Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 septembre 2022, 19-21.964, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 613 FS-B

Pourvoi n° S 19-21.964




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société [H] [X] [M] et fils, société de droit koweitien, dont le siège est [Adresse 1] (Égypte), a formé le pourvoi n° S 19-21.964 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Libyan investment authority (LIA), dont le siège est [Adresse 2] (Libye), défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société [H] [X] [M] et fils, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Libyan investment authority, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel et Bruyére, Mme Guihal, conseillers, M. Vitse, Mmes Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 juin 2019), par actes séparés du 11 mars 2016, la société [H] [X] [M] et fils ([M]), bénéficiaire d'une sentence arbitrale rendue au [Localité 3] contre l'Etat libyen, a, après avoir obtenu l'exequatur de cette décision, fait pratiquer, entre les mains de la Société générale, une saisie-attribution des sommes détenues au nom de l'Etat de Libye ou de la Libyan investment authority (LIA), ainsi qu'une saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières, laquelle en a demandé la mainlevée.

2. Par un arrêt du 3 novembre 2021 (n° 653), il a été sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 10 juillet 2020, pourvois n° 18-18.542 et 18-21.814) de la question de savoir si les dispositions d'un autre règlement européen, relatif à des mesures restrictives à l'égard de l'Iran et comportant une définition des mesures de gel analogue à celle du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011, s'opposaient à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d'effet attributif, telle qu'une saisie conservatoire.

3. Par un arrêt du 11 novembre 2021 (C-340/20), la CJUE a répondu à la question préjudicielle.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

4. La société [M] fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution et de la saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières pratiquées le 11 mars 2016 auprès de la Société générale option Europe à l'encontre de la société LIA, alors :

« 1°/ qu'en vertu des principes du droit international relatifs à l'immunité d'exécution, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure est engagée, qu'en décidant que « les Etats étrangers bénéficient en effet, par principe, d'une immunité d'exécution. Il en est autrement lorsque les biens concernés se rattachent, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, ce qui signifie que les biens sont utilisés ou sont destinés à être utilisés à des fins publiques, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice », l'arrêt attaqué a été rendu en violation du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ;

2°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé à des fins d'investissement ; qu'en l'espèce, pour juger que les sommes détenues par la LIA sur le compte-courant ouvert auprès de la Société générale option Europe ainsi que les droits d'associés ou les valeurs mobilières bénéficiaient d'une immunité d'exécution et ne pouvaient, par conséquent, être l'objet d'une saisie, la cour d'appel s'est bornée à constater que ces biens étaient « utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même constaté que les fonds étaient spécialement affectés à des activités d'investissement à l'étranger, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ;

3°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, le bénéfice de l'immunité d'exécution s'apprécie pour chaque bien appréhendé par la saisie ; qu'en jugeant que l'immunité d'exécution couvrait tous « les biens appartenant à l'Autorité libyenne d'investissement, quel que soit le produit financier de placement », la cour d'appel n'a pas pris en considération la finalité à laquelle était destiné le produit financier « Euro Medium Term Note », pourtant objet de la saisie, et a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ;

4°/ que toute activité déployée par un Etat ou son émanation ne peut que poursuivre un intérêt général ; qu'à lui seul le critère fondé sur l'intérêt général n'est pertinent pour délimiter le champ de l'immunité d'exécution ; qu'en se référant exclusivement à l'idée que les opérations de placement réalisées par la LIA servaient l'intérêt du peuple libyen, notamment en visant la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU sans rechercher si ces biens sont « spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales » pour décider que les fonds appréhendés étaient couverts par l'immunité d'exécution, l'arrêt attaqué a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ;

5°/ que porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental à l'exécution des décisions de justice, toute protection des biens de l'Etat étranger allant au-delà de ce que prescrit le droit international coutumier tel que reflété par la Convention des Nations-Unies du 2 décembre 2004 ; qu'en l'espèce, pour prononcer la mainlevée de la saisie, la cour d'appel a jugé que les biens utilisés par le fond souverain de l'Etat libyen à des fins d'investissement étaient couverts par son immunité d'exécution ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit international coutumier tel qu'il résulte de la Convention des Nations-Unies de 2004 autorise la saisie des biens utilisés par l'Etat ou l'une de ses émanations à des fins d'investissement, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes du droit international régissant les immunités d'exécution des Etats étrangers ;

6°/ que l'article 26 de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980, à laquelle se référait le contrat, dispose que « la conciliation et l'arbitrage se dérouleront conformément aux règles et aux procédures établies dans l'annexe de cette Convention » et que « cette annexe constitue une partie intégrante de celle-ci » ; qu'en l'espèce, pour juger que l'Etat libyen n'avait pas expressément accepté de se soumettre à la sentence arbitrale et ne s'était pas expressément engagé à exécuter cette sentence, la cour d'appel a retenu que n'était pas visé par la clause compromissoire du contrat passé avec l'exposante, l'article 2-8 de l'annexe de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 lequel prévoit que « la sentence arbitrale rendue conformément aux provisions de cet article sera définitive et liera les parties qui doivent s'y soumettre et qui doivent l'exécuter immédiatement » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 29 du contrat passé entre l'Etat libyen et la société [M] stipulait qu'il devait être « recouru à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 » laquelle, dans son article 26, énonce expressément que son annexe dont l'article 2-8 fait partie intégrante de ses dispositions, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire du contrat, ensemble la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 ;

7°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'acceptation par l'État étranger, signataire de la clause d'arbitrage, de se soumettre à la sentence arbitrale et de l'exécuter dans les termes de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 vaut renonciation expresse à son immunité d'exécution; qu'en jugeant le contraire, alors qu'elle avait elle même constaté que l'Etat libyen avait, non seulement, expressément adhéré à cette Convention mais, également, expressément visé cette Convention dans la clause compromissoire du contrat qu'il a conclu avec l'exposante, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes ;

8°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'engagement pris par l'Etat signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence conformément à l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du commerce international du [Localité 3] lequel est expressément visé par la sentence arbitrale, vaut renonciation à son immunité d'exécution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] ;

9°/ que les parties ayant toutes deux admis que l'article 34.2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] était applicable même s'il n'était pas visé par la clause compromissoire, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le silence de la clause sur ce texte sans méconnaître les termes du litige et violer l'article 4 du code de procédure civile ;

10°/ que, subsidiairement à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges, doit être qualifiée d'émanation, l'entité dépourvue de d'autonomie fonctionnelle et de patrimoine propre ; que cette qualité s'apprécie en droit mais surtout en fait selon la méthode du faisceau d'indices ;qu'en l'espèce, pour refuser de qualifier la L.I.A. d'émanation de l'Etat libyen, les juges du fond se sont exclusivement fondés sur l'autonomie juridique de l'entité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme ils y étaient invités, si dans les faits, la L.I.A. n'était pas suffisamment indépendante dans son fonctionnement et si son patrimoine se confondait avec celui de l'Etat libyen, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des principes du droit international relatifs aux émanations des Etats étrangers. »

Réponse de la Cour

5. L'article 1 du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011 et l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) « fonds », les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris et notamment, mais pas exclusivement :
i) le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement ;
ii) les dépôts auprès d'établissements financiers ou d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créances ;
iii) les titres de propriété et d'emprunt, tels que les actions et autres titres de participation, les certificats représentatifs de valeurs mobilières, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les obligations non garanties et les contrats sur produits dérivés, qu'ils soient négociés en Bourse ou fassent l'objet d'un placement privé ;
iv) les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs ;
[...]
b) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds ou tout accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence une modification de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, y compris la gestion de portefeuilles. »

6. Selon l'article 5 § 4 du même règlement, tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux entités énumérées à l'annexe VI, parmi lesquelles figure la LIA, ou que celles-ci avaient en leur possession, détenaient ou contrôlaient à la date du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient en dehors de Libye à cette date restent gelés.

7. L'article 11, § 2, du même règlement dispose :

« 2.Par dérogation à l'article 5, § 4, et pour autant qu'un paiement soit dû au titre d'un contrat ou d'un accord conclu ou d'une obligation souscrite par la personne, l'entité ou l'organisme concerné avant la date de sa désignation par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, les autorités compétentes des États membres, mentionnées sur les sites internet énumérés à l'annexe IV, peuvent autoriser, dans les conditions qu'elles jugent appropriées, le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies :

a) l'autorité compétente concernée a établi que le paiement n'enfreint pas l'article 5, § 2, ni ne profite à une entité visée à l'article 5, § 4 ;

b) l'État membre concerné a notifié au comité des sanctions, dix jours ouvrables à l'avance, son intention d'accorder une autorisation. »

8. Le quatrième dispose :

« L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.

La notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution.

Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours.

Lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date. »

9. La CJUE a été saisie par l'assemblée plénière d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, dont l'article 1° dispose :

« Aux seules fins du présent règlement, on entend par :
[...]
h) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuilles. »

10. De cette définition, la CJUE déduit que « la notion de « gel des fonds » englobe toute utilisation de fonds ayant pour conséquence, notamment, un changement de la destination de ces fonds, même si une telle utilisation des fonds n'a pas pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur » (§ 49).

11. La CJUE ajoute que cette interprétation est corroborée par les considérants du règlement 423/2007, selon lesquels :
- « les mesures restrictives adoptées contre la République islamique d'Iran ont une vocation préventive en ce sens qu'elles visent à empêcher un risque de prolifération nucléaire dans cet Etat » (§§ 52 et 54) ;
- « les mesures de gel des fonds et des ressources économiques visent par conséquent à éviter que l'avoir concerné par une mesure de gel soit utilisé pour procurer des fonds, des biens ou des services susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire en Iran » (§ 55) ;
- « pour atteindre ces buts, il est non seulement légitime, mais également indispensable que les définitions des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » revêtent une interprétation large parce qu'il s'agit d'empêcher toute utilisation des avoirs gelés qui permettrait de contourner les règlements en cause et d'exploiter les failles du système » (§ 56).

12. La CJUE ajoute qu'elle « a déjà jugé que l'importance des objectifs poursuivis par un acte de l'Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs, y compris pour ceux qui n'ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l'adoption des mesures concernées, mais qui se trouvent affectés notamment dans leurs droits de propriété [...] de sorte que la circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l'entité dont les fonds ou les ressources économiques sont gelés est étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) n'est pas pertinente » (§§ 66 et 67).

13. Les mesures de gel sont définies en termes similaires par le règlement concernant l'Iran et par celui relatif à la Libye. Les considérants de celui-ci, comme ceux du règlement concernant l'Iran, soulignent la portée préventive des mesures de gel, en l'occurrence la prévention de « la menace que représentent les personnes et entités qui possèdent ou contrôlent des fonds publics libyens détournés sous l'ancien régime de [C] [Y], susceptibles d'être utilisés pour mettre en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou pour entraver ou compromettre la réussite de sa transition politique » (2ème considérant).

14. Il en résulte que ne peut être diligentée, sur des fonds ou des ressources économiques gelés, aucune mesure d'exécution qui aurait pour effet, non seulement de les faire sortir du patrimoine du débiteur, mais aussi de conférer au créancier poursuivant un simple droit de préférence, sans une autorisation préalable du directeur du Trésor, autorité nationale désignée en application de l'article 11 § 2 du règlement n° 2016/44, une telle interprétation étant indispensable pour assurer l'efficacité des mesures restrictives, quels qu'en soient les effets sur les créanciers étrangers aux détournements de fonds publics opérés sous l'ancien régime libyen.

15. Il ressort de l'arrêt que la société [M] n'a pas sollicité l'autorisation du directeur du Trésor préalablement aux saisies.

16. Il en résulte que la mainlevée des saisies ne pouvait qu'être ordonnée.

17. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [H] [X] [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société [H] [X] [M] et fils

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution et la saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières pratiquées le 11 mars 2016 auprès de la Société générale option Europe par la société [H] [X] [M] et fils à l'encontre de la société Libyan investment authority ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le fond :

Qu'à ce stade du raisonnement, il convient d'observer que, dans l'hypothèse où cette notion d'émanation de l'Etat libyen serait établie, aux termes de l'article L. 111-1-3, des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales, que dans le cas de la disparition de l'immunité d'exécution des Etats concernés ;

Que c'est donc dans cette hypothèse d'une renonciation de l'Etat libyen à son immunité d'exécution que la cour doit d'abord examiner, étant entendu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les "dire que" ou "juger que" ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas – hormis les cas prévus par la loi – de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points et qu'il convient de ne statuer sur lesdits moyens que s'ils ont une incidence sur la solution du litige ;

Que la société [H] [X] [M] et fils soutient que les biens saisis ne sont pas couverts par l'immunité et qu'elle prétend subsidiairement que l'Etat libyen a renoncé à trois reprises à son immunité :

- en adhérant à la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980,
- en signant la clause compromissoire visant la Convention,
- en acceptant le règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du commerce international du [Localité 3] ;

Que l'Autorité libyenne d'investissement estime que l'immunité d'exécution de l'Etat libyen fait obstacle aux saisies querellées ;

Que l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution énumère les biens qui bénéficient d'une présomption de souveraineté ;

Que la question se pose, notamment, pour un produit financier dénommé EMTN (Euro Medium Term Note) ;

Que les Etats étrangers bénéficient en effet, par principe, d'une immunité d'exécution ; qu'il en est autrement lorsque les biens concernés se rattachent, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, ce qui signifie que les biens sont utilisés ou sont destinés à être utilisés à des fins publiques, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ;

Qu'or il n'est pas contesté que l'Autorité libyenne d'investissement a été créée en 2006 afin de gérer les fonds souverains détenus par la Libye ;

Qu'ainsi l'appelante reconnaît elle-même en page 29 de ses conclusions que les biens concernés sont "utilisés ou destinés à être utilisés pour réaliser par la LIA une activité d'investissement ou de réinvestissement conformément à la mission que lui a confiée la loi" ;

Que c'est encore l'appelante qui rappelle les termes de l'article 4 de la loi n° 205/1374, selon lequel l'Autorité Libyenne d'Investissement "a pour objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité populaire général (le gouvernement) conformément aux dispositions de la présente décision aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières" ; que de même ceux de l'article 5 indique que "l'autorité a pour objet l'investissement, directement ou indirectement, des fonds affectés à l'investissement à l'étranger en se basant sur la faisabilité économique et ce dans les différents domaines économiques, de sorte à contribuer au développement et à la diversification des ressources de l'économie nationale, à réaliser les meilleurs rendements financiers soutenant ainsi le Trésor public et assurant le futur des générations à venir, et à limiter les effets des fluctuations en termes de revenus et autres recettes de l'Etat (...)

L'autorité se chargera de la réception des fonds affectés à l'investissement et sera responsable de leur investissement et réinvestissement pour le compte de l'Etat afin de recueillir les ressources financières nécessaires pour favoriser le développement économique du peuple libyen et maintenir son bien-être et sa prospérité économique dans l'avenir" ;

Qu'enfin il n'est pas indifférent de relever ainsi qu'il est dit par l'appelante, que les biens et avoirs détenus par l'Autorité Libyenne d'Investissement ont expressément fait l'objet d'un gel par l'adoption de la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU, le paragraphe 20 de cette résolution prévoyant que le Conseil de sécurité "se déclare résolu à veiller à ce que les avoirs gelés en application du paragraphe 17 de la résolution 1970 (2011) soient à une étape ultérieure, dès que possible, mis à la disposition du peuple de Jamahiriya arabe libyenne et utilisés à son profit" ;

Que les biens appartenant à l'Autorité libyenne d'investissement, quel que soit le produit financier de placement, sont donc bien utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques ce qui exclut qu'ils puissent être l'objet d'une saisie, sauf renonciation par l'Etat libyen ;

Qu'or dans le cas d'espèce, au regard des exigences de la matière, s'agissant de la souveraineté d'un Etat, cette renonciation par la Libye à son immunité d'exécution ne peut être directement déduite de son adhésion à la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 ou de l'acceptation du règlement de procédure du Centre Régional d'Arbitrage du commerce international du [Localité 3], étant précisé qu'il n'est nullement allégué ou établi que la sentence arbitrale fasse elle-même référence à une quelconque renonciation ou encore à un engagement de l'Etat à l'exécution de la sentence arbitrale ;

Que l'article 29 du contrat passé entre la société [M] et l'Etat de Libye est en effet rédigé dans les termes qui suivent : "en cas de naissance d'un différend relatif à l'interprétation ou à l'exécution du contrat pendant la période où il a cours, il doit être procédé à sa résolution à l'amiable, et en cas d'impossibilité d'un tel règlement, il doit être recouru à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980" ;

Mais que l'annexe de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 intitulée "conciliation et arbitrage", en son article 2-8 qui prévoit que "la sentence arbitrale rendue conformément aux provisions de cet article sera définitive et liera les parties qui doivent s'y soumettre et qui doivent l'exécuter immédiatement à moins que le tribunal n'ait fixé un délai pour l'exécution de tout ou partie de ladite sentence ; la sentence arbitrale ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours" n'est pas visée par la clause compromissoire ;

Que l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du commerce international du [Localité 3] qui dispose que "toutes les sentences sont rendues par écrit ; elles sont définitives et s'imposent aux parties ; les parties exécutent sans délai toutes les sentences", n'est pas non plus visée et ne constitue pas davantage la preuve d'un engagement de l'Etat à l'exécution de la sentence arbitrale dans le cas d'espèce ;

Que faute d'être plus précise quant à ses références et la portée de l'engagement souscrit, celui pris par l'Etat libyen, signataire de la clause d'arbitrage, n'est donc pas un acte de renonciation à son immunité d'exécution ;

Qu'en l'absence d'autres éléments, la notion de bonne foi dans l'exécution des conventions ou l'absence de recours possible qui s'imposent aux parties à la lecture des dispositions de la sentence arbitrale, ne sont d'aucun secours pour caractériser une telle renonciation ;

Qu'en conséquence, en l'absence de renonciation expresse de l'Etat libyen à son immunité d'exécution sur les biens concernés par les saisies litigieuses, le jugement qui en a ordonné la mainlevée sera confirmé » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « selon les termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ;

Qu'il est cependant admis que le droit de poursuite du créancier est étendu en cas de confusion des patrimoines notamment aux organismes publics qui dépendent d'un Etat étranger au point d'en être qu'une émanation ;

Qu'il est également d'usage qu'une entité est une émanation d'un Etat lorsqu'elle ne bénéficie pas d'une autonomie fonctionnelle et qu'il existe une confusion de patrimoine ;

Que la sentence arbitrale du 22 mars 2013, qui à la fois déclare que la LIA jouit de la personnalité morale et de l'autonomie financière et reconnaît que la LIA demeure une partie intégrante de l'Etat libyen, ne lie pas le juge français dans sa jurisprudence actuelle ;

Que cette décision (point 9 de la sentence) est le reflet de la complexité de la situation alors qu'il est aujourd'hui reconnu (plusieurs pièces du dossier dont pièce 29 en défense page 45) que "l'opacité de la structure du capital dans la hiérarchie des filiales a permis l'enrichissement de la famille [M]" ;

Que pour autant, cette situation n'induit pas forcément que la LIA est une émanation de l'Etat libyen ;

Que la société Libyan investment authority est un établissement financier d'investissement créée en 2006 puis confirmé par la loi du 28 janvier 2010 dont les dispositions sont ici après examinées ;

Qu'il n'est pas contesté que la LIA est un fonds souverain dont la vocation est d'être sous la tutelle d'un Etat c'est-à-dire contrôlé par l'Etat e alimenté en grande partie par les ressources de l'Etat (pièce doctrine de la société [H] [X] [M] et fils) ;

Que les fonds souverains peuvent être soit gérés directement par leur gouvernement national ou être simplement supervisés par ce même gouvernement ;

Qu'en l'espèce il ressort des principes déclaratoires libyens aux termes de la loi du 28 janvier 2010 que la LIA est certes rattachée au comité populaire général, nom donné au gouvernement libyen à cette date et qu'elle jouit de la personnalité morale ;

Que plus concrètement, la LIA est dirigée par un Conseil de fiduciaires composé de membres du gouvernement et du gouverneur de la banque centrale de Libye mais également d'experts dans le domaine du travail de l'Autorité, ce Conseil nommant pour trois années un conseil d'administration dont le président et le vice-président ont de l'expérience dans les domaines de gestion et d'investissement des fonds et des actifs lequel exerce le contrôle de la gestion de la LIA et surveille la mise en place de ses programmes ;

Que les membres du conseil d'administration, soit l'organe décisionnel, ne sont pas rémunérés en tant que fonctionnaires mais par décision du Conseil des fiduciaires qui en fixe le montant ;

Que par ailleurs, les employés de la LIA sont "considérés comme des employés publics", ce qui sous-entend qu'ils n'en sont pas directement mais que leurs conditions doivent se rapprocher de celle des fonctionnaires libyens :

Qu'ainsi la LIA est dotée d'une personnalité juridique qui lui est propre et qui est distincte de celle du gouvernement ou de la banque centrale et comprend un organe de direction, certes désigné par le gouvernement mais organe qui est ensuite complété dans sa gestion par des experts et des membres ayant une expérience académique et professionnelle en matière financière ;

Qu'il en résulte que la LIA dispose d'un statut juridique qui prévoit qu'elle n'est pas entièrement et directement placée sous le contrôle total du gouvernement, étant ainsi rattachée au gouvernement, comme l'institue l'article 3 de la loi, sans y être pour autant soumise comme il résulte de sa composition et des organes de sa direction ;

Que par ailleurs les ressources financières de la LIA sont certes composées des sommes allouées par l'Etat mais également de prêts qu'elle peut obtenir auprès de l'étranger et de fonds monétaires et actifs en nature qui lui sont alloués ;

Que les fonds et entités (article 16) sont la propriété de la LIA, constituant ainsi un patrimoine distinct de celui de l'Etat libyen ;

Que la stratégie de gestion des actifs financiers, article 11 de la loi, n'est pas définie par le gouvernement mais par le conseil d'administration lequel conçoit principalement les politiques d'investissement et de ré-investissement des fonds affectés à l'investissement après approbation du Conseil des fiduciaires, preuve de l'existence d'une autonomie financière de la LIA ;

Que l'affectation principale des fonds à l'Etat n'est pas en soi un élément prouvant que la LIA est une émanation de l'Etat libyen, tout fond souverain ayant pour objet d'enrichir le pays concerné ;

Qu'aussi, quand bien même la LIA apporte une aide financière à l'Etat et qu'elle est considérée comme l'une des institutions financières essentielles de la Libye pour la reconstruction du pays, elle n'est pas pour autant assimilée à l'Etat lui-même puisqu'elle dispose d'une autonomie financière ;

Que la situation actuelle politique montre d'ailleurs que l'ONU, plus particulièrement le Groupe d'experts sur la Libye crée en 2011, intervient directement auprès de la LIA en qualité d'entité autonome en précisant en 2015 que le groupe d'experts "entretient de bons rapports avec la direction de la LIA et des mesures semblent avoir été prises pour régler les problèmes de gouvernance, notamment en matière de correction. Un décalage continue d'exister entre la direction (de la LIA) et les sections compétentes des ministères mais il devra se réduire une fois que la stabilité du gouvernement sera renforcée" ;

Qu'enfin et comme le souligne la société [H] [X] [M] et fils, la Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations-Unies en date du 17 mars 2011 a décidé notamment de geler les avoirs de la société Libyan investment authority dans le cadre de l'adoption de mesures restrictives en se déclarant préoccupé par la détérioration de la situation en Libye ;

Que néanmoins, il convient à ce titre de relever que le Conseil de sécurité n'a pas formellement identifié la LIA comme étant détenue par l'Etat à 100% mais a seulement précisé qu'elle était "sous le contrôle de [C] [Y]" effectuant ainsi une distinction entre l'influence de [C] [Y] sur des entités libyennes et la détention par l'Etat d'autres entités ;

Que dès lors, la société [H] [X] [M] et fils ne démontre pas que la société Libyan investment authority est dans une dépendance fonctionnelle avec l'Etat libyen empêchant toute autonomie de droit et de fait organique, patrimoniale et financière ;

Qu'en conséquence, il convient d'ordonner la mainlevée de la saisie » ;

1°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international relatifs à l'immunité d'exécution, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure est engagée, qu'en décidant que « les Etats étrangers bénéficient en effet, par principe, d'une immunité d'exécution. Il en est autrement lorsque les biens concernés se rattachent, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, ce qui signifie que les biens sont utilisés ou sont destinés à être utilisés à des fins publiques, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice », l'arrêt attaqué a été rendu en violation du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ;

2°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé à des fins d'investissement ; qu'en l'espèce, pour juger que les sommes détenues par la LIA sur le compte-courant ouvert auprès de la Société générale option Europe ainsi que les droits d'associés ou les valeurs mobilières bénéficiaient d'une immunité d'exécution et ne pouvaient, par conséquent, être l'objet d'une saisie, la cour d'appel s'est bornée à constater que ces biens étaient « utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même constaté que les fonds étaient spécialement affectés à des activités d'investissement à l'étranger, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ;

3°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, le bénéfice de l'immunité d'exécution s'apprécie pour chaque bien appréhendé par la saisie ; qu'en jugeant que l'immunité d'exécution couvrait tous « les biens appartenant à l'Autorité libyenne d'investissement, quel que soit le produit financier de placement », la cour d'appel n'a pas pris en considération la finalité à laquelle était destiné le produit financier « Euro Medium Term Note », pourtant objet de la saisie, et a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ;

4°/ALORS QUE toute activité déployée par un Etat ou son émanation ne peut que poursuivre un intérêt général ; qu'à lui seul le critère fondé sur l'intérêt général n'est pertinent pour délimiter le champ de l'immunité d'exécution ; qu'en se référant exclusivement à l'idée que les opérations de placement réalisées par la LIA servaient l'intérêt du peuple libyen, notamment en visant la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU sans rechercher si ces biens sont « spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales » pour décider que les fonds appréhendés étaient couverts par l'immunité d'exécution, l'arrêt attaqué a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ;

5°/ ALORS QUE porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental à l'exécution des décisions de justice, toute protection des biens de l'Etat étranger allant au-delà de ce que prescrit le droit international coutumier tel que reflété par la Convention des Nations-Unies du 2 décembre 2004 ; qu'en l'espèce, pour prononcer la mainlevée de la saisie, la cour d'appel a jugé que les biens utilisés par le fond souverain de l'Etat libyen à des fins d'investissement étaient couverts par son immunité d'exécution ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit international coutumier tel qu'il résulte de la Convention des Nations-Unies de 2004 autorise la saisie des biens utilisés par l'Etat ou l'une de ses émanations à des fins d'investissement, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde européenne des droits de l'homme, ensemble les principes du droit international régissant les immunités d'exécution des Etats étrangers ;

6°/ ALORS QUE l'article 26 de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980, à laquelle se référait le contrat, dispose que « la conciliation et l'arbitrage se dérouleront conformément aux règles et aux procédures établies dans l'annexe de cette convention » et que « cette annexe constitue une partie intégrante de celle-ci » ; qu'en l'espèce, pour juger que l'Etat libyen n'avait pas expressément accepté de se soumettre à la sentence arbitrale et ne s'était pas expressément engagé à exécuter cette sentence, la cour d'appel a retenu que n'était pas visé par la clause compromissoire du contrat passé avec l'exposante, l'article 2-8 de l'annexe de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 lequel prévoit que « la sentence arbitrale rendue conformément aux provisions de cet article sera définitive et liera les parties qui doivent s'y soumettre et qui doivent l'exécuter immédiatement » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 29 du contrat passé entre l'Etat libyen et la société [M] stipulait qu'il devait être « recouru à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 » laquelle, dans son article 26, énonce expressément que son annexe dont l'article 2-8 fait partie intégrante de ses dispositions, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire du contrat, ensemble la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 ;

7°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'acceptation par l'État étranger, signataire de la clause d'arbitrage, de se soumettre à la sentence arbitrale et de l'exécuter dans les termes de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 vaut renonciation expresse à son immunité d'exécution; qu'en jugeant le contraire, alors qu'elle avait elle-même constaté que l'Etat libyen avait, non seulement, expressément adhéré à cette Convention mais, également, expressément visé cette Convention dans la clause compromissoire du contrat qu'il a conclu avec l'exposante, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes ;

8°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'engagement pris par l'Etat signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence conformément à l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du commerce international du [Localité 3] lequel est expressément visé par la sentence arbitrale, vaut renonciation à son immunité d'exécution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] ;

9°/ ALORS QUE les parties ayant toutes deux admis que l'article 34.2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] était applicable même s'il n'était pas visé par la clause compromissoire, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le silence de la clause sur ce texte sans méconnaître les termes du litige et violer l'article 4 du code de procédure civile ;

10°/ ALORS QUE, subsidiairement à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges, doit être qualifiée d'émanation, l'entité dépourvue de d'autonomie fonctionnelle et de patrimoine propre ; que cette qualité s'apprécie en droit mais surtout en fait selon la méthode du faisceau d'indices ; qu'en l'espèce, pour refuser de qualifier la LIA d'émanation de l'Etat libyen, les juges du fond se sont exclusivement fondés sur l'autonomie juridique de l'entité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme ils y étaient invités, si dans les faits, la LIA n'était pas suffisamment indépendante dans son fonctionnement et si son patrimoine se confondait avec celui de l'Etat libyen, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des principes du droit international relatifs aux émanations des Etats étrangers. ECLI:FR:CCASS:2022:C100613
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