Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, 21-21.382, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, 21-21.382, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-21.382
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300606
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 07 septembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 18 juin 2021- Président
- Mme Teiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 606 FS-B
Pourvoi n° A 21-21.382
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Primo Levi, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° A 21-21.382 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [K] [O], domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Merat Workshop sise [Adresse 1],
3°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Primo Levi, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société AXA France IARD, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société civile de construction-vente Résidence Primo Lévi (la SCCV) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [O], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Merat Workshop ;
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2021), la SCCV a confié à la société Merat Workshop, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction de logements.
3. Les lots gros oeuvre et chauffage-plomberie ont été confiés à la société Bati Ten.
4. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la société AXA France IARD (la société AXA).
5. Le maître de l'ouvrage a notifié à la société Bati Ten la résiliation du marché pour manquement à ses obligations contractuelles et cette société a ensuite été mise en liquidation judiciaire.
6. Se plaignant de désordres et de trop-versés, la SCCV a assigné les sociétés Merat Workshop, MAF et AXA en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage, alors « que le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la SCCV et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la SCCV à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du contrat de maîtrise d'oeuvre, que son ambigüité rendait nécessaire, que si ce contrat autorisait le maître d'oeuvre à adresser tous courriers utiles aux entreprises pour l'exécution de sa mission de direction des travaux, il ne contenait aucun mandat exprès à l'effet d'adresser aux entreprises défaillantes une mise en demeure avant résiliation du contrat.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
11. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
12. La mise en demeure s'entendant de l'acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu'il exécute ses obligations, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, devait être adressée à l'entrepreneur avant la résiliation de son contrat, devait émaner du maître de l'ouvrage ou de son mandataire.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la SCCV à la société Bati Ten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
15. En application de l'article L. 242-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur dommages-ouvrages n'est due, pour les dommages apparus avant la réception de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que si, après une mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations.
16. Le maître de l'ouvrage ne peut se dispenser de cette formalité que quand elle s'avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage.
17. La cour d'appel, qui a retenu que la SCCV avait, plusieurs mois avant la mise en liquidation judiciaire de l'entrepreneur, notifié à la société Bati Ten, sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat de louage d'ouvrage, en a exactement déduit que les conditions d'application de la garantie de l'assureur dommages-ouvrage avant réception n'étaient pas réunies.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile de construction-vente Résidence Primo Lévi aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Primo Levi
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Primo Levi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre la société Mutuelle des architectes français au titre des trop-versés à la société Batin Ten ;
1°- ALORS QUE la police d'assurance souscrite par la société Merat Workshop auprès de la Mutuelle des architectes garantit l'architecte contre les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice de sa profession telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur ; qu'en jugeant que ne relevait pas du champ d'application du contrat l'exercice déontologiquement anormal de sa profession d'architecte par la société Merat Workshop, pour avoir organisé la double rémunération de ses prestations par le maître d'ouvrage et le constructeur, quand cette faute ne suffisait pas à établir qu'elle avait exercé une activité qui ne relevait pas de la profession d'architecte et n'était pas comprise dans le champ d'application de la garantie, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2° ALORS subsidiairement QU'une clause d'exclusion de garantie insérée dans un contrat d'assurance n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée ; qu'en retenant que pourrait être licite un contrat d'assurance couvrant la responsabilité d'architecte pour les seules activités conformes à la législation et à la réglementation en vigueur, de telle sorte que la garantie pourrait être écartée su seul fait que l'architecte a exercé sa profession dans des conditions déontologiquement anormales, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
3°- ALORS, tout aussi subsidiairement, QUE seules les conséquences dommageables de l'exercice déontologiquement anormal de la profession d'architecte pourraient exclues de la garantie couvrant les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice normal de sa profession ; que la cour d'appel a relevé que la société Merat Workshop avait manqué à son devoir d'indépendance et de loyauté à l'égard du maître de l'ouvrage en signant des conventions d'études avec la société de travaux Batiten prévoyant une rémunération faisant double emploi avec celle due par le maître de l'ouvrage ; qu'en retenant que la validation par l'architecte des situations de travaux présentées par la société Batiten s'était inscrite dans le cadre de cet exercice déontologiquement anormal de la profession d'architecte tout en refusant de rechercher si les rémunérations prévues avaient effectivement été versées ni si leur versement était à l'origine de la validation de situation de travaux non réalisés, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 et L. 113-5 du code des assurances ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :
La société Primo Levi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage.
1°- ALORS QUE le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la société Primo Levi et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la société Primo Levi à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°- ALORS, au surplus, QUE si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
3°- ALORS, subsidiairement, QUE la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la société Primo Levi à la société Batiten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2022:C300606
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 606 FS-B
Pourvoi n° A 21-21.382
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Primo Levi, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° A 21-21.382 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [K] [O], domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Merat Workshop sise [Adresse 1],
3°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Primo Levi, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société AXA France IARD, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société civile de construction-vente Résidence Primo Lévi (la SCCV) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [O], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Merat Workshop ;
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2021), la SCCV a confié à la société Merat Workshop, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction de logements.
3. Les lots gros oeuvre et chauffage-plomberie ont été confiés à la société Bati Ten.
4. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la société AXA France IARD (la société AXA).
5. Le maître de l'ouvrage a notifié à la société Bati Ten la résiliation du marché pour manquement à ses obligations contractuelles et cette société a ensuite été mise en liquidation judiciaire.
6. Se plaignant de désordres et de trop-versés, la SCCV a assigné les sociétés Merat Workshop, MAF et AXA en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage, alors « que le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la SCCV et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la SCCV à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du contrat de maîtrise d'oeuvre, que son ambigüité rendait nécessaire, que si ce contrat autorisait le maître d'oeuvre à adresser tous courriers utiles aux entreprises pour l'exécution de sa mission de direction des travaux, il ne contenait aucun mandat exprès à l'effet d'adresser aux entreprises défaillantes une mise en demeure avant résiliation du contrat.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
11. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
12. La mise en demeure s'entendant de l'acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu'il exécute ses obligations, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, devait être adressée à l'entrepreneur avant la résiliation de son contrat, devait émaner du maître de l'ouvrage ou de son mandataire.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la SCCV à la société Bati Ten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
15. En application de l'article L. 242-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur dommages-ouvrages n'est due, pour les dommages apparus avant la réception de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que si, après une mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations.
16. Le maître de l'ouvrage ne peut se dispenser de cette formalité que quand elle s'avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage.
17. La cour d'appel, qui a retenu que la SCCV avait, plusieurs mois avant la mise en liquidation judiciaire de l'entrepreneur, notifié à la société Bati Ten, sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat de louage d'ouvrage, en a exactement déduit que les conditions d'application de la garantie de l'assureur dommages-ouvrage avant réception n'étaient pas réunies.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile de construction-vente Résidence Primo Lévi aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Primo Levi
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Primo Levi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre la société Mutuelle des architectes français au titre des trop-versés à la société Batin Ten ;
1°- ALORS QUE la police d'assurance souscrite par la société Merat Workshop auprès de la Mutuelle des architectes garantit l'architecte contre les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice de sa profession telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur ; qu'en jugeant que ne relevait pas du champ d'application du contrat l'exercice déontologiquement anormal de sa profession d'architecte par la société Merat Workshop, pour avoir organisé la double rémunération de ses prestations par le maître d'ouvrage et le constructeur, quand cette faute ne suffisait pas à établir qu'elle avait exercé une activité qui ne relevait pas de la profession d'architecte et n'était pas comprise dans le champ d'application de la garantie, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2° ALORS subsidiairement QU'une clause d'exclusion de garantie insérée dans un contrat d'assurance n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée ; qu'en retenant que pourrait être licite un contrat d'assurance couvrant la responsabilité d'architecte pour les seules activités conformes à la législation et à la réglementation en vigueur, de telle sorte que la garantie pourrait être écartée su seul fait que l'architecte a exercé sa profession dans des conditions déontologiquement anormales, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
3°- ALORS, tout aussi subsidiairement, QUE seules les conséquences dommageables de l'exercice déontologiquement anormal de la profession d'architecte pourraient exclues de la garantie couvrant les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice normal de sa profession ; que la cour d'appel a relevé que la société Merat Workshop avait manqué à son devoir d'indépendance et de loyauté à l'égard du maître de l'ouvrage en signant des conventions d'études avec la société de travaux Batiten prévoyant une rémunération faisant double emploi avec celle due par le maître de l'ouvrage ; qu'en retenant que la validation par l'architecte des situations de travaux présentées par la société Batiten s'était inscrite dans le cadre de cet exercice déontologiquement anormal de la profession d'architecte tout en refusant de rechercher si les rémunérations prévues avaient effectivement été versées ni si leur versement était à l'origine de la validation de situation de travaux non réalisés, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 et L. 113-5 du code des assurances ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :
La société Primo Levi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage.
1°- ALORS QUE le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la société Primo Levi et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la société Primo Levi à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°- ALORS, au surplus, QUE si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
3°- ALORS, subsidiairement, QUE la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la société Primo Levi à la société Batiten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances.