desquels étaient mentionnés « les aménagements effectués dans les locaux professionnels », ne ventilait le prix de cession qu'entre droits mobiliers corporels et incorporels, sans référence à d'éventuels travaux immobiliers.
9. Elle a pu en déduire, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de l'acte de cession, que son imprécision rendait nécessaire, et procédant à la recherche prétendument omise, que les constructions nouvelles, améliorations, aménagements et installations que la cédante avait réalisés en 1990 et 1991, dont la valeur n'avait pas été précisée dans le prix de cession, n'avaient pas été transférés à la cessionnaire.
10. En deuxième lieu, elle a retenu, sans être tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que, la SCP ayant cédé, par l'acte du 30 septembre 2006, son droit au bail à une personne morale distincte, sa jouissance des lieux avait pris fin à cette date, de sorte que, par l'effet de la clause d'accession stipulée au contrat, le bailleur était, à cette date, devenu propriétaire des travaux réalisés par le preneur.
11. En troisième lieu, ayant relevé que la SCP avait remplacé un vieil escalier en bois par un escalier en béton, construit une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les charges nécessaires à l'activité, procédé à la réfection complète de l'installation électrique, de la plomberie et des installations sanitaires ainsi qu'au remplacement des portes et des fenêtres, construit un bâtiment neuf à la place d'un ancien poulailler et d'une vieille remise, créé un parking avec une allée de circulation de véhicules, refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l'ensemble des façades des locaux, elle a pu retenir que si ces travaux, qui avaient agrandi la surface de plus de soixante mètres carrés, constituaient des modifications notables des caractéristiques des locaux donnés à bail, ils devaient également être qualifiés d'améliorations significatives, dès lors qu'ils assuraient une meilleure adaptation des locaux à l'activité de clinique vétérinaire, que la circulation de la clientèle tant à l'intérieur qu'à l'extérieur s'en trouvait facilitée et le confort thermique et acoustique amélioré, et accueillir, en conséquence, le régime des améliorations devant prévaloir sur celui des modifications, la demande de déplafonnement du loyer lors du deuxième renouvellement du bail.
12. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ardeeff et Carrel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ardeeff et Carrel et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme [H] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Ardeeff et Carrel
La Selarl Ardeeff & Carrel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative et, évoquant, d'avoir fixé à la somme de 37 940 hors taxes et hors charges, l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er octobre 2014 au 15 décembre 2015, d'avoir condamné la Selarl Ardeeff & Carrel au paiement de cette somme, d'avoir fixé à la somme de 31 700 euros, hors taxes et hors charges, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 16 décembre 2015, d'avoir condamné la Selarl Ardeeff & Carrel au paiement des arriérés de loyer à compter de cette date, outre intérêts au taux légal à compter de chaque échéance trimestrielle, et d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Alors 1°) que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il résultait de l'acte de cession du droit de présentation de clientèle civile conclu le 30 septembre 2006 entre la Scp Ardeeff & Carrel et la Selarl Ardeeff & Carrel que la première avait cédé à la seconde les éléments corporels suivants : « - le matériel et mobilier de bureau listés dans un inventaire annexé, - les aménagements effectués dans les locaux professionnels, - l'ensemble de la documentation professionnelle, - les archives, - la cession du droit au bail portant sur les locaux sis à [Adresse 4] » ; qu'il en résultait que les aménagements litigieux réalisés dans les locaux par la Scp Ardeeff & Carrel en 1990 et 1991 avaient été cédés à la Selarl Ardeeff & Carrel ; qu'en retenant que « le 30 septembre 2006, la Scp Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel a cédé à la Selarl Ardeeff & Carrel "l'ensemble des droits mobiliers incorporels et corporels composant sa clinique vétérinaire" pour la somme de 140 000 euros ; qu'il ressort de cet acte que la Scp Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel n'a cédé que ses droits mobiliers et n'a ainsi pas transmis les constructions nouvelles, améliorations, aménagements et installations qu'elle a réalisés en 1990, 1991 » (arrêt, p. 6, § 7-8), pour en déduire que le bailleur pouvait se prévaloir de l'accession à la propriété des aménagements, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé et méconnu le principe susvisé ;
Alors 2°) et en tout état de cause, qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée (conclusions d'appel de la société Ardeeff & Carrel, p. 15, dernier § à p. 16, § 11), si le contrat de cession de droit de présentation de clientèle civile ne prévoyait pas, outre la cession des droits mobiliers corporels et incorporels, le transfert à la société cessionnaire des aménagements réalisés dans les lieux par la société cédante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors 3°) que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 17, § 2), la société Ardeeff & Carrel faisait valoir que le contrat de bail initialement conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la Scp Ardeeff & Carrel comportait la clause selon laquelle « si le preneur ne cédait pas son droit au bail, l'accession du bailleur à la propriété des constructions, améliorations, changements de distribution, aménagements ou installations édifiés par le preneur quand elle se réalisera, donnera lieu au paiement d'un indemnité au preneur » et qu'il appartenait en conséquence au bailleur prétendant à l'accession de justifier du paiement de cette indemnité, ce que les consorts [H] n'avaient jamais fait ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que le contrat de bail commercial conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la Scp Ardeeff & Carrel prévoyait que « les travaux qui seraient effectués par le preneur soit à titre de constructions nouvelles, d'améliorations, de changements dans la distribution, percement de murs, de cloisons ou planchers, embellissements, installations pendant le cours du bail, resteront la propriété du preneur jusqu'à son départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance » ; qu'ainsi que le faisait valoir la Selarl Ardeeff & Carrel dans ses conclusions d'appel (p. 13, dernier § à p. 15, § 2), l'accession du bailleur à la propriété des travaux réalisés par le preneur dans les lieux donnés à bail était soumise à la condition du départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance, et que cette condition n'était pas remplie en l'espèce dès lors que, d'une part, la Scp Ardeeff & Carrel, preneur initial, avait simplement changé sa forme juridique pour devenir la Selarl Ardeeff & Carrel et, d'autre part, que la Scp Ardeeff & Carrel devenue la Selarl Ardeeff & Carrel exerçait toujours la même activité, qu'il s'agissait des mêmes vétérinaires, des mêmes salariés et du même matériel ; qu'en se bornant, pour mettre en oeuvre la clause d'accession du bailleur à la propriété des modifications, à dire que la Selarl Ardeeff & Carrel « ne peut prétendre qu'il n'y a pas eu de cession et changement de preneur mais un simple changement de forme juridique de la société locataire, cette affirmation étant contraire aux termes de l'acte de cession du 30 septembre 2006 » (arrêt attaqué, p. 6, § 10), sans rechercher si la condition du « départ effectif et matériel des lieux » était remplie en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-34 du code de commerce ;
Alors 5°) que ne constituent pas des travaux d'amélioration les travaux ayant pour effet de remettre en état les équipements existants, de changer les conditions d'exploitation sans modifier des lieux loués et d'augmenter la superficie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le bail décrit comme suit les locaux loués : - au rez-de-chaussée : un local commercial avec pièce sur l'arrière, - au 1er étage : deux pièces dépendances, - jardin 250 m² et entrepôt, avec passage de côté ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2006, déposé par M. [J], lors du premier renouvellement du bail, que la locataire a : - totalement transformé la distribution intérieure du bâtiment principal, qui était dans un état médiocre, notamment en remplaçant un vieil escalier en bois par un escalier moderne en béton et en construisant une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les installations nécessaires à l'activité ; qu'elle a également procédé à la réfection complète de l'installation électrique, de la plomberie, des installations sanitaires ainsi qu'au remplacement des portes et des fenêtres, - construit un bâtiment neuf à la place d'un ancien poulailler et d'une vieille remise qui étaient presque en ruine et inutilisables, - débroussaillé le terrain et créé un parking avec une allée d'accès susceptible de supporter la circulation de véhicules, - refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l'ensemble des façades des locaux ; que l'expert souligne que ces travaux ont agrandi la surface des locaux affectés à l'activité (hors auvent et parking) de 125,33 m² à 187,44
m² dont 54,13 m² résultent de la reconstruction des dépendances accolées au bâtiment principal et communiquant à l'intérieur, le tout constituant le corps principal des bâtiments » (arrêt attaqué, p. 7, § 2-9) ; qu'il résultait de ces constatations que les travaux d'aménagements constituaient des modifications notables donnant lieu à déplafonnement lors du premier renouvellement du bail ; qu'en retenant que les travaux réalisés constituaient des améliorations significatives donnant lieu à déplafonnement lors du second renouvellement (arrêt, p. 7, § 10-11), la cour d'appel a méconnu l'article L. 145-34 du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2022:C300622
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 622 F-D
Pourvoi n° S 21-16.613
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Ardeeff et Carrel, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-16.613 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [H], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Mme [I] [H] épouse [V], domiciliée [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Ardeeff et Carrel, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [H], après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 26 mars 2020, pourvoi n° 19-11.012 ), M. [O], aux droits duquel se trouvent M. et Mme [H], a donné à bail des locaux commerciaux à la société civile professionnelle Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel (la SCP).
2. En 1991 et 1992, le preneur a procédé, avec l'autorisation des bailleurs, à d'importants travaux dans les lieux.
3. Le bail a été renouvelé à compter du 1er octobre 2005 pour une durée de neuf ans.
4. Le 30 septembre 2006, la SCP a cédé à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ardeeff et Carrel (la SELARL) « les droits mobiliers corporels et incorporels composant sa clinique vétérinaire », notamment son droit de présentation de clientèle de vétérinaire et son droit au bail.
5. Le 31 mars 2014, M. et Mme [H] ont signifié un congé au preneur à effet du 1er octobre 2014 avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction, puis, le 16 décembre 2015, ont exercé leur droit de repentir.
6. Le 21 septembre 2016, les bailleurs ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative au 16 décembre 2015 et en fixation d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SELARL fait grief à l'arrêt de dire que le loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative, de la condamner à payer une indemnité mensuelle d'occupation, fixée à une certaine somme, pour la période du 1er octobre 2014 au 15 décembre 2015, de fixer le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 16 décembre 2015 à une certaine somme et de la condamner au paiement des arriérés de loyer à compter de cette date, alors :
« 1°/ les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il résultait de l'acte de cession du droit de présentation de clientèle civile conclu le 30 septembre 2006 entre la SCP Ardeeff et Carrel et la SELARL Ardeeff et Carrel que la première avait cédé à la seconde les éléments corporels suivants : « - le matériel et mobilier de bureau listés dans un inventaire annexé, - les aménagements effectués dans les locaux professionnels, - l'ensemble de la documentation professionnelle, - les archives, - la cession du droit au bail portant sur les locaux sis à [Adresse 4] » ; qu'il en résultait que les aménagements litigieux réalisés dans les locaux par la SCP Ardeeff et Carrel en 1990 et 1991 avaient été cédés à la Selarl Ardeeff et Carrel ; qu'en retenant que « le 30 septembre 2006, la SCP Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel a cédé à la SELARL Ardeeff & Carrel "l'ensemble des droits mobiliers incorporels et corporels composant sa clinique vétérinaire" pour la somme de 140 000 euros ; qu'il ressort de cet acte que la SCP Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel n'a cédé que ses droits mobiliers et n'a ainsi pas transmis les constructions nouvelles, améliorations, aménagements et installations qu'elle a réalisés en 1990, 1991 », pour en déduire que le bailleur pouvait se prévaloir de l'accession à la propriété des aménagements, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé et méconnu le principe susvisé ;
2°/ qu'en tout état de cause, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le contrat de cession de droit de présentation de clientèle civile ne prévoyait pas, outre la cession des droits mobiliers corporels et incorporels, le transfert à la société cessionnaire des aménagements réalisés dans les lieux par la société cédante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Ardeeff et Carrel faisait valoir que le contrat de bail initialement conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la SCP Ardeeff et Carrel comportait la clause selon laquelle « si le preneur ne cédait pas son droit au bail, l'accession du bailleur à la propriété des constructions, améliorations, changements de distribution, aménagements ou installations édifiés par le preneur quand elle se réalisera, donnera lieu au paiement d'un indemnité au preneur » et qu'il appartenait en conséquence au bailleur prétendant à l'accession de justifier du paiement de cette indemnité, ce que les consorts [H] n'avaient jamais fait ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le contrat de bail commercial conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la SCP Ardeeff et Carrel prévoyait que « les travaux qui seraient effectués par le preneur soit à titre de constructions nouvelles, d'améliorations, de changements dans la distribution, percement de murs, de cloisons ou planchers, embellissements, installations pendant le cours du bail, resteront la propriété du preneur jusqu'à son départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance » ; qu'ainsi que le faisait valoir la SELARL Ardeeff et Carrel dans ses conclusions d'appel, l'accession du bailleur à la propriété des travaux réalisés par le preneur dans les lieux donnés à bail était soumise à la condition du départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance, et que cette condition n'était pas remplie en l'espèce dès lors que, d'une part, la SCP Ardeeff & Carrel, preneur initial, avait simplement changé sa forme juridique pour devenir la SELARL Ardeeff et Carrel et, d'autre part, que la SCP Ardeeff et Carrel devenue la SELARL Ardeeff et Carrel exerçait toujours la même activité, qu'il s'agissait des mêmes vétérinaires, des mêmes salariés et du même matériel ; qu'en se bornant, pour mettre en oeuvre la clause d'accession du bailleur à la propriété des modifications, à dire que la Selarl Ardeeff et Carrel « ne peut prétendre qu'il n'y a pas eu de cession et changement de preneur mais un simple changement de forme juridique de la société locataire, cette affirmation étant contraire aux termes de l'acte de cession du 30 septembre 2006 », sans rechercher si la condition du « départ effectif et matériel des lieux » était remplie en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-34 du code de commerce ;
5°/ que ne constituent pas des travaux d'amélioration les travaux ayant pour effet de remettre en état les équipements existants, de changer les conditions d'exploitation sans modifier des lieux loués et d'augmenter la superficie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le bail décrit comme suit les locauxloués : - au rez-de-chaussée : un local commercial avec pièce sur l'arrière, - au 1er étage : deux pièces dépendances, - jardin 250 m² et entrepôt, avec passage de côté ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2006, déposé par M. [J], lors du premier renouvellement du bail, que la locataire a : - totalement transformé la distribution intérieure du bâtiment principal, qui était dans un état médiocre, notamment en remplaçant un vieil escalier en bois par un escalier moderne en béton et en construisant une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les installations nécessaires à l'activité ; qu'elle a également procédé à la réfection complète de l'installation électrique, de la plomberie, des installations sanitaires ainsi qu'au remplacement des portes et des fenêtres, - construit un bâtiment neuf à la place d'un ancien poulailler et d'une vieille remise qui étaient presque en ruine et inutilisables, - débroussaillé le terrain et créé un parking avec une allée d'accès susceptible de supporter la circulation de véhicules, - refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l'ensemble des façades des locaux ; que l'expert souligne que ces travaux ont agrandi la surface des locaux affectés à l'activité (hors auvent et parking) de 125,33 m² à 187,44 m² dont 54,13 m² résultent de la reconstruction des dépendances accolées au bâtiment principal et communiquant à l'intérieur, le tout constituant le corps principal des bâtiments » ; qu'il résultait de ces constatations que les travaux d'aménagements constituaient des modifications notables donnant lieu à déplafonnement lors du premier renouvellement du bail ; qu'en retenant que les travaux réalisés constituaient des améliorations significatives donnant lieu à déplafonnement lors du second renouvellement, la cour d'appel a méconnu l'article L. 145-34 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, la cour d'appel, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'acte de cession conclu le 30 septembre 2006 entre la SCP et la SELARL, qui transférait à la cessionnaire les éléments incorporels et corporels, au titre desquels étaient mentionnés « les aménagements effectués dans les locaux professionnels », ne ventilait le prix de cession qu'entre droits mobiliers corporels et incorporels, sans référence à d'éventuels travaux immobiliers.
9. Elle a pu en déduire, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de l'acte de cession, que son imprécision rendait nécessaire, et procédant à la recherche prétendument omise, que les constructions nouvelles, améliorations, aménagements et installations que la cédante avait réalisés en 1990 et 1991, dont la valeur n'avait pas été précisée dans le prix de cession, n'avaient pas été transférés à la cessionnaire.
10. En deuxième lieu, elle a retenu, sans être tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que, la SCP ayant cédé, par l'acte du 30 septembre 2006, son droit au bail à une personne morale distincte, sa jouissance des lieux avait pris fin à cette date, de sorte que, par l'effet de la clause d'accession stipulée au contrat, le bailleur était, à cette date, devenu propriétaire des travaux réalisés par le preneur.
11. En troisième lieu, ayant relevé que la SCP avait remplacé un vieil escalier en bois par un escalier en béton, construit une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les charges nécessaires à l'activité, procédé à la réfection complète de l'installation électrique, de la plomberie et des installations sanitaires ainsi qu'au remplacement des portes et des fenêtres, construit un bâtiment neuf à la place d'un ancien poulailler et d'une vieille remise, créé un parking avec une allée de circulation de véhicules, refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l'ensemble des façades des locaux, elle a pu retenir que si ces travaux, qui avaient agrandi la surface de plus de soixante mètres carrés, constituaient des modifications notables des caractéristiques des locaux donnés à bail, ils devaient également être qualifiés d'améliorations significatives, dès lors qu'ils assuraient une meilleure adaptation des locaux à l'activité de clinique vétérinaire, que la circulation de la clientèle tant à l'intérieur qu'à l'extérieur s'en trouvait facilitée et le confort thermique et acoustique amélioré, et accueillir, en conséquence, le régime des améliorations devant prévaloir sur celui des modifications, la demande de déplafonnement du loyer lors du deuxième renouvellement du bail.
12. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ardeeff et Carrel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ardeeff et Carrel et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme [H] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Ardeeff et Carrel
La Selarl Ardeeff & Carrel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative et, évoquant, d'avoir fixé à la somme de 37 940 hors taxes et hors charges, l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er octobre 2014 au 15 décembre 2015, d'avoir condamné la Selarl Ardeeff & Carrel au paiement de cette somme, d'avoir fixé à la somme de 31 700 euros, hors taxes et hors charges, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 16 décembre 2015, d'avoir condamné la Selarl Ardeeff & Carrel au paiement des arriérés de loyer à compter de cette date, outre intérêts au taux légal à compter de chaque échéance trimestrielle, et d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Alors 1°) que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il résultait de l'acte de cession du droit de présentation de clientèle civile conclu le 30 septembre 2006 entre la Scp Ardeeff & Carrel et la Selarl Ardeeff & Carrel que la première avait cédé à la seconde les éléments corporels suivants : « - le matériel et mobilier de bureau listés dans un inventaire annexé, - les aménagements effectués dans les locaux professionnels, - l'ensemble de la documentation professionnelle, - les archives, - la cession du droit au bail portant sur les locaux sis à [Adresse 4] » ; qu'il en résultait que les aménagements litigieux réalisés dans les locaux par la Scp Ardeeff & Carrel en 1990 et 1991 avaient été cédés à la Selarl Ardeeff & Carrel ; qu'en retenant que « le 30 septembre 2006, la Scp Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel a cédé à la Selarl Ardeeff & Carrel "l'ensemble des droits mobiliers incorporels et corporels composant sa clinique vétérinaire" pour la somme de 140 000 euros ; qu'il ressort de cet acte que la Scp Jean-Luc Ardeeff - Olivier Carrel n'a cédé que ses droits mobiliers et n'a ainsi pas transmis les constructions nouvelles, améliorations, aménagements et installations qu'elle a réalisés en 1990, 1991 » (arrêt, p. 6, § 7-8), pour en déduire que le bailleur pouvait se prévaloir de l'accession à la propriété des aménagements, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé et méconnu le principe susvisé ;
Alors 2°) et en tout état de cause, qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée (conclusions d'appel de la société Ardeeff & Carrel, p. 15, dernier § à p. 16, § 11), si le contrat de cession de droit de présentation de clientèle civile ne prévoyait pas, outre la cession des droits mobiliers corporels et incorporels, le transfert à la société cessionnaire des aménagements réalisés dans les lieux par la société cédante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Alors 3°) que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 17, § 2), la société Ardeeff & Carrel faisait valoir que le contrat de bail initialement conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la Scp Ardeeff & Carrel comportait la clause selon laquelle « si le preneur ne cédait pas son droit au bail, l'accession du bailleur à la propriété des constructions, améliorations, changements de distribution, aménagements ou installations édifiés par le preneur quand elle se réalisera, donnera lieu au paiement d'un indemnité au preneur » et qu'il appartenait en conséquence au bailleur prétendant à l'accession de justifier du paiement de cette indemnité, ce que les consorts [H] n'avaient jamais fait ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que le contrat de bail commercial conclu entre M. [O], aux droits duquel viennent les consorts [H], et la Scp Ardeeff & Carrel prévoyait que « les travaux qui seraient effectués par le preneur soit à titre de constructions nouvelles, d'améliorations, de changements dans la distribution, percement de murs, de cloisons ou planchers, embellissements, installations pendant le cours du bail, resteront la propriété du preneur jusqu'à son départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance » ; qu'ainsi que le faisait valoir la Selarl Ardeeff & Carrel dans ses conclusions d'appel (p. 13, dernier § à p. 15, § 2), l'accession du bailleur à la propriété des travaux réalisés par le preneur dans les lieux donnés à bail était soumise à la condition du départ effectif et matériel des lieux entraînant la fin de la jouissance, et que cette condition n'était pas remplie en l'espèce dès lors que, d'une part, la Scp Ardeeff & Carrel, preneur initial, avait simplement changé sa forme juridique pour devenir la Selarl Ardeeff & Carrel et, d'autre part, que la Scp Ardeeff & Carrel devenue la Selarl Ardeeff & Carrel exerçait toujours la même activité, qu'il s'agissait des mêmes vétérinaires, des mêmes salariés et du même matériel ; qu'en se bornant, pour mettre en oeuvre la clause d'accession du bailleur à la propriété des modifications, à dire que la Selarl Ardeeff & Carrel « ne peut prétendre qu'il n'y a pas eu de cession et changement de preneur mais un simple changement de forme juridique de la société locataire, cette affirmation étant contraire aux termes de l'acte de cession du 30 septembre 2006 » (arrêt attaqué, p. 6, § 10), sans rechercher si la condition du « départ effectif et matériel des lieux » était remplie en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-34 du code de commerce ;
Alors 5°) que ne constituent pas des travaux d'amélioration les travaux ayant pour effet de remettre en état les équipements existants, de changer les conditions d'exploitation sans modifier des lieux loués et d'augmenter la superficie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le bail décrit comme suit les locaux loués : - au rez-de-chaussée : un local commercial avec pièce sur l'arrière, - au 1er étage : deux pièces dépendances, - jardin 250 m² et entrepôt, avec passage de côté ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2006, déposé par M. [J], lors du premier renouvellement du bail, que la locataire a : - totalement transformé la distribution intérieure du bâtiment principal, qui était dans un état médiocre, notamment en remplaçant un vieil escalier en bois par un escalier moderne en béton et en construisant une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les installations nécessaires à l'activité ; qu'elle a également procédé à la réfection complète de l'installation électrique, de la plomberie, des installations sanitaires ainsi qu'au remplacement des portes et des fenêtres, - construit un bâtiment neuf à la place d'un ancien poulailler et d'une vieille remise qui étaient presque en ruine et inutilisables, - débroussaillé le terrain et créé un parking avec une allée d'accès susceptible de supporter la circulation de véhicules, - refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l'ensemble des façades des locaux ; que l'expert souligne que ces travaux ont agrandi la surface des locaux affectés à l'activité (hors auvent et parking) de 125,33 m² à 187,44
m² dont 54,13 m² résultent de la reconstruction des dépendances accolées au bâtiment principal et communiquant à l'intérieur, le tout constituant le corps principal des bâtiments » (arrêt attaqué, p. 7, § 2-9) ; qu'il résultait de ces constatations que les travaux d'aménagements constituaient des modifications notables donnant lieu à déplafonnement lors du premier renouvellement du bail ; qu'en retenant que les travaux réalisés constituaient des améliorations significatives donnant lieu à déplafonnement lors du second renouvellement (arrêt, p. 7, § 10-11), la cour d'appel a méconnu l'article L. 145-34 du code de commerce.